L'Europe recherche croissance désespérément

Par François Roche  |   |  586  mots
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Schizophrène, la zone euro se contraint à des plans d'austérité, alors que sa priorité devrait être de créer de la croissance économique.

Ne pas mourir guéri... Telle devrait être l'obsession des chefs d'État et de gouvernement réunis à Bruxelles hier. L'Union européenne est prise dans un étau : elle doit sortir par le haut de la crise de l'euro en obtenant l'accord des banques sur le montant de la décote à appliquer aux obligations grecques, et la mise en oeuvre, par Georges Papandréou, d'un plan de réduction du déficit sans précédent. Mais en même temps, elle doit tout faire pour éviter que la lutte contre les déficits publics ne se traduise par une récession prolongée. Au 31 décembre 2010, l'Union européenne présentait un bilan qui, quelques années auparavant, aurait été jugé inconcevable : un déficit cumulé chez les 27 pays membres de 805 milliards d'euros (6,6 % du PIB), une dette publique de près de 10.000 milliards d'euros, soit 80 % du PIB. Toute l'Europe, y compris l'Allemagne, s'est affranchie des critères considérés comme ceux d'une bonne gestion, fixant le déficit et la dette à respectivement 3 % et 60 % du PIB. Pour mémoire, la dette publique de l'Allemagne à la fin 2010 était de plus de 2.000 milliards d'euros, soit 83,2 % du PIB, tandis qu'elle affichait un déficit public de 4,3 %. À la suite des mesures d'austérité prises depuis 2010, la Grèce affiche un taux de croissance négative du PIB de plus de 15 %. On en voit les effets à Athènes : gouvernement quasiment paralysé par l'ampleur des protestations, d'autant que les socialistes, revenus au pouvoir en 2009, sont mis dans l'obligation par la troïka de défaire ce que leurs aînés avaient construit dans les années 1980-1990.

La situation des pays européens frise donc la schizophrénie : ils sont sous la surveillance des agences de notation pour conserver leur statut d'emprunteur (une situation d'ailleurs tout à fait invraisemblable si l'on se souvient que ces mêmes agences ont consciencieusement échoué à anticiper les trois crises majeures de ces dernières années, les subprimes, la liquidité des banques et les dettes souveraines...). Cette surveillance contraint les plus endettés (dont l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, la France et bien entendu la Grèce) à mettre en oeuvre des plans de baisse des déficits qui, dans presque tous les cas, s'attachent d'abord à augmenter les recettes, donc les impôts, parce que c'est la voie la plus rapide et la plus simple. La sanction est dès lors automatique en termes de baisse du taux de croissance, comme la plupart des pays cités sont en train d'en faire l'expérience.

Mais cette politique n'est pas tenable à moyen terme. L'Europe est condamnée à retrouver les voies de la croissance, notamment par le biais de réformes structurelles de grande ampleur, qui ne peuvent s'accomplir que dans des projets politiques compris et acceptés par les opinions publiques. L'échelle de temps n'est donc pas comparable. « On nous demande de faire en trois ans ce que nous n'avons pas réussi à faire en trente », confie même un ancien ministre des Finances grec.

Le fait que l'Union européenne accouche ces prochains jours, ou plus probablement ces prochaines semaines, d'une solution convaincante sur la Grèce aura certes des effets positifs, en desserrant l'étau financier sur un certain nombre d'États membres de la zone euro. Cela ne suffira pas à relancer l'activité, mais au moins, cela peut donner un peu de répit aux gouvernements pour que leur lutte contre les déficits ne tue pas définitivement tout espoir de redressement économique.