En Grèce, la constitution garantit l'emploi à vie du fonctionnaire

Par Robert Jules  |   |  643  mots
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Athènes tente de réduire le poids des salaires de fonctionnaires dans son déficit. Un poids considérable, fruit de l'histoire, qui pèse lourd dans la compétitivité du pays.

Sommé par ses bailleurs de fonds ? Europe et Fonds monétaire international (FMI) ? de redresser la barre en matière de déficit public, lequel devrait filer cette année à 8,5% du PIB contre 7,6% fixé dans le cadre du plan d?aide, le gouvernement de George Papandréou a dû se résoudre à donner un autre tour de vis, notamment en s?attaquant frontalement aux employés du service public. Il va en effet placer en chômage technique, avec un salaire réduit à 60 %, quelque 30.000 employés du secteur public d?ici à la fin de l?année pour former une « réserve de main d??uvre ». Cela devrait permettre d?économiser 300 millions d?euros en 2011 et de réduire de 150.000 le nombre d?employés du service public d?ici à 2015. Cette mesure devrait être reconduite en 2012 et 2013, et accentuée « si nécessaire », a indiqué le porte-parole du gouvernement.

Rente de situation

Ce programme, pour le moins original, vise à contourner le cadre de la loi. En effet, depuis 1911, le statut de fonctionnaire à vie est inscrit dans la constitution grecque. A l?époque, cette décision partait d?une bonne intention : se doter d?un corps d'employés stable et compétent pour mettre un terme à l?inflation de leur nombre (214 pour 10.000 habitants, contre 176 en France, 126 en Allemagne et 73 en Grande-Bretagne à la fin des années 1980). Ce phénomène était lié au fait qu?à chaque changement de majorité, le personnel existant était remplacé par les partisans du nouveau pouvoir. Paradoxalement, ce nouveau statut s?est transformé en rente de situation qui a conduit à gonfler démesurément le secteur en raison du clientélisme exercé par les politiques. La Chambre de commerce d?Athènes indiquait en 2010 qu?un 1,2 million de personnes étaient employées par l?Etat, incluant les professeurs, les médecins et les prêtes de l?église orthodoxe, ce qui représentait 27% de la population active du pays. Et plus de 80% des dépenses publiques étaient consacrées au paiement de leurs salaires et de leurs retraites. « Travailler pour la fonction publique est largement perçue en Grèce comme la garantie d?avoir une sinécure et non une obligation contractuelle de travailler », constate l?analyste grec Takis Michas, dans une étude pour le think thank américain Cato Insitute. Autrement dit, le système de la fonction publique favorise une économie de rente, dont les bénéficiaires n?entendent pas renoncer aux avantages.

Poids pour l?attractivité

Surtout, cette logique a conduit à déséquilibrer complètement le rapport entre l?Etat et le secteur privé, en particulier les entreprises. Il en coûtait en 2009 3096 dollars pour remplir les formalités nécessaires à l?implantation d?une entreprise en Grèce contre 675 dollars aux Etats-Unis, selon une étude de la banque mondiale. Signe de ce déséquilibre entre secteur privé et secteur public, la Grèce a occupé continûment la dernière place des pays de l?OCDE en matière d?attractivité des investissements étrangers entre 1996 et 2008.Autre conséquence qui s?est transformée en effet pervers, soulignée par Takis Michas, le poids de la bureaucratie se traduit par une inflation de lois. Entre 1974 et 2010, soit en 35 ans, 100.000 lois ou décrets ont été votées, soit 8 lois par jour. De fait, dès qu?un ministère lance une réforme il doit faire un état des lieux de la législation sur le domaine concerné qui peut prendre des mois et laisser aux lobbies hostiles au projet de réforme le temps de s?organiser pour empêcher tout changement. Cette situation générale et structurelle de l?organisation de la Grèce explique en partie combien il est difficile de faire évoluer un modèle d?organisation sociale qui n?a pas évolué depuis des décennies.