G20 : "L'Amérique a bien davantage besoin du reste du monde que l'Europe"

Entretien avec Laurent Berrebi, directeur des études économiques chez Groupama AM
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La crise s'est propagée des États-Unis vers l'Europe, de l'endettement privé vers l'endettement public. Est-ce la même crise qui s'est étendue ou s'agit-il de deux crises distinctes ?

Il y a bien quelque chose de commun entre ces deux crises : avant, les investisseurs ne surveillaient que les indicateurs monétaires, comme l'inflation, considérant que l'économie réelle suivrait nécessairement. Depuis que la crise a éclaté, ils regardent surtout les problèmes de l'économie réelle : l'insuffisance de croissance et de compétitivité des économies, les déficits courants, l'emploi sont les déterminants des spreads sur les emprunts d'État en zone euro. Pourtant, derrière cette ressemblance, il y a bien deux crises différentes par nature. La crise de la zone euro est une crise de gouvernance à l'intérieur de la zone, dont l'Europe peut très bien se sortir seule. Tandis qu'aux États-Unis, la réduction de l'endettement a besoin nécessairement d'exportations fortes, donc du soutien du reste du monde qui devra connaître une demande intérieure dynamique au risque, sinon, d'une dépression de l'économie américaine et/ou d'un effondrement du dollar. L'Amérique a beaucoup plus besoin du reste du monde que l'Europe.

Une forte récession américaine serait dangereuse pour tout le monde, à commencer par la Chine. N'a-t-elle pas intérêt à coopérer en laissant sa monnaie s'apprécier ?

Peut-être. Mais la Chine n'entend pas réévaluer fortement le yuan pour aider les États-Unis. Elle craint les effets d'une appréciation sur ses exportations au moment où sa croissance ralentit. Et puis, pourrait-elle réévaluer le yuan sans libéraliser ses marchés de capitaux, pourrait-elle le faire sans internationaliser véritablement sa monnaie ? L'exemple du Japon à la fin des années 1980 montre que ce n'est pas si facile d'internationaliser brutalement sa monnaie.

Certains reprochent aux États de vouloir réduire trop vite leurs déficits. Faut-il se donner du temps pour ne pas tuer la croissance ?

Non, car les États sont en train de payer très cher le temps qu'ils se sont déjà accordé depuis fin 2008. Aujourd'hui, se donner du temps, c'est laisser les dettes et les taux d'intérêt augmenter. C'est trop coûteux. On n'a plus le temps de se laisser du temps. Une politique économique structurelle et audacieuse pourra cependant relancer la croissance.

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