Le rêve militaire de Vladimir Poutine

Par François Roche  |   |  594  mots
Poutine pointe le retard accumulé par le complexe militaire russe ces dix dernières années. Un retard dû à une insuffisante maîtrise des technologies et à une corruption endémique qui, selon certains experts, coûterait plus de 100 millions d'euros par an. Photo : Reuters
Le candidat à l'élection présidentielle a annoncé son intention de dépenser près de 600 milliards d'euros dans de nouveaux armements au cours de la décennie qui vient. Cela porterait le budget de la défense à environ 6% du PIB au cours de la période. En fait, pas grand monde n'y croit...

Dans quelques semaines, Vladimir Poutine aura réintégré ses appartements et ses bureaux du Kremlin. Le long calvaire qu'aura été pour lui ces quatre années passées au poste de Premier ministre sera oublié. Les divagations libérales de Dmitri Medvedev seront effacées des mémoires, et l'on pourra enfin s'interesser aux choses sérieuses, au premier rang desquelles le complexe militaro-industriel. ...Dans un article publié ces jours-ci dans un journal russe (le sixième déjà, ce qui renoue avec une tradition bien vivace du temps de l'Union Soviétique où les grandes inflexions de la politique intérieure et extérieure faisaient l'objet d'interminables articles dans la Pravda ou les Izvetsia), Vladimir Poutine annonce des dépenses de près de 600 milliards d'euros au cours de la prochaine décennie uniquement consacrées à la modernisation du complexe militaire russe. Sur la période, cela signifierait un quasi doublement du budget de la défense par rapport au Pib, qui passerait  de 3/4% à 5/6%.  Parmi les raisons invoquées par Vladimir Poutine pour expliquer cette explosion des dépenses militaires, certaines sont un peu tirées par les cheveux ( notamment la prolifération de conflits régionaux aux portes de la Russie, alimentés par les Etats-Unis, sauf à considérer que l'Egypte, la Libye et la Syrie sont "aux portes" de la Russie...).

Une corruption évaluée à 100 millions d'euros par an

D'autres sont bien réelles comme le retard accumulé par le complexe militaire russe ces dix dernières années, dû à une insuffisante maîtrise des technologies et à une corruption endémique, qui, selon certains experts coûterait plus de 100 millions d'euros par an.  En réalité, il faudrait effectivement que la Russie consacre plus d'argent à la modernisation de son appareil de défense et à son complexe industriel. Ou plutôt, il faudrait que l'efficacité de la dépense dans ce secteur augmente de façon sensible. Depuis près de cinq ans, le ministre de la défense, Anatoly Serdyukov, a entrepris une vaste réorganisation de l'armée, en coupant dans le nombre impressionnant de cadres. Mais le contrôle des dépenses de l'armée dans l'acquisition de nouveaux matéreiels est défaillant. Les appels d'offres, lorsqu'ils existent, sont fermés, pour des raisons de "secret défense". Et malgré cela, la qualité des équipements laisse à désirer, au point que le chef d'état major, Nikolaï Markov, a récemment déclaré qu'il n'acheterait plus ni kalachnikov ni chars d'assaut aux entreprises russes, tant que la qualité ne se sera pas améliorée. 

Catastrophes annoncées...

En annonçant un tel projet, Vladimir Poutine veut se ménager les bonnes grâces des nationalistes russes. Il a trouvé l'homme idoine, Dmitri Rogozine, leader nationaliste pro-Kremlin, ancien représentant de la Russie à l'OTAN, désormais vice-premier ministre en charge du complexe militaro-industriels et qui parcourt inlassablement le pays depuis des semaines en annonçant toutes sortes de catastrophes qui s'abattront sur la Russie si la qualité de sa défense ne s'améliore pas rapidement. Il le fait avec une telle énergie que l'on prédire à Rogozine un brillant avenir dans la nouvelle Poutinie. Au demeurant, que les sommes annoncées aillent réellement aux dépenses militaires, cela reste à voir. La Russie a d'autres priorités comme l'amélioration de ses infrastrcutures, ou l'augmentation du niveau de vie des plus défavorisés. L'essentiel est que le message soit compris: la Russie ne laissera pas son complexe militaire aller à veau l'eau. Qu'on se le dise...