Bo Xilai, Icare du parti communiste chinois

Les succès sociaux, économiques et politiques obtenus par l'ambitieux secrétaire du parti communiste de la mégapole de Chongqing, surnommé par la presse internationale le "Kennedy chinois", ne l'ont pas protégé de ses ennemis. En ne respectant pas les règles non écrites de la sélection des leaders du parti, il a signé sa chute.
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L'éviction quasi publique de Bo Xilai, l'étoile montante du parti communiste chinois (PCC), de la course à la direction a été interprétée comme une victoire des « libéraux » sur les « conservateurs ». Pourtant, certains analystes mettent en garde contre une interprétation hâtive qui ne prendrait pas en compte d'autres éléments liés à la personnalité de Bo Xilai, en particulier sa méthode pour atteindre la direction du parti communiste et donc de la future première puissance mondiale.

L'étrange affaire de Chengdu

"L'éviction de Bo Xilai n'ouvre pas automatiquement la voie à la tête du parti pour une personnalité plus libérale comme le chef du parti de la province de Guangdong, Wang Yang, qui a été récemment salué pour avoir réglé pacifiquement une révolte dans un village déclenchée par une expropriation », avertit ainsi Jeremy Page, spécialiste de la Chine dans le Wall Street Journal.

Le fonctionnement du parti et le jeu subtil de sélection des futurs leaders de l'ex-Empire du milieu obéit en effet à une dialectique qui n'a que peu à voir avec le jeu médiatique politique tel qu'il fonctionne en Occident. En l'ignorant, ou en voulant passer outre, Bo Xilai a précipité sa chute, qui apparaissait d'ailleurs inéluctable à nombre d'observateurs depuis l'étrange affaire de Chengdu, quand, le 8 février dernier, Wang Lijun, l'un de ses hommes de confiance, qui occupait le poste de vice maire de Chongqing avait voulu se refugier au consulat américain, avant d'être livré à la police chinoise.

"Kennedy chinois"

Bo Xilai, ancien ministre du Commerce, qui était encore jusqu'à jeudi matin le puissant secrétaire général du PCC de la mégapole de Chongqing, avait notamment bâti sa réputation sur l'éradication de la mafia qui régnait en maître sur cette ville. Malgré ses méthodes expéditives, il avait gagné la sympathie des médias, en particulier internationaux, par son style décontracté, bien éloigné de celui discret et modeste du bureaucrate du parti, ce qui lui avait fait gagné le surnom de « Kennedy chinois ». Par ailleurs, il avait organisé un "revival" de la culture maoiste, qui séduisait nombre de Chinois, conservateurs ou laissés pour compte de la course à l'argent qui creuse les inégalités sociale à travers le pays.

Pour Patrick Chovanec, professeur au département d'économie et de management de l'Université de Tsinghua à Pékin, ce n'est pas tant la personne de Bo que sa « personnalité politique » qui a été visée par les officiels du parti, en particulier chez les militaires. « D'abord, il les a froissés en courtisant les médias et par son vigoureuse autopromotion, qui a manqué d'humilité et de respect envers les canaux du pouvoir et les voies habituelles pour résoudre la compétition. Deuxièmement, ces officiels se sont sentis menacés, parce que peu d'entre eux avaient les moyens de concourir sur cette base, si cela avait été le cas. Troisièmement, ils ont été alertés par la tactique de Bo de « mobiliser les masses », ce qui évoquait explicitement la Révolution culturelle et entraîne chez les caciques chinois une peur panique que la ferveur populaire puisse être utilisée contre des rivaux au sein du parti, comme cela fût effectivement le cas durant la Révolution culturelle », explique Patrick Chovanec.

Le poids croissant de l'Etat dans l'économie

Ce n'est donc pas tant le fond que la forme de l'attitude de Bo qui a fait grossir le nombre de ses ennemis. Car son action passée s'inscrit dans une tendance beaucoup plus profonde de l'évolution de la société chinoise. A la faveur de l'injection massive de milliards de yuan comme mesure contra-cyclique pour faire face à la crise financière mondiale de 2008, le poids énorme de l'Etat chinois dans le développement économique n'a fait que croître, reléguant les initiatives du privé à la portion congrue.

Cela a d'ailleurs provoqué nombre de scandales de corruption et de disgrâces, par exemple la chute du ministre des Transports l'année dernière. Le développement en mégapole de Chongqing et les investissements colossaux qu'il a nécessité sous la houlette de Bo Xilai était d'ailleurs devenu uen telle vitrine du développement de la Chine, que le vice président et futur président Xi Jinping s'était récemment rendu dans la ville pour s'afficer à ses côtés. Cette dynamique, Bo Xilai avait eu l'opportunité de la créer et de s'en saisir pour accélérer son ascension vers la cime du club très fermé du bureau politique du PCC.

L'échec de Bo Xilai vient rappeler qu'à trop vouloir s'affranchir des règles tacites qui gouvernent le parti communiste, épine dorsale du pouvoir en Chine, chacun s'expose à une éviction, queque soit son positionnement idéologique : libéral ou conservateur.
 

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