Les difficultés s'accumulent pour l'aide des "Brics" à l'Europe

Par Virginie Mairet, à Rio de Janeiro  |   |  535  mots
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Alors que les "Brics" (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) se réunissent jeudi à Washington pour examiner comment aider les pays européens englués dans la crise de la dette, les difficultés émergent.

L'opinion brésilienne ne se lasse pas de souligner l'ironie de la situation : moins de dix ans après avoir reçu, à la veille de l'élection de Luiz Inacio Lula da Silva, en 2002, une aide d'urgence du Fonds monétaire international (FMI) de 30 milliards de dollars, le Brésil est aujourd'hui appelé à la rescousse de l'Europe. Mieux encore : le Brésil propose de lui-même que le groupe des "Brics" (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui drainent la croissance mondiale, vole au secours d'une Europe engluée jusqu'au cou dans sa crise de la dette. Savoureux.

Sauf que malgré les discours sur la nécessité d'agir pour éviter une contagion de la crise européenne, et la légitimité des pays émergents sur la scène internationale, une éventuelle aide des "Brics" est confrontée à de nombreuses difficultés. Tout d'abord, la réglementation de la banque centrale, selon laquelle les réserves -actuellement de 353 milliards de dollars - ne peuvent être placées que dans des actifs très sûrs, et non pas dans un projet d'aide politique. "C'est pour cette raison que le Brésil n'était pas enthousiasmé par le projet de Banque du Sud de Chavez, destinée à financer des investissements dans les pays voisins", explique Lia Valls, économiste à la Fondation Getulio Vargas. Difficile en outre, d'expliquer politiquement à la population que des capitaux sont destinés à l'Europe alors que les budgets de la santé et de l'éducation restent misérables.

Exception pour le Portugal

Pas question donc, d'acquérir des titres de dette grecque ou italienne. "Le cas portugais est à part, Brasilia peut faire une exception pour des raisons historiques", poursuit Lia Valls, en référence à l'ancienne puissance coloniale du Brésil. Ne rien faire, pourtant, reviendrait à affirmer la prééminence d'un G7 boiteux d'un G20 trop hésitant. En outre, la diversification est bien perçue : alors qu'en 2007, 90% des réserves étaient placés en titres du trésor américain, cette proportion est aujourd'ui de 81%. L'une des options avancées dans l'entourage du gouvernement serait utiliser 15 milliards de dollars du fonds souverain pour acheter des titres européens, qui seraient garantis par les dix-sept pays de la zone euro. Autre piste, plus acceptable, augmenter la participation au sein du FMI, avec, en contrepartie de surcroît de capitaux, une augmentation des droits de votes.

Malgré les difficultés, la présidence Dilma Rousseff a déclaré mardi, en marge d'une réunion avec Barack Obama, que le Brésil coopère avec d'autres pays émergents pour trouver une solution afin d'aider les Européens. Le Brésil est déjà actif sur le marché européen de la dette souveraine via le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Les cinq "Brics" doivent se réunir jeudi à Washington en marge du G20. L'occasion de démontrer que ces pays sont devenus incontournables sur la scène internationale. Aboutir à un accord sera toutefois une difficile paire de manche. Quelle que soit la structure de soutien, l'Asie se montre réticente à l'idée d'acheter directement de la dette européenne (trop risqué en cas de défaut), et à augmenter sa quote-part au FMI.