Inégalités : l'OCDE "indignée"

Par Ivan Best  |   |  615  mots
Copyright Reuters
L'organisation internationale, qui a présenté lundi un deuxième rapport sur les inégalités, constate leur accroissement dans la plupart des pays industriels. Elle préconise des politiques de lutte contre ce phénomène qui nuit à la santé des économies. Notamment via la taxation des revenus et de la fortune des plus riches.

«Ce n'est même pas une question morale. C'est une question économique. » Le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, qui présentait lundi le deuxième rapport de l'organisation internationale consacré aux inégalités, a insisté sur l'impact négatif de celles-ci sur la croissance, à travers le monde. Les inégalités provoquent le désespoir de nombreux jeunes, freinent la mobilité sociale, et par là même les performances économiques des pays où elles sont les plus élevées ; elles alimentent un sentiment antisystème, et contribuent à faire prospérer les idées protectionnistes. Voilà pourquoi il faut les combattre, au moment où elles s'accroissent partout ou presque dans le monde.

L'OCDE souligne l'augmentation des inégalités de revenus dans la plupart des pays industriels, augmentation liée d'abord aux écarts de salaires. Bien sûr, la hausse n'est pas toujours comparable à celle enregistrée aux États-Unis (+ 25 % depuis 1980), qui échappent de peu au podium des inégalités, se situant juste après le Chili, le Mexique et la Turquie (s'agissant de l'OCDE). La fraction la plus riche des foyers américains (1 % des ménages les plus aisés) percevait 8 % du revenu global en 1980 ; elle s'en arroge aujourd'hui près de 18 %. Et si, en 1980, le revenu des 10 % les plus riches représentait aux États-Unis 10 fois celui des 10 % les plus pauvres, le multiplicateur correspond aujourd'hui à 15 fois. « Et pourtant, il s'agit d'un pays moderne, avec de nombreux think tanks, une presse puissante... » fait mine de s'étonner Angel Gurria. Rien de tel en Suède ou en Finlande. Les niveaux atteints ne sont pas si élevés. Mais la tendance récente n'en est pas moins à un écart de revenus grandissant, dans ces pays à tradition égalitaire. En France, les statistiques montrent un phénomène atténué : la particularité hexagonale, c'est la forte augmentation des salaires et des revenus d'une très petite minorité, correspondant non pas à 1 % de la population mais plutôt à 0,1 % (soit un peu plus de 30.000 foyers fiscaux), voire 0,01 %...

L'OCDE explique ce creusement mondial des inégalités notamment par les politiques de déréglementation du marché du travail... qu'elle a elle-même préconisées. Ces politiques ont pesé sur les hausses de salaires en bas de l'échelle, tandis qu'en haut, des salariés hautement qualifiés faisaient jouer la concurrence, dans la finance notamment. Les experts se montrent plus circonspects sur l'impact de la mondialisation (cf. ci-contre). En tout état de cause, les gouvernements devraient réagir face à cette situation inquiétante, affirme l'OCDE. Comment ? D'abord, en faisant tout pour développer l'emploi, en augmentant le niveau de qualification via l'éducation. Rien que du très classique... Les experts étonnent davantage quand ils préconisent des hausses d'impôts sur les plus hauts revenus et les plus fortunés. « Il faut accroître l'imposition des 1 % les plus riches en relevant les taux marginaux d'imposition (les taux supérieurs), en éliminant les abattements (niches fiscales), en taxant la propriété et la richesse », lance Angel Gurria. L'imposition des hauts revenus décidée en France pour 2012 ne correspond pas vraiment à ces préconisations politiques : il s'agit d'une contribution temporaire au redressement des finances publiques et non d'une politique structurelle de réduction des inégalités.

Surtout, l'OCDE insiste sur le maintien des prestations sociales à un niveau suffisant. Notamment s'agissant de celles incitant à l'emploi, ou celles en faveur de la famille. Les économistes estiment que la faible progression de ces prestations a contribué à l'accroissement des inégalités. En limitant à 1 % (soit beaucoup moins que la hausse du PIB en valeur) la revalorisation de certaines prestations, le gouvernement français va à l'encontre de ces préconisations.