Ces milliards d'euros de TVA perdus qui préoccupent Bruxelles

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  516  mots
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Plus de 100 milliards d'euros ne sont pas collectés chaque année, dont 10 milliards d'euros en France. En Grèce, un tiers des recettes potentielles sont empochées par les fraudeurs.

Près de 107 milliards par an : c'est le montant de la TVA non collectée par les fiscs des Vingt-Sept, selon la dernière évaluation de la Commission européenne. De quoi faire saliver des gouvernements qui peinent à boucler les budgets 2012. Mais faire revenir cette manne vers les caisses publiques n'est pas simple, comme l'a reconnu mardi le commissaire européen à la fiscalité. Algirdas Semeta présentait ses propositions pour la réforme au long cours de cette taxe cruciale qui permet de lever 783 milliards d'euros par an, soit 21% des ressources fiscales des Vingt-Sept. "Nous avons besoin d'un système plus simple, plus efficace et plus robuste contre les fraudes", a-t-il dit.

Les fraudeurs font leur miel d'un système harmonisé au niveau européen mais où l'attribution des numéros de TVA, les contrôles, la collecte se font au niveau national. L'astuce la plus répandue consiste à acheter hors taxe un bien dans un autre pays européen, puis de le revendre en percevant la TVA. Le profit est colossal, puisqu'il correspond au taux lui-même, soit 15% à 25%, selon les législations. D'après des données collectées au Royaume-Uni, ces schémas transnationaux représenteraient environ le quart du manque à gagner, selon la Commission. Le reste vient "pour l'essentiel du marché noir", explique cette source. En Grèce, l'écart entre TVA perçue et TVA théoriquement perceptible culmine à plus de 6 milliards d'euros, soit 30% des recettes théoriques. La France fait au contraire partie des pays les plus performants avec "seulement" 7% de pertes...ce qui représente tout de même environ 10 milliards d'euros !

Créer une "équipe d'auditeurs"

Établie en 2006, la stratégie antifraude de la Commission n'est pas encore très efficace. Eurofisc, le réseau de spécialistes de la lutte contre la fraude fiscale, ne permet que des échanges d'information ciblées sur des fraudes potentielles. L'échange systématique d'informations, une mesure proposée par Bruxelles, est actuellement bloqué au conseil des ministres. En revanche, la Commission a bon espoir de voir la création rapide d'une "équipe d'auditeurs" qui s'attaquerait aux fraudeurs transfrontaliers dès qu'ils sont repérés, alors qu'aujourd'hui les contrôleurs agissent chacun dans leur coin. Pour Europol, "les profits de la fraude à la TVA pourraient financer d'autres types d'activités criminelles, comme le trafic de drogues ou la contrebande de cigarettes". "Les schémas de fraude changent rapidement... et de plus en plus souvent incluent des pays tiers", reconnaît la Commission, ce qui augmente encore la difficulté et suppose une coopération avec ces pays souvent très laborieuse. L'an prochain, la Commission proposera un "mécanisme de réaction rapide", sur le modèle des mesures prises dans l'urgence pour stopper la fraude à la TVA sur le carbone qui s'élèverait à quelque 20 milliards d'euros selon les estimations de professionnels.

En revanche, Algirdas Semeta a annoncé qu'il s'attaquerait dans les années à venir aux exemptions et autres taux réduits qui minent la base de la taxe. Sa proposition législative sur les taux est annoncée pour fin 2013.