La politique de la BCE attaquée devant la justice européenne

L'initiateur des recours allemands devant la Cour constitutionnelle contre le sauvetage de la Grèce et le fonds de sauvetage créé en 2010 s'attaque à présent à la BCE.
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Markus Kerber, professeur de droit à la Technische Universität de Berlin, doit annoncer ce lundi le dépôt d'une plainte devant la Cour de justice de l'Union européenne à Luxembourg. Il fait grief à la BCE de violer les articles 123 à 125 du traité européen qui proscrivent, selon lui, la politique de rachat d'obligations de dettes publiques menée depuis 2010. "Sans intervention du tribunal, la politique de la BCE [ira] au-delà de son mandat monétaire. Cela ferait échapper l'eurosystème [l'ensemble des banques centrales européennes] à tout contrôle juridique", écrit-il dans un communiqué de l'association Europolis attendu lundi.

La Cour constitutionnelle allemande a beau avoir validé le 7 septembre le premier plan d'aide à la Grèce ; le Bundestag a beau s'apprêter à voter le 29 septembre à "une majorité de 80%", selon le ministre des Finances Wolfgang Schäuble, le deuxième plan grec, Markus Kerber ne désarme pas, conforté par le scepticisme d'une partie des responsables politiques et économiques allemands. Les démissions successives d'Axel Weber et de Jürgen Stark, respectivement de la Bundesbank et du poste d'économiste en chef de la BCE, ne laissent guère de doute sur l'existence d'un courant hostile à la politique de Jean-Claude Trichet outre-Rhin.

"Mon plus grand allié, ce sont les faits", explique le juriste. Or le fait majeur à ses yeux est la dégradation du bilan de la Banque centrale européenne. "Depuis deux ans, Jean-Claude Trichet fait du "Quantitative Easing" sans le dire. Son discours sur la stérilisation [des liquidités injectées dans le système] est un mensonge", assure-t-il. Et d'ajouter : "au sein de la BCE, l'ambiance est celle du parti communiste russe avant la chute de l'empire soviétique".

Trancher dans le vif

Convaincu que l'édifice construit depuis 2009 (BCE et FESF) pour contrer les attaques contre la zone euro finira par s'effondrer, il juge que seul un départ des pays du Sud de la zone euro permettrait de sauver l'héritage précieux du deutsche mark. "Pour rétablir la stabilité monétaire, il faut trancher dans le vif. Comme De Gaulle en Algérie !"

Sa défaite devant la Cour constitutionnelle allemande ? Elle résulte "d'une entente tacite avec le gouvernement. Le débat continue au Bundestag". Le vote du 29 septembre devrait cependant se passer sans problème pour le gouvernement, grâce à l'appui des sociaux-démocrates et en dépit des états d'âme des libéraux, membres de la coalition gouvernementale. "Juridiquement, la question de la FESF 2 n'est pas tranché", note cependant le juriste. "La FESF 2 représente un engagement de 220 milliards pour l'Allemagne, 400 milliards si on y ajoute les intérêts... C'est plus que le budget de l'Etat fédéral !" Karlsruhe ne s'est effectivement prononcé que sur la facilité temporaire créée en 2010.

Mais plutôt que de retenter un recours à Karlsruhe, Markus Kerber a préféré porter le fer à Luxembourg. "La BCE est à présent la priorité des priorités, le grand chantier. Sinon tout va sauter", dit-il. Il lui faudra cependant attendre de longs mois avant que les juges européens ne livrent leur interprétation des litigieux articles du traité sur la politique monétaire européenne.

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