Le pari risqué d'Obama pour créer des emplois

Par Sylvain Rolland  |   |  899  mots
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Alors que les derniers indicateurs économiques sont inquiétants, le président des Etats-Unis Barack Obama dévoilera après la fête du Travail, le 5 septembre, un nouveau plan pour créer des emplois, relancer la croissance et réduire les énormes déficits.

La campagne présidentielle de 2012 aux Etats-Unis sera économique ou ne sera pas. Alors que les derniers indicateurs macroéconomiques publiés ce jeudi sont dans le rouge (l'indice des conditions d'activité de la Fed a chuté en août à son plus bas niveau depuis mars 2009, augmentation des inscriptions au chômage plus importantes que prévu depuis début août, chute inattendue des reventes de logements), Barack Obama va (re)lancer les hostilités sur l'épineuse question de la croissance et des déficits publics "peu après le Labor Day", la fête du Travail qui se tient le 5 septembre. Dans un discours à la nation que ses partisans prédisent "d'envergure", le président va présenter un plan en deux volets pour créer des emplois et relancer la croissance, mais aussi réduire les déficits à long terme.

Ambitieux et... risqué. A un an de l'élection présidentielle, ce grand débat sur les comptes de la nation risque fort de tourner en inauguration sanglante de la campagne de 2012. Ce n'est plus une surprise : les deux camps ont une vision diamétralement opposée de la gestion économique du pays. Ils l'ont montré lors des négociations calamiteuses sur le relèvement du plafond de la dette, qui ont duré plusieurs mois et ont abouti à un accord minimaliste, voté in extremis le 1er août. Hostiles à toute intervention de l'Etat fédéral et farouchement opposés aux hausses d'impôts, les Républicains, pressurés par leur aile droite du Tea Party, s'opposaient aux propositions démocrates pour réduire la dette et exigeaient des coupes drastiques dans les dépenses publiques. Si un accord a finalement été trouvé au détriment des démocrates, l'incapacité à coordonner une réponse politique à la crise de la dette a poussé Standard & Poor's à dégrader la note des Etats-Unis (de AAA à AA+) pour la première fois de leur histoire.

Stimulus de l'activité à court terme

La bataille entre les deux camps s'annonce donc épique. Surtout que d'après les fuites savamment orchestrées par la Maison Blanche, c'est un euphémisme de dire que le plan d'Obama ne plaira pas aux Républicains. Pour créer des emplois et relancer la croissance, le président va proposer... davantage de dépenses.

"Beaucoup de Républicains, d'électeurs et d'économistes sont d'accord sur le fait qu'il faut dépenser davantage pour soutenir la reprise de l'emploi dans un moment où l'économie n'est pas assez forte pour réduire le chômage par elle-même", a plaidé Laura Tyson, consultante au World Economic Forum et conseillère du président.


La Maison Blanche compte donc proposer des investissements dans les infrastructures (routes, grands projets) ainsi que des aides pour les chômeurs de longue durée.

Au niveau fiscal, les hauts responsables de l'administration ont avancé des baisses d'impôts pour les entreprises qui embauchent et pour les classes moyennes, ainsi qu'une augmentation des impôts pour les Américains les plus riches, comme l'a récemment demandé le milliardaire Warren Buffett.

Ce "stimulus de l'activité à court terme" pourrait coûter entre 200 et 300 milliards de dollars.

"Les dépenses à court terme peuvent mener à des économies à long terme", a martelé mercredi Barack Obama dans l'Illinois, lors de la dernière étape de son tour à la rencontre des Américains dans le Midwest.

Au moins 1500 milliards de dollars d'économies en dix ans

Ce qui provoque les critiques des Républicains. "Le peuple américain comprend que Washington ne peut dépenser l'argent qu'il n'a pas [...] La pire chose que Washington puisse faire pour notre économie, c'est d'augmenter les impôts des gens dont nous avons besoin pour recommencer à embaucher", écrivent John Boehner et Eric Cantor, les chefs de la majorité républicaine à la Chambre, dans une tribune publiée mercredi par le quotidien USA Today.

Paradoxalement, le deuxième volet de ce plan de Barack Obama devrait détailler comment réduire le déficit budgétaire sur le long terme.

La commission bipartite créée suite à l'accord sur le relèvement du plafond de la dette doit trouver d'ici le 23 novembre comment économiser 1.500 milliards de dollars en dix ans.

Barack Obama a déclaré que son plan permettrait d'aller au-delà de ce chiffre. Mais il n'a pas précisé comment.

Enjeux électoraux

La bataille sur le point de s'engager est donc avant tout politique. Les démocrates sont prêts à concéder des coupes dans les budgets fédéraux comme le Medicare, le système de santé, pour réduire les déficits. Mais ils veulent absolument obtenir des augmentations d'impôts pour les plus riches et sauvegarder leur politique d'investissement pour la croissance et l'emploi. Il en va de leur crédibilité pour la campagne électorale, alors qu'un sondage a révélé mercredi que seulement 26% des Américains approuvent la politique économique de Barack Obama, soit son score le plus bas depuis son élection.

Le parti républicain, lui, joue un jeu d'équilibriste : il doit contenter son électorat qui abhorre les interventions de l'Etat, obtenir davantage de coupes budgétaires, mais ne pas passer comme le parti qui pénalise l'économie en privilégiant son intérêt plutôt que l'intérêt général. Une posture dans laquelle le parti démocrate aimerait bien l'enfermer.