Le gouvernement italien s'attaque à la fraude fiscale

Par Robert Léveran, à Rome  |   |  501  mots
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Des dizaines d'inspecteurs du fisc italien ont effectué des contrôles positifs dans la station huppée de Cortina d'Ampezzo.

Au cours de sa conférence de presse de fin d'année, le 29 décembre dernier, le président du Conseil Mario Monti avait averti : "nous avons mis à disposition des services fiscaux des instruments qu'ils n'avaient jamais eus pour mener une lutte quotidienne contre l'évasion fiscale". Coïncidence ? Moins de vingt-quatre heures plus tard, à la veille du réveillon, quatre-vingt inspecteurs de la brigade financière ont débarqué au petit matin dans les rues de la très réputée station de ski de Cortina d'Ampezzo, sorte de Courchevel des Dolomites. "C'était un contrôle de routine", a minimisé le directeur de l'agence des recettes Luigi Magistro. Il n'empêche.

Alors que le successeur de Silvio Berlusconi a demandé de lourds sacrifices à ses concitoyens à travers notamment une hausse des taxes et une réforme des retraites, l'opération "Jour de l'an" à Cortina d'Ampezzo apparaît comme la preuve tangible que le nouveau gouvernement entend faire partager l'effort à tous, y compris aux fraudeurs. Et cela dans un pays où l'on estime que 120 à 130 milliards d'euros échappent chaque année aux caisses de l'Etat.

A Cortina, l'opération a d'ailleurs porté ses fruits. Sur 251 voitures de grosse cylindrées contrôlées, dont quelques Ferrari et Maserati, les inspecteurs ont pu constater que 42 propriétaires déclarent des revenus inférieurs à 30.000 euros bruts par an. Seize autres disposent de moins de 50.000 euros annuels. A ces chiffres il faut ajouter 119 de ces voitures appartenant à des entreprises affichant officiellement des budgets en déficit ou inférieurs à 50.000 euros annuels. Quant aux 35 commerçants contrôlés, ils ont miraculeusement connu une journée exceptionnelle, en termes de recettes, grâce à la présence des militaires de la brigade à leurs côtés. Incités à délivrer des tickets de caisse à leurs clients, les bars ont ainsi vu leur chiffre d'affaires augmenter de 104% par rapport à la veille, les restaurants de 110% et les bijoutiers ont multiplié leurs ventes par quatre par rapport au 30 décembre 2010.

Dans le caveau d'une boutique de luxe, les inspecteurs ont découvert de la marchandise pour une valeur de 1,6 million d'euros sans justification fiscale. La brigade financière espère que l'opération servira de dissuasion pour tous les contribuables indélicats alors que les derniers chiffres indiquent que 42% des propriétaires de yacht déclarent gagner un salaire d'ouvrier ou encore que 518 Italiens possèdent un avion ou un hélicoptère privé bien qu'ayant officiellement des revenus ne dépassant pas 20.000 euros annuels.

Mais l'intervention de Cortina d'Ampezzo a aussi suscité des critiques. Le président des hôteliers locaux s'est plaint des conséquences pour le tourisme : "cela va favoriser d'autres stations alpines, de la France à l'Autriche". "C'est une opération de propagande", s'est également indigné Fabrizio Cicchitto, président du groupe parlementaire du Pdl, le parti de Silvio Berlusconi. En 2004, ce dernier, alors président du Conseil avait, il est vrai, expliqué : "quand les impôts sont excessifs, il est juste de frauder le fisc."