Espagne : l'ascension de Mariano Rajoy, un leader en toute sobriété

Mariano Rajoy, le probable premier ministre espagnol, a l'image d'un homme posé, pragmatique et discret. Une sobriété qui dissimule aussi une certaine habileté politique.
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«L e fait que j'aie étudié à León dans la même école que, quelques années plus tard, José Luis Rodriguez Zapatero, relève du hasard », confie Mariano Rajoy Brey dans son autobiographie, « En Confianza ». On ne pourrait mieux dire, tant la distance est grande entre le premier ministre socialiste et son possible successeur. Les Espagnols étaient hier appelés à renouveler leur Parlement. Le Parti Populaire (PP), et son candidat à la fonction de premier ministre, Mariano Rajoy, étaient appelés à une large victoire par la prophétie des sondages.

À cinquante-six ans, Rajoy, deux fois mis en échec par Zapatero aux législatives de 2004 et 2008, s'apprête enfin à diriger le pays. Pourtant, d'après une enquête du Centre de Recherches Sociologiques (CIS) publiée début novembre, le leader de droite n'inspire confiance qu'à 25,7 % des Espagnols, moins qu'Alfredo Pérez Rubalcaba, le candidat socialiste (26,4 %). « Peu importe qui se présente à la tête du PP. Les électeurs veulent juste que le parti socialiste (PSOE) quitte le pouvoir », analyse Josep Lobera, de l'institut de sondages Metroscopia. « Mariano Rajoy a bénéficié de la crise économique et de sa mauvaise gestion par Zapatero », reconnaît une source proche du PP.

Pressions redoublés

Pour Javier Redondo, politologue à l'université Carlos III de Madrid et spécialiste du PP, « Mariano Rajoy ne suscite pas l'enthousiasme, mais la situation critique actuelle, qui exige fiabilité et prévisibilité, est propice à son genre de leadership ». Le politologue compare l'image du chef de la droite à celle d'un « père de famille ». Rajoy cultive une image de monsieur-tout-le-monde plein de bon sens, vénérant les principes de « l'exigence, l'effort, le mérite ». Toutefois, sa supposée « prévisibilité » est contrebalancée par une prudence qui confine à l'indécision. Ainsi, pendant la campagne, Rajoy, qui se présente comme un centriste modéré, n'a pas donné le détail de son plan d'austérité. Il a préféré joué la montre, arguant que les mesures à prendre dépendraient de la situation qu'il trouverait en arrivant au pouvoir. Même flou artistique sur ses intentions à l'égard des lois autorisant l'avortement et le mariage homosexuel, impulsées par Zapatero.

Cette posture ne semble guère avoir convaincu les marchés, qui ont redoublé leurs pressions sur l'Espagne la semaine dernière. Le leader de droite les a appelés vendredi à lui accorder « un sursis de plus d'une demi-heure », après le 20 novembre.

Sous ses dehors de « pater familias », le politique originaire de Galice est un pragmatique. Il a ainsi pallié son manque de charisme : « Dans les luttes politiques, l'habileté, l'amabilité et la séduction peuvent être des armes beaucoup plus efficaces que l'audace ou l'éloquence », confie-t-il dans son autobiographie.

C'est ainsi que ce conservateur des hypothèques, chargé du respect des registres fonciers, élu pour la première fois député régional en 1981, a fait son chemin discrètement, sans presque jamais dévier de sa trajectoire vers le sommet du parti. Entre 1996 et 2003, sous José María Aznar, ses passages à la tête des ministères des administrations publiques, de l'Education, de la Présidence et de l'Intérieur se sont déroulés sans trop de heurts, quoique sans marquer l'Histoire. Rajoy dit s'être alors appuyé sur ses qualités de médiateur pendant ces étapes. Porte-parole du gouvernement en 2002 et 2003, l'homme de confiance d'Aznar a dû assumer les critiques sur la gestion de la marée moire du « Prestige » et sur la participation espagnole à la guerre en Irak de Georges Bush.

En 2003, à la surprise générale, Aznar l'intronise candidat du PP aux législatives de 2004, au détriment de personnalités comme Rodrigo Rato. Par la suite, son habileté lui a permis de résister à la mutinerie qui sourdait dans les rangs du PP après les échecs aux législatives de 2004 et 2008. Rajoy a su apparaître comme le seul garant de l'unité du parti. Si bien que personne ne s'est finalement déclaré candidat contre lui. « Rajoy est la tête de liste du PP parce qu'il n'y a pas eu d'alternative », résume une source proche du PP.

Malgré cette capacité de dialogue, ses huit ans à la tête de l'opposition ont au contraire été marqués par la « crispation », selon l'expression consacrée en Espagne, et l'absence d'entente entre le PP et le parti socialiste au pouvoir. Perdant surprise des élections du 14 mars 2004, Rajoy a attribué aux attentats islamistes du 11 mars 2004 la victoire de José Luis Rodriguez Zapatero. Le chef du PP a volontairement fait baisser les tensions d'un cran, ces derniers mois ; en vue de son élection, il a repris la pose d'homme de dialogue. C'est ainsi qu'il s'est mis d'accord avec le gouvernement socialiste sur l'inscription du principe d'équilibre budgétaire dans la Constitution.

Sa priorité en arrivant au pouvoir sera de faire voter la loi d'application de ce principe constitutionnel. Il devra agir vite, car tant les marchés que les Espagnols attendent des résultats visibles de celui qui se présente comme « la lumière au bout du tunnel ».

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