Une taxe carbone qui étouffe le gouvernement australien

L'instauration au 1er juillet 2012 d'une taxe visant les 500 plus gros pollueurs du pays met en porte-à-faux le gouvernement travailliste de la Première ministre Julia Gillard. L'Alliance Australienne, un regroupement d'industriels comprenant notamment le secteur du charbon, est vent debout contre ce nouvel impôt.
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L'économie ou la planète ? Pour les Australiens, le choix n'est pas évident. La décision de la Première ministre Julia Gillard, annoncée le 11 juillet après des mois de débats, de taxer les 500 entreprises les plus polluantes du pays à hauteur de 23 dollars australiens (environ 17 euros) par tonne de dioxyde de carbone émise, divise les Australiens comme rarement.  Et suscite la fureur de la plupart des industriels du pays, notamment dans le secteur du charbon.

La taxe, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2012, vise à diminuer de 160 millions de tonnes par an les émissions de carbone dans l'atmosphère. Les particuliers, l'ensemble des PME et le secteur agricole pour l'instant y échappent, dont le montant devrait augmenter de 5% par an jusqu'au 1er juillet 2015. A partir de cette date, elle sera remplacée par une législation qui s'appliquera à la zone Asie-Pacifique sur un schéma d'échange de quotas d'émissions.

60% des Australiens hostiles

Si la taxe concerne donc seulement les plus imortants pollueurs, le sujet divise l'ensemble de la population. Selon un sondage réalisé par quotidien The Sydney Morning Herald début juillet, 60% des Australiens seraient hostiles à la mesure. L'opposition parlementaire affirme en effet que la taxe va coûter des milliards aux contribuables et peser sur les prix. Les producteurs de charbon estiment que l'industrie va devoir supprimer des milliers d'emplois et fermer des sites de production. Au sein de l'Alliance Australienne, un regroupement d'industriels hostiles à la taxe, la principale compagnie aérienne du pays, Qantas, estime que la taxe engendrera une hausse de 3,5 dollars australiens (2,5 euros) du prix du billet d'avion. Un coût qu'elle se dit incapable d'absorber dans un contexte d'augmentation constante ces derniers mois du prix du carburant. Les industriels passent donc à l'offensive. Ils ont lancé une vaste campagne de protestation dans le but de rappeler que l'actuelle chef du gouvernement s'était engagée lors de la campagne électorale de 2010 à ne pas faire voter de taxe carbone.

L'immense île-continent entretient en effet un rapport compliqué avec l'écologie. L'Australie émet 1,5% des gaz à effet de serre dans le monde, principalement car elle génère 80% de son électricité à partir du charbon. L'Australie pollue autant que la Corée du Sud, la Grande-Bretagne ou la France... mais accueille deux à trois fois moins d'habitants, ce qui en fait le plus grand émetteur de gaz à effet de serre par tête de tous les pays industrialisés. Les besoins du pays en électricité étant immenses et les technologies vertes peu développées, on comprend alors les réticences des gouvernements à ratifier le protocole de Kyoto, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Signé le 11 décembre 1997, il est entré en vigueur en 2005, mais l'Australie ne l'a ratifié qu'en 2007, sous l'impulsion de Kevin Rudd, le prédécesseur travailliste de Julia Gillard.

Contre-attaque du gouvernement

Politiquement, le gouvernement est dans une posture délicate. Il est tiraillé entre la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays, la volonté de conserver l'appui des écologistes (qui ont précipité la chute du gouvernement de Kevin Rudd suite à son refus d'instaurer la taxe carbone), et l'impératif de ne pas froisser le secteur industriel.

Julia Gillard a donc lancé sa contre-attaque. L'objectif : convaincre que sa taxe carbone ne va pas pénaliser l'économie australienne. Si elle ne réussit pas dans cette tâche, cela pourrait lui coûter les prochaines élections législatives, dans deux ans. Le fait qu'elle ait enrobé la taxe d'une exonération fiscale de près de 11,4 milliards d'euros concernant plus de 80 % des ménages australiens, n'a visiblement pas convaincu. Les 7 milliards d'euros sur trois ans que le gouvernement va débloquer pour aider les principaux secteurs industriels à s'adapter aux technologies propres n'ont également pas rassuré les industriels.

La Première ministre mise alors sur la preuve. L'offre d'Arcelor Mittal et de Peabody Energy, deux géants mondiaux de la sidérurgie, de mettre la main pour 3,5 milliards d'euros sur le producteur de charbon australien Macarthur, est arrivée à point nommé le 11 juillet dernier, soit le lendemain de l'annonce de la taxe. "On assiste à la plus grosse offre pour un producteur de charbon de toute l'histoire de l'Australie. Il n'y a pas de meilleure preuve que les milieux économiques promettent le plus bel avenir à cette industrie dans le pays", s'est empressée de réagir Julia Gillard. Mais la contestation n'a pas  faiblit par pour autant Le gouvernement travailliste, en mauvaise posture dans les sondages, a encore du pain sur la planche pour rassurer les Australiens.

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