Les sanctions menacent d'asphyxier l'économie iranienne

Par Pierre-Alexandre Sallier, du quotidien Le Temps (Lausanne)  |   |  545  mots
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Comment le blocage financier et l'embargo tentent d'étouffer les ventes de brut iranien. Téhéran adapte sa dépendance envers l'essence importée. Un article de notre partenaire suisse Le Temps.

Défilant en boucle, les images de destroyers américains, d'un condamné à mort américano-irakien soupçonné d'espionnage ou de cartes simplifiées du verrou d'Ormuz affolent les cours internationaux de l'or noir. Le baril s'est maintenu lundi au-dessus du seuil psychologique des 100 dollars à New York. Un niveau supérieur d'un tiers à celui affiché début octobre. Les coups de menton du Pentagone masquent pourtant une autre guerre, économique, qui redouble depuis la promulgation, fin décembre, par la Maison-Blanche, d'une loi renforçant les sanctions financières.

Perturber le négoce

«Le pays a beaucoup de mal à trouver des banques étrangères, cela pourrait menacer ses ventes de pétrole», prévient Thierry Coville, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris. Contacté, le centre genevois de la banque BNP Paribas, acteur majeur du négoce pétrolier, ne répond pas. A Zoug, le géant Glencore fait valoir en boucle qu'il «s'assure être en accord avec les dernières règles et sanctions» décidées. Point.

Une prudence reflétant le projet de l'Union européenne d'interdire, fin janvier, ses achats de pétrole iranien. Allié des Etats-Unis et deuxième client du pétrole iranien, le Japon a, de son côté, envoyé ce week-end son chef de la diplomatie discuter avec Riyad de «diversification» de ses approvisionnements. Principal client des puits de Téhéran, la Chine ne veut, elle, pas entendre parler d'embargo. A en croire la banque Nomura, un «différent» avec Téhéran «sur le paiement» de sa facture pétrolière n'en a pas moins conduit Pékin à diviser par deux ses commandes de brut.

Attiser la contestation

Objectif recherché par ces sanctions: épuiser la population, attiser la contestation sociale dans un pays où les ventes de pétrole fournissent 60% des recettes de l'Etat et où le chômage dépasse officiellement 12%. Sans compter une inflation galopante. «Les gens ne sortiront pas dans la rue pour cela», estime pourtant Thierry Coville. «Pour le moment, la population semble craindre une nouvelle révolution - rimant avec chaos et anarchie - de la même manière que les Algériens craignent la guerre civile», renchérit Mohammad-Reza Djalili, professeur honoraire à l'Institut de hautes études internationales et du développement à Genève. Les sanctions conduiraient surtout à «un renforcement de la répression par un régime craignant une montée de la contestation» ou «une aggravation de la corruption», selon le spécialiste.

Surtout la République islamique s'est efforcée ces derniers mois de réduire sa vulnérabilité: le pays «n'importerait pratiquement plus d'essence, en raison de l'arrêt de sa politique de prix subventionnés», prévient le chercheur de l'IRIS. Une information confirmée hier par des acteurs du négoce genevois.

En revanche, l'Europe pourrait jouer gros. «Le prix record du baril en euros sera le prochain chapitre de la crise européenne; menaçant de créer un choc pétrolier - et du pouvoir d'achat - au moment où les plans d'austérité vont être appliqués», prévient de son côté Olivier Jakob, responsable du bureau d'analyse Petromatrix à Zoug.

 

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