La contestation en Europe grandit sous des formes très variées

Par Eric Benhamou  |   |  564  mots
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Les émeutes sont difficiles à décrypter. Elles soulignent en tout cas l'incapacité des États à préserver la cohésion sociale tout en imposant la rigueur.

Les émeutes urbaines qui se propagent en Grande-Bretagne ne sont pas politiques. Comme la révolte des banlieues en France. Elles témoignent avant tout de problèmes économiques et sociaux, dans des quartiers déshérités, où précarité des jeunes et faible mixité des populations (Tottenham est cependant un quartier très mélangé) forment, de longue date, un cocktail dangereux. Et à ce titre, le Royaume-Uni a toujours eu beaucoup de problèmes de délinquance, de violence, de jeunes mères célibataires ou de chômage de longue durée. Ce qui marque en soi l'échec d'un modèle social.

Pour autant, ces affrontements et ces pillages s'inscrivent dans un contexte particulier de gestion de la crise et de rigueur que les politiques devront, bon gré mal gré, prendre en compte. Le gouvernement de David Cameron est en effet engagé dans un plan d'austérité d'une d'ampleur inégalée avec, à la clé, plus de 80 milliards de livres de coupes budgétaires. C'est tout le filet de protection sociale qui est remis en cause. Et la grogne ne se limite pas aux grandes villes et à leurs quartiers défavorisés mais elle touche également, sans faire la une des quotidiens, les banlieues des classes moyennes et les petites villes confrontées à la suppression annoncée de leur bibliothèque ou de leur crèche.

Plus grave pour le Premier ministre, les réductions de dépenses compromettent gravement son grand projet de « Big Society », largement inspiré du camp conservateur américain, et qui consiste à proposer le bénévolat comme alternative aux services publics. Sa mise en oeuvre implique toutefois des subventions aux associations qui sont... remises en cause.

Cantonner ces événements à un seul problème de délinquance serait donc politiquement imprudent. Les politiques doivent gérer une nouvelle équation : celle d'États ruinés par la crise financière qui n'ont plus les moyens de financer la protection sociale. D'où une remise en cause progressive, de plus en plus teintée d'idéologie, de l'État providence avec, à la clé, la mise en place d'un nouveau système de protection sociale « sous conditions ».

En Grande-Bretagne, le Parti conservateur souhaite faire travailler le chômeur pour l'État, une idée d'ailleurs reprise en France au sein de la majorité. Il faut combattre « l'assistanat » ou encourager « la responsabilité individuelle », autant de discours qui auraient été qualifiés « d'extrémistes » il y a quelques années encore.

En Europe, le mouvement des Indignés en Espagne ou en Italie (les « 5 étoiles ») ou les manifestations en Grèce contre les réformes ne sont pas de même nature mais ils illustrent une même réalité, celle d'une contestation grandissante face à ce retrait annoncé de l'État. Et elle ne concerne pas seulement les catégories de population les moins protégées mais aussi de plus en plus les classes moyennes, dont les étudiants sont les nouveaux porte-drapeaux. Même aux États-Unis, les 100.000 personnes qui ont défilé dans l'État du Wisconsin, en majorité des Blancs de la classe moyenne, pour protester contre la suspension des droits syndicaux des fonctionnaires locaux, ont frappé les esprits.

Le politique doit désormais faire face à cette contestation et trouver les solutions pour éviter que le désengagement de l'État ne se traduise par un autoritarisme d'État.