José Manuel Barroso place sa proposition de "taxe Tobin" sous le signe de l'équité

Par Yann-Antony Noghès à Bruxelles  |   |  547  mots
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La Commission entend utiliser une recette simple : appliquer un taux faible sur une base aussi large que possible (actions, obligations, dérivés).

José Manuel Barroso s'est attiré hier les applaudissements des députés européens en plaçant sa proposition de taxe européenne sur les transactions financières sous le signe de l' « équité ». « Ces trois dernières années, les contribuables ont donné des subventions et des garanties à hauteur de 4,6 trillions d'euros au secteur financier. Il est temps pour le secteur financier de rendre cette contribution à la société », a dit le président de la Commission européenne.

C'est une petite révolution quand on pense qu'il y a un an encore l'idée d'un cavalier seul européen pour la taxation des transactions était jugée folle. Les experts fiscaux de la Commission penchaient pour une taxe européenne des activités financières, basée sur les bilans bancaires. Mais la pression politique de Paris et Bruxelles, comme du Parlement européen ont changé la donne. Aujourd'hui, Bruxelles assure qu'il existe déjà peu ou prou dix taxes sur les transactions, notamment au Royaume-Uni et en France et qu'elle entend donc mettre de l'ordre dans ce maquis, tout en permettant aux États d'augmenter considérablement leurs recettes.

Pour ce faire, la Commission entend appliquer une recette simple : appliquer un taux faible sur une base aussi large que possible.

La taxe toucherait donc toutes les transactions sur actions et obligations, ainsi que sur les dérivés, que ces transactions se déroulent sur un marché organisé ou de gré à gré. Les opérations sur les marchés primaires, tous les crédits ou transactions pour les particuliers ou les PME, ainsi que celles des autorités monétaires sont exclues du champ.

Réserves

La proposition laisse également de côté les échanges de devises cash. Pour que la taxe soit exigible, il faudra qu'au moins une des deux parties soit « établie dans un État membre ».

Si la seconde partie est une institution financière non européenne mais qu'elle agit pour le compte d'un client européen, elle devra également payer la taxe ou, à défaut, son client devra le faire. Un achat de dérivés sur change par une banque américaine à New York pour le compte d'un groupe européen serait donc taxable. Au terme d'un intense débat interne à la Commission, le curseur s'est arrêté sur des taux minima relativement faibles : 0,1 % de la transaction pour les actions et obligations et 0,01 % de la valeur du contrat pour les dérivés.

Cela « fait tomber l'argument de la délocalisation », estime l'eurodéputé Pascal Canfin, car le surcoût induit par la taxe ne justifierait pas une délocalisation. Le commissaire européen à la Fiscalité, Algirdas Semeta, a confirmé qu'en effet si les efforts des Européens au G20 pour établir une taxe globale étaient couronnés de succès, alors « le taux pourrait être plus élevé ».

Pour devenir réalité, cette proposition devrait, quoi qu'il en soit, convaincre les Vingt-Sept, l'unanimité étant requise en matière fiscale. Britanniques, Irlandais et Néerlandais ont déjà émis des réserves. Mais la Commission a une carotte : elle prétend utiliser une partie de la manne pour abonder le budget européen. Si un veto se dessine, il faudra penser à avancer à quelques-uns seulement. Mais on n'en est pas encore là.