Guangdong, le laboratoire de l'avenir de l'économie chinoise

Durant trente ans, la plus riche province de Chine, le Guangdong, a été "l'usine du monde". Mais la nécessité imposée par les autorités d'avoir une croissance moins dépendante des exportations plombe l'activité locale. La région va devoir réinventer un nouveau modèle de croissance.
Une usine textile dans la province du Guangdong. Copyright Reuters

« Salaire compétitif. Pension complète. » « Recherche 3 personnes. Urgent ». Des pancartes rouges longent les rues de Kang Le, une zone périurbaine dans la banlieue de Canton. Les commerces et petites entreprises dont la grande majorité sont tournées vers l'export recrutent massivement : de l'ouvrier qualifié à la simple femme de ménage. Quelques semaines après la célébration du nouvel an chinois, les entreprises de la province du Guangdong, au sud du pays, peinent à faire revenir leur main d'?uvre qui parti passer les fêtes dans les provinces environnantes ou plus loin à l'intérieur des terres.

"L'usine du monde" tourne au ralenti

Le phénomène n'est pas nouveau mais il s'accentue depuis 2009. Les salaires dans les provinces de l'Ouest augmentent, les usines se délocalisent et les ouvriers migrants préfèrent travailler sur des sites plus proches de chez eux. Et ce malgré une augmentation des salaires de plus de 25 % en un an dans la province. A Guangdong, « l'usine du monde » tourne désormais au ralenti.
A l'exemple de Liu Licai. Assis sur le pont de Kang Le, un croisement bruyant où se rencontrent demandeurs d'emplois et recruteurs, cela fait cinq jours qu'il espère recruter 30 ouvriers pour honorer une commande importante. « Nous proposons 4.000-5.000 yuan (472-591 euros) par mois contre 3.000 yuan (354 euros) l'année dernière. Mais ce n'est pas assez », se lamente-t-il. Il sait que toute majoration supplémentaire de salaire ne pourra pas être répercutée dans le prix de revient et pèsera sur des marges de plus en plus réduites.

Un effet ciseau entre hausse des coûts et appréciation du yuan

Car les entreprises de la région qui ont fait la richesse de la Chine durant trois décennies se retrouvent aujourd'hui coincées entre des coûts qui ne cessent de gonfler chez eux (salaires, loyers, matières premières) et un marché de l'export sérieusement affecté par la crise en Europe. La zone euro est en effet le premier importateur de biens chinois. S'ajoute à cela une devise qui ne cesse de s'apprécier - en moyenne de 5 % par an -, ce qui rend leurs biens de moins en moins compétitifs sur le marché international. « Si cela continue ainsi, je vais fermer ma boutique et passer sur le web. Cela n'a pas de sens », explique Alex Lai qui vend des tissus dans un  magasin d'une superficie de 5 m2.

"La transition sera longue et douloureuse"

D'ailleurs, c'est exactement cela qu'espère le gouvernement du Guangdong. Le dernier plan quinquennal est explicite. La Chine doit progressivement revoir le fond et la forme de sa croissance économique. Elle doit dépendre moins des exportations et des investissements et davantage de la demande intérieure. L'accent sera mis sur les industries high-tech ou à plus forte valeur ajoutée. Les autres n'auront d'autre choix que de se recycler, délocaliser ou disparaître, tout simplement. Mais le Guangdong est bien décider à se réinventer, quitte à devoir en payer le prix fort. Les perspectives de croissance de la province - la plus riche de la Chine - sont passées de 9 à 8 %pour la période 2011-2016. « La transition sera longue et douloureuse. Il y a un vrai conflit entre ce qui est écrit et la réalité sur le terrain. Il est très difficile de savoir à quoi ressemblera la province sur le long terme. Mais ce ne sera plus l'usine du monde », assène Alistair Thornton, économiste pour IHS Global Insight, une société spécialisée sur l'information des entreprises et de leurs marchés.

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