Zone euro : la tourmente de la dette tourne à la tempête politique

Par Valérie Segond  |   |  551  mots
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A la crise financière succèdent la crise économique puis la crise politique. Les élections anticipées se multiplient dans les pays au bord de la cessation de paiements et les gouvernements vacillent.

Le socialiste Papandréou sur le point de renoncer à son référendum et d'être contraint de former un « gouvernement d'union nationale » de transition chargé de convoquer des élections anticipées début 2012. Le PSOE de Zapatero en passe de perdre la majorité aux Cortes lors des élections générales du 20 novembre, au profit du Parti populaire de Mariano Rajoy qui pourrait alors rafler une majorité absolue plus large que celle d'Aznar en 2000. À Athènes et Madrid, où dominent des régimes parlementaires, la crise est sur le point d'accoucher d'un changement de majorité au pouvoir. Et si Berlusconi tient encore, ce n'est que grâce à l'incapacité des forces politiques en présence de former une nouvelle coalition au Parlement italien sur la base d'une plate-forme crédible.

Ces basculements ne sont certes pas nouveaux. En février dernier, le Fianna Fáil en Irlande a dû céder le pouvoir à une coalition entre le Fine Gael, de centre droit, et le Parti travailliste. Puis en juin, le socialiste José Socrates au Portugal a perdu les élections au profit du Parti social-démocrate de Coelho. Bref, dans tous les pays au bord de la cessation de paiements, et qui ont dû négocier une aide auprès de leurs partenaires européens ou adopter un plan de rigueur contre leur gré, les gouvernements en place ont tôt ou tard dû convoquer des élections législatives anticipées pour refonder leur légitimité démocratique, mise à mal par leur gestion de la crise.

Même phénomène dans les pays pourtant encore jugés solvables et qui, de ce fait, ne sont pas contraints de bousculer leur calendrier électoral. Le parti d'Angela Merkel, la CDU, a perdu cinq des sept élections régionales qui se sont tenues en Allemagne depuis mai 2010. Et en France, le camp du chef de l'État a perdu toutes les élections locales depuis le début de son quinquennat et sa popularité reste en berne.

La crise génère une situation propice à l'alternance. « Les concessions accordées par les chefs d'État à leurs partenaires européens, concessions qui signent leur affaiblissement politique, sont l'occasion attendue par les oppositions pour exploiter la situation en jouant sur plusieurs registres », analyse Franck Debié, directeur du Centre de géopolitique de l'ENS-Ulm : ici, on critique des mesures d'austérité injustes et un paquet fiscal pénalisant comme en Irlande ; là, l'impéritie de capitaines qui n'ont pas vu l'écueil des bulles se rapprocher, comme en Espagne ; là encore, une négociation supposée malhabile avec les bailleurs de fonds qui a débouché sur un accord forcément inique, comme en Irlande et au Portugal ; sans oublier la présomption de collusion avec les grandes banques du pays, étendard de l'opposition brandi en Irlande comme en Espagne. Les registres de la rhétorique politique en situation de crise sont innombrables. Encore faut-il que l'opposition sache s'emparer du droit d'inventaire. Ce qui ne signifie pas que, l'alternance venue, les nouveaux détenteurs du pouvoir changeront de cap : en Irlande comme au Portugal, c'est plutôt la continuité qui a prévalu. Comme si la rhétorique de la conquête du pouvoir s'estompait toujours, au moment de l'exercice du pouvoir, devant le principe de réalité.