Une économie hors de la zone euro mais en mauvais état

Par Eric Albert, à Londres  |   |  626  mots
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Dette, déficit public, croissance, tous les indicateurs britanniques sont médiocres mais la politique monétaire indépendante fait la différence.

La perte de la note AAA de la France n'est qu'une question de jours, tout au plus de quelques semaines. Le mois dernier, Standard & Poor's a mis sous surveillance négative la note souveraine française. Vendredi, Fitch a fait de même. Pourquoi envisagent-elles d'abaisser la France, plutôt que le Royaume-Uni ? La réponse tient en un mot : l'euro. La crise de la monnaie unique a une répercussion beaucoup plus forte sur l'Hexagone que chez nos voisins britanniques.

Pourtant, François Fillon et François Baroin soulignent, à juste titre, que les fondamentaux économiques du Royaume-Uni ne sont guère reluisants. Sa dette tourne autour de 85 % du PIB, environ au même niveau que la France. Son déficit pour 2011 est en revanche beaucoup plus élevé, au-dessus de 9 % de son PIB, tandis que celui de la France est un peu en dessous de 6 %. Cet avantage français devrait continuer dans les années à venir : en 2013, le déficit britannique resterait de 7,3 % du PIB, contre 3 % pour la France. Côté croissance, les Britanniques sont également à un niveau inférieur. Le PIB devrait augmenter de 0,9 % cette année, contre 1,6 % en France. De plus, le Royaume-Uni est fortement dépendant de la finance - environ 8 % du PIB - et celle-ci est en plein ralentissement.

Ces avantages hexagonaux sont cependant à relativiser avec d'autres éléments positifs du côté de la « perfide Albion ». La maturité moyenne de la dette y est beaucoup plus longue (14 ans en moyenne contre 7 ans en France). Le Royaume-Uni a donc plus de temps pour rembourser. De plus, la croissance française subit actuellement un très gros coup de frein et devrait rentrer en récession, selon les prévisions de l'Insee.

Dernier point enfin : le Royaume-Uni a lancé un grand plan de rigueur de quatre ans, en vigueur depuis début 2011. La TVA a été augmentée, certaines allocations sociales réduites et de nombreux budgets de l'État sont coupés. Plus de 250.000 emplois de la fonction publique ont été supprimés en 2011.

Néanmoins, la France a également annoncé des mesures d'austérité. De plus, la violence des coupes au Royaume-Uni a un effet négatif sur la croissance, et donc sur les recettes fiscales.

Sur cette base, les deux pays font donc match nul. La différence se fait sur la politique monétaire. Le Royaume-Uni possède sa propre banque centrale, qui décide du niveau de ses taux d'intérêt elle-même. Or, depuis le début de la crise, elle a été très interventionniste. Son taux d'intérêt est resté à 0,5 % depuis fin 2008. Pourtant, l'inflation frôle 5 % et est très nettement au-dessus de son objectif officiel de 2 %, et la Banque d'Angleterre aurait pu être tentée d'augmenter son taux directeur. Elle est aussi allée plus loin, en lançant à deux reprises un plan de création monétaire (en l'occurrence en achetant des obligations du Trésor britanniques). Le deuxième plan a été lancé en octobre.

Face à cet activisme monétaire, la Banque centrale européenne a été très timide. Les taux ont même été augmentés à deux reprises cette année (avant de les baisser récemment).

Enfin dernier point important : les banques françaises sont environ deux fois plus exposées aux pays périphériques de la zone euro que celles du Royaume-Uni.

Ceci étant dit, le Royaume-Uni n'est pas à l'abri. « Bien sûr, nous pouvons encore perdre notre AAA », note Vicky Redwood, économiste à Capital Economics. La moitié de son commerce s'effectue vers la zone euro, son économie tourne au ralenti et son plan de rigueur pourrait étouffer tout début de reprise. Mais si cela se produit, la France l'aura probablement précédé.