"Le luxe n'est que la partie émergée de l'iceberg. Tout ce qui marche est copié."

Selon Alain Cléry, avocat spécialiste de la contrefaçon, "beaucoup de réseaux mafieux passent de la drogue à la contrefaçon car c'est quasiment plus rentable".
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Est-ce que la contrefaçon de produits de luxe s'accroît en Chine ?

La Chine est le noeud du problème puisque 80 % des produits contrefaits viendraient de ce pays. Et, loin de se calmer, la contrefaçon ne cesse de s'amplifier. Elle représentait 10 % du commerce international en 2010, contre 5 % en 2000. C'est un peu le tonneau des Danaïdes car, quand nous réussissons à attraper des Chinois en Europe, d'autres prennent leur place, et ceci, malgré l'harmonisation des législations européennes en la matière. Les grosses sociétés, comme LVMH, ou Pernod Ricard, vont directement sur place poursuivre les acteurs locaux. Elles font malheureusement face à des pouvoirs publics encore dépassés car, culturellement, la contrefaçon n'est pas répréhensible en soi pour les Chinois. Seul compte le business et cette fabrication de faux produits en tous genres représenterait entre 15 et 30 % de l'activité industrielle du pays !

Cette contrefaçon prend-elle de nouvelles formes au fil du temps ?

Nous autres, avocats, avons tous démarré il y a vingt ans sur les produits de luxe. Au début, la contrefaçon consistait à copier les logos. On se souvient du tee-shirt Lacoste avec un drôle de crocodile ou des « Luis Vitton ». Désormais, ce sont moins les griffes que les formes ou les couleurs emblématiques d'un sac, d'une montre ou d'un foulard qui sont imitées. Les droits d'auteur ou de modèle se cumulent alors avec le droit des marques. Mais le luxe n'est plus que la partie émergée de l'iceberg. À cette contrefaçon « touristique » s'ajoute une autre bien plus dangereuse, qui concerne par exemple les médicaments, les pièces détachées de voiture ou les jouets. Tout ce qui marche est copié, jusqu'aux magasins comme l'Apple Store !

Les formes de distribution évoluent donc, elles aussi ?

Bien sûr. Aujourd'hui, les industriels sont focalisés sur Internet en raison de la multiplication par six des sites d'e-commerce en six ans, rien que pour la France. Ils font la chasse aux moteurs de recherche type Google et eBay avec de plus en plus de succès, comme récemment LVMH et L'Oréalcute;al. Nous sommes donc passés de la vente à la sauvette devant les Galeries Lafayette à un marché gris beaucoup plus difficile à traquer, où s'échangent faux mais aussi vrais produits. Faute de pouvoir s'approvisionner en Europe, des enseignes de grande distribution s'étaient fournis en vrais jeans de marque sur le marché gris asiatique il y a quelques années et beaucoup de belles montres ont été écoulées en 2009 sur le Web par des détaillants en excès de stock. Le problème est que beaucoup de réseaux mafieux passent de la drogue à la contrefaçon car c'est quasiment aussi rentable, très facile et bien moins risqué.

Est-ce perdu d'avance ?

Non, petit à petit, les pays industrialisés réussissent à mettre des barrières. Surtout, les pays qui veulent une place sur l'échiquier politique mondial se sensibilisent à la question. Après le Japon, Taïwan est par exemple moins montré du doigt qu'avant. Même la Thaïlande et la Chine y arriveront progressivement. C'est long mais nous ne baissons pas les bras.

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