En Algérie, le printemps arabe s'est mu en mouvement social

Les Algériens veulent leur part de la manne pétrolière. Le gouvernement l'utilise pour éteindre les feux sur le front social.
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Les cheminots algériens sont en grève depuis dimanche dernier pour réclamer le versement des rappels de salaires depuis 2009. La semaine passée, les écoles étaient paralysées par une grève des travailleurs de l'éducation nationale qui réclamaient des augmentations. Depuis les émeutes meurtrières de janvier 2011 contre la cherté de la vie, l'Algérie vit au rythme des grèves et des mouvements de protestation de chômeurs et des demandeurs de logements. Les émeutes sont quotidiennes. Les habitants des villes et villages de l'intérieur bloquent souvent les routes pour réclamer l'eau, l'électricité, le goudronnage des routes, le gaz de ville, etc. Ils ont une bonne raison de le faire: leurs revendications sont souvent écoutées.

Les 173 milliards de dollars de réserve de change dont dispose le gouvernement algérien lui confère une vaste marge de manoeuvre. Le pactole, issu de la manne pétrolière et gazière, était revendiqué de longues dates. Il est désormais utilisé au coup par coup pour éteindre les feux sur le front social. Depuis le début de l'année, les salaires des fonctionnaires ont été augmentés, des logements distribués, des subventions aux prix de l'huile et du sucre accordées alors que les subventions classiques étaient maintenues (lait, céréales, carburants et logement).

Pour 2011, le gouvernement a prévu 4 milliards d'euros pour la hausse des salaires, et près de 3 milliards d'euros pour subventionner les prix de grande consommation. Autant de fonds qui n'auraient jamais bénéficié aux populations sans le printemps arabe. La satisfaction des revendications de salaire, et l'élargissement des subventions étatiques à certains produits de consommation étaient inimaginables avant l'éclatement des révoltes arabes fin 2010 en Tunisie, puis en Egypte.

Mais cette politique sociale ne fait pas l'unanimité dans le pays dont l'économie est gangrénée par les activités informelles et la corruption. En concentrant ses efforts sur le social, le gouvernement n'a pas tenté de modifier le cours des choses. Le plan quinquennal 2010-2014, d'un montant de près de 300 milliards de dollars n'a pas encore démarré. Les investisseurs étrangers boudent l'Algérie en raison des tensions sociales, et de l'instabilité juridique.

La situation inquiète économistes et chefs d'entreprises. «On ne peut parler d'économie. Il y a des décisions administratives, sans soubassement économique, ni idéologique, ni technique. On ne comprend pas s'il y a une politique de création de richesse, une politique industrielle. L'Algérie participe au bon fonctionnement de l'économie mondiale au détriment de la création d'emplois et de sa propre économie », a déclaré l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer au site TSA (Tout sur l'Algerie).

Le patronat a également exprimé son inquiétude. «Nous sommes contre toutes ces subventions. Elles ne sont pas ciblées en faveur des plus démunis. Elles profitent aux riches comme aux pauvres, et aussi aux pays riverains à travers les réseaux de contrebande », a affirmé le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE, patronat), Réda Hamiani.

Mais pour le premier ministre Ahmed Ouyahia, la stabilité de l'Algérie « n'a pas de prix ». Pour le moment, le niveau élevé des prix du pétrole permet au gouvernement algérien de calmer les revendications. Mais les problèmes structurels, comme le chômage des jeunes et la corruption, demeurent intacts.

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