L'Espagne vise les entreprises pour remplir ses caisses

Par Sylvain Rolland  |   |  419  mots
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L'exécutif votera les 19 et 26 août des mesures pour économiser 4,9 milliards d'euros supplémentaires en 2011.

Les Espagnols n'en ont pas fini avec l'austérité. Malgré l'adoption en 2010 d'un plan de rigueur drastique pour économiser 65 milliards d'euros sur trois ans, la panique des marchés liée aux crises de la dette a poussé Madrid à annoncer, dimanche, 4,9 milliards d'économies supplémentaires. Mais la ministre des Finances, Elena Salgado, est restée évasive sur le détail de ces nouvelles mesures. Elle a seulement dévoilé qu'une réforme sur la « méthodologie » de l'impôt sur les grandes entreprises permettrait de lever 2,5 milliards d'euros. Les 2,4 milliards restants seront économisés sur l'assurance-maladie en obligeant à recourir davantage aux médicaments génériques. Seule certitude : le gouvernement se réunira en Conseil des ministres extraordinaire les 19 et 26 août pour voter ces mesures.

Avance sur impôt

Mais la réforme de l'impôt sur les grandes sociétés, qui concerne les entreprises qui déclarent un chiffre d'affaire supérieur à 6 millions d'euros, fait déjà hurler l'opposition et certains économistes. Le Parti populaire espagnol (PPE, centre droit), le favori des sondages pour les élections législatives anticipées du 20 novembre, fustige un « effet d'annonce ». Selon les analystes, ces 2,5 milliards d'euros proviendraient du paiement en 2011 de montants que ces entreprises auraient dû verser en 2012... Une avance sur impôt, en somme. « Ce n'est pas une réforme, c'est un ajustement du calendrier pour obtenir davantage d'argent en 2011 au détriment des rentrées fiscales de 2012 », tonnait lundi dans « El Pais Cristobal Montoro », un ancien ministre des Finances du PPE. Pour Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas, le gouvernement est pris à la gorge. « On arrive à un moment où instaurer davantage d'austérité, c'est tuer définitivement la croissance. La démarche de Madrid est surtout de rassurer les marchés, montrer sa volonté de respecter les engagements sur les déficits publics. »

Mais l'objectif du gouvernement de réduire le déficit à 6 % du PIB en 2011, après 9,2 % en 2010 et 11,1 % en 2009, semble improbable. En cause : la faiblesse de la croissance espagnole, qui a été de seulement 0,5 % au premier semestre. Alors que le budget 2011 a été réalisé sur la base d'une croissance de 1,3 %, les analystes s'accordent sur une augmentation du PIB de 0,7 % à 0,9 %... « La croissance a été surestimée, donc le déficit public va nécessairement gonfler et sera plutôt vers 6,8 % du PIB , analyse Jésus Castillo, spécialiste de l'Espagne chez Natixis. Dans ce contexte, l'Espagne n'a pas le choix et doit trouver des recettes fiscales rapides pour compenser ce manque à gagner. » Sylvain Rolland