Le vrai contre-pouvoir aux dérives des établissements financiers, c'est lui !

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  700  mots
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Le secrétaire général de Finance Watch, Thierry Philipponnat, explique à La Tribune sa volonté de peser sur les débats européens sur la régulation. Créée il y a tout juste six mois, l'organisation ne cesse de dénoncer à Bruxelles les effets délétères du fonctionnement de l'industrie financière sur l'économie réelle.

Au parlement européen, il n'y a plus une audition sur la régulation financière sans lui. Thierry Philipponnat, secrétaire général de l'organisation Finance Watch, qui fêtera cette semaine ses six mois d'activité, s'est fait une place dans le microcosme politique bruxellois. Il en maîtrise déjà la "novlangue". "La logique de Finance Watch, c'est à la fois de fédérer des intérêts qui sont différents les uns des autres et apporter la touche de connaissance professionnelle pour convertir des problématiques en mesures concrètes", commence-t-il prudemment, attablé dans l'une de ces brasseries de la rue de Luxembourg où se croisent députés, fonctionnaires et lobbyistes.

Dire que Finance Watch a vocation à clouer le bec au lobbyisme arrogant et parfois mensonger de l'industrie financière, y compris celle du lobby bancaire européen dont le secrétaire général est installé quelques tables plus loin, serait excessif. "Nous entretenons de bonnes relations", dit-il après s'être levé pour aller le saluer.

"On voulait gommer définitivement le côté : ils n'y connaissent rien, ils ne comprennent rien, ce qu'ils veulent dire n'a pas de sens", autrement dit les reproches classiques adressés par l'industrie financière à ses détracteurs, explique celui qui fut directeur des marchés de dérivés actions de Nyse Euronext. Son équipe est réduite mais expérimentée. Les deux analystes, le lobbyiste et le conseiller presse qu'il vient de recruter ont "chacun au moins quinze ans de métier".

Il a connu son baptême du feu cet été lors du débat sur les contrats d'assurance sur défaut souverain (CDS). L'argument récurrent des banques et des fonds, jamais vraiment contesté par la Commission européenne, était que ces CDS souverains amélioraient la liquidité du marché de la dette. Faux, écrit Finance Watch dans une note diffusée en août. "Les CDS n'ont jamais fait baisser le coût de financement des Etats", dit Thierry Philipponnat. Sous la pression du parlement, le texte finalement adopté aboutit au "bon résultat symbolico-politique", dit-il, à savoir l'interdiction des CDS souverains spéculatifs.

Sur les vingt-cinq textes de régulation financière en cours d'application, de discussion ou de préparation, Finance Watch s'est donné deux priorités : la réforme des marchés d'instruments financiers et les nouvelles règles prudentielles bancaires issues du comité de Bâle. Deux monstres de plusieurs centaines de pages qui répondent respectivement aux acronymes typiquement bruxellois de "MIF2" et "CRD4" sur lesquels elle présentera une "position" en janvier et février.

La tâche est immense

L'Europe "a fait deux ou trois pas dans la bonne direction en matière de régulation mais il lui en reste une centaine" à franchir, explique Thierry Philipponnat. Des "questions fondamentales" restent en friche, à commencer par "l'extraction [par l'industrie financière] d'une rente de financement payée par la société". A ses yeux, le concept de banque universelle est l'un des véhicules de cette rente car la détention des dépôts fournit une garantie implicite aux activités de marché et permet leur développement pour un coût dérisoire. "Si les acteurs finançaient les activités de marché au vrai coût, l'encours des marchés de dérivés ne serait pas de douze fois le PIB mondial", dit-il. "On oriente les capitaux vers des activités qui ne sont pas celles dont la société a besoin". Les monceaux de liquidité que la Banque centrale européenne distribue, sans conditions, pour maintenir les banques à flot ne font qu'aggraver le problème.

La tâche est immense. Elle est même inversement proportionnelle à la surface des bureaux de l'organisation : quelques mètres carrés au 40 square de Meeus, coincés entre conseils en lobbying et cabinets d'avocat. Prochainement, Finance Watch répondra à un appel d'offres de la Commission européenne pour financer une ou plusieurs "organisations de la société civile" travaillant sur les problématiques financières. A la clé : un financement d'un peu plus d'un million d'euros. De quoi potentiellement doubler le budget de l'organisation.