Ces marchés clandestins qui font peur au régime Nord-coréen

Pyongyang ne parvient pas à contrôler les marchés, devenus la principale source d'accès à la nourriture pour une population en détresse.
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Dans les travées très affairées du marché de la Réunification à Pyongyang, les étals offrent légumes, viandes, alcools, mais aussi vêtements colorés et gadgets électroniques made in China. La capitale nord-coréenne compte une dizaine de ces marchés officiels, étroitement contrôlés par les autorités. Mais Pyongyang possède aussi, à l'abri des regards, cachés derrière les grandes barres d'immeubles, d'innombrables petits vendeurs de rue. Accroupis derrière des bassines en plastique, ils proposent des petits pains et du tofu fabriqués de manière artisanale, voire même du riz et du maïs, dont la distribution est pourtant une prérogative de l'Etat.

Ces nombreux commerçants sont le signe le plus visible de l'émergence inexorable des marchés en Corée du Nord. Pendant des décennies, le régime communiste a pourtant strictement interdit tout commerce privé : un système de distribution public donnait à chaque citoyen ses rations fixées par l'Etat. Mais au début des années 90, la chute du bloc soviétique - qui offrait nourriture, armes et essence à prix « amis » - a entraîné l'effondrement brutal de l'économie nord-coréenne. Une épouvantable famine s'est ensuivie, avec un nombre de victimes estimé entre 600.000 et 1 million de morts.

Impuissance de Pyongyang

Cette catastrophe "a forcé les foyers, les équipes de travail, les gouvernements locaux et même les unités de l'armée à adopter un comportement d'entrepreneurs", expliquent Stephan Haggard et Marcus Noland, deux chercheurs américains spécialistes de la Corée du Nord. Le régime, obligé de tolérer cette "émergence par le bas" des marchés, lance en 2002 des mesures d'ouverture. Mais il fait machine arrière dès 2005 : la faction dure du Parti, opposée à toute libéralisation, l'emporte. Le code pénal, révisé, révèle "une extraordinaire criminalisation des activités économiques", selon Stephan Haggard.

En novembre 2009, une réforme monétaire tente de balayer la classe émergente des petits commerçants qui s'enrichissent grâce au marché noir. Son échec magistral - inflation galopante et aggravation des pénuries - déclenche une série de purges et, fait sans précédent, des excuses officielles du premier ministre.

Semi-zone de communication sociale

Si les marchés font autant peur aux caciques de Pyongyang, c'est que ceux-ci constituent "une zone semi-autonome de communication sociale qui peuvent, du moins en théorie, offrir un lieu de pouvoir politique indépendant", estiment Haggard et Noland. Leurs recherches ont en effet montré que les Nord-Coréens qui ont des activités commerciales ont plus d'informations sur ce qui se passe à l'extérieur et portent un jugement plus sévère à l'encontre du régime.

En outre, de nombreux marchands sillonnent désormais le pays, facilitant la propagation des nouvelles. Les autorisations de déplacement, autrefois restreintes, s'obtiennent en corrompant les fonctionnaires. Les échanges informels le long de la frontière avec la Chine se multiplient. Les DVD sud-coréens, films et feuilletons qui affichent l'éclatante réussite du frère ennemi capitaliste, se propagent désormais au Nord. Pour le régime, ces échanges menacent ainsi directement son emprise idéologique sur sa population, maintenue sous contrôle depuis bientôt six décennies.

Commentaires 4
à écrit le 24/08/2011 à 15:50
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Non seulement le régime nord-coréen est protégé par la bombe, mais en plus bien des gens, en Corée du Sud, malgré la peur d'une attaque nucléaire, ne veulent pas de la réunification. A cause de son coût ! Ils ont eu connaissance du prix de la réunifi...

à écrit le 24/08/2011 à 10:28
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Ce régime est encore pire que celui de Kadhaffi. Vivement sa disparition.

à écrit le 23/08/2011 à 16:33
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Pas de pétrole , pas "d'ingérence" ! Pas de pot pour les nord-coréens....

le 23/08/2011 à 19:25
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Mais "Bombe atomique" hélas, cela calme ! Heureusement pour les Nord Coréens, Confusius - Seb a dit: "quand on chauffe une cocotte minute, un jour ou l'autre, de la vapeur d'eau s'en échappera", il faut espérer que la liberté va jaillir de la cocott...

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