Austérité, quelle austérité ?

Le débat politique sur l'austérité a pris de l'ampleur avec les élections grecque et française. Pourtant, les statistiques montrent que les coupes dans les dépenses publiques restent modestes pour réduire le déficit public. Ce sont surtout les majorations des taxes qui contribuent à l'assainissement des comptes.
Manifestation contre la politique d'austérité menée par le gouvernement Cameron en Grande-Bretagne, sur Tralfalgar Square à Londres/Copyright AFP

L'austérité s'est imposée comme thème dominant dans le débat politique international. Mais au delà du mot, quel véritable sens donner à la politique qui s'y réfère ? Le prix Nobel d'économie Paul Krugman, chroniqueur influent au New York Times, a ainsi vu dans le résultat des élections en France et en Grèce le rejet des politiques d'austérité prônée par l'Europe sous influence allemande. Surtout, il soulignait que "les revendications en faveur d'une réduction des dépenses publiques qui encouragerait d'une certaine façon les consommateurs et les entreprises à dépenser davantage ont été largement réfutées par l'expérience des deux années passées."

Une attitude religieuse

Il y a plus d'un an déjà, Paul Krugman avait critiqué le choix de la gestion de la crise de la dette européenne qui offrait comme seule stratégie l'austérité pour assainir les finances publiques et réduire le poids des dettes souveraines. Il y voyait une attitude typiquement religieuse - ils ont péché et en conséquence ils doivent être punis - au détriment d'une approche économique pragmatique. Il pronostiquait alors qu'en menant concomitamment des politiques d'austérité les pays de la zone euro allaient réduire leur croissance économique. A regarder la situation actuelle, ses anticipations étaient justes puisque la zone euro devrait, selon les derniers chiffres de la Commission européenne, voir son PIB se contracter de 0,3% cette année.

Mais les propos de Krugman ont, outre-Atlantique, déclenché un débat. La relance par la demande publique ou la planche à billets - que l'on désigne comme politique « keynesienne » -, celle qui a été choisie par le président Barak Obama, en quête d'un second mandat, est largement critiquée. Parmi les opposants à Krugman, on trouve l'économiste française travaillant aux Etats-Unis, Véronique de Rugy. Elle pointe surtout où se situe la nature du débat, qui porte sur l'arbitrage entre coupes dans les dépenses et majoration des taxes pour générer des recettes. Or, elle constate que les dépenses publiques dans les pays censés mener une telle politique sont en constante augmentation : Espagne, Royaume Uni, France et Grèce. "La France et le Royaume Uni n'ont pas fait de coupes dans leurs dépenses", souligne-t-elle (voir son graphique).

Ralentir la hausse des dépenses

D'ailleurs, François Hollande, le nouveau président français, avait lui-même, durant sa campagne, indiqué qu'il comptait non pas réduire les dépenses mais ralentir leur hausse, de + 2% à +1%, dans les prochaines années. Selon les dernières estimations de la Commission européenne, le poids de la dépense publique en France, après 55,9% du PIB en 2011, devrait représenter 56,3% en 2012 et 56,2% en 2013. Il s'agit du pourcentage le plus élevé dans la zone euro. Si l'on prend l'exemple de la Grèce, où l'austérité bat son plein, les chiffres sont de 50% en 2011, 49,7% en 2012 et 50,6% en 2013.

Aussi, s'il y a augmentation des dépenses publiques et si le déficit public en pourcentage rapporté au PIB diminue, ce sont les recettes qui doivent augmenter. Pour la France, les recettes ont représenté 50,7% du PIB en 2011, et sont prévues à 51,8% en 2012 et 52% en 2012. Et l'Italie, qui devrait voir la part de ses dépenses publiques se réduire par rapport au PIB entre 2011 et 2013, voit en revanche la part des recettes augmenter de 46,1% en 2011 à 48,4% en 2012 et 48,4% en 2013. Dans un contexte de croissance faible, c'est la hausse des taxes qui expliquent donc cette tendance.

Or Véronique de Rugy explique qu'une telle approche n'est pas de nature à résoudre le problème de la dette. Pour cela, elle se fonde sur une étude publiée en 2009 par deux chercheurs, Alberto Alesina et Silvia Ardagna, qui analysent les 107 tentatives de réduction de dette dans 21 pays de l'OCDE entre 1970 et 2007. Leur conclusion et que les réductions des dépenses sont plus efficientes que la hausse des taxes pour réduire le ratio dette/PIB.

L'économiste française cite également une autre étude de l'Institut américain de l'entreprise  qui analyse 100 cas de politiques menées pour réduire les déficits. Là aussi, la conclusion des auteurs de l'étude est que parmi les pays qui ont échoué, ceux qui avaient augmenté les taxes représentaient 53 % et ceux qui avaient fait le choix de réduire les dépenses, 47%. Quand aux pays qui ont réussi, 85% avaient réalisé des coupes dans les dépenses.

Le rôle accru des stabilisateurs sociaux

Face à ces critiques, Krugman a, à juste titre, souligné la nécessité de tenir compte du fait qu'en période de récession certains postes de dépenses augmentent mécaniquement, par exemple, celui du chômage. Il ne s'agit donc pas selon lui d'une extension du rôle de l'Etat-providence mais seulement de la hausse de certaines prestations. De même, certaines dépenses publiques, par exemple dans le cas de l'Irlande, sont dues à des sauvetages financiers du secteur bancaire.

Même si ce transfert est important, et même si nous admettons le rôle accru des stabilisateurs sociaux, il n'en reste pas moins que l'Etat ne coupe pas pour autant ailleurs. Si en Grèce nombre de fonctionnaires ont vu leurs salaires baisser, et si les dépenses ont continué à augmenter, cela montre que l'Etat n'a pas pu trouver ou imposer le niveau de coupes nécessaire pour inverser la tendance.

La nécessité de réformes structurelles

Car ces décisions relèvent évidemment de choix politiques, qui impliquent des changements profonds, des réformes structurelles, par exemple en matière de marchés du travail. Dans une ouvrage édité par le FMI, "Chipping Away at Our Debt", cité par Véronique de Rugy, les auteurs soulignent que pour réduire le déficit public et le poids de la dette, de telles réformes structurelles, qui visent à réduire le rôle et la part de l'Etat dans l'économie, nécessitent également qu'elles soient ambitieuses et s'inscrivent dans le moyen et long terme pour produire les effets significatifs. Last but not least, elles ont besoin de l'adhésion des citoyens.

Si l'on revient à la Grèce et aux dernières élections, le succès du parti de la gauche radicale Syriza, arrivé en deuxième position, n'est pas seulement dû à son programme contre l'austérité mais aussi au fait de conserver le statu quo du fonctionnement actuel de l'économie du pays. Autrement dit, le rejet d'un changement structurel du fonctionnement de l'administration grecque fondé, il faut le rappeler, sur le clientélisme et la corruption endémique.
 

Commentaires 37
à écrit le 15/05/2012 à 21:15
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Le drame est que plus ont attend pour réduire les dépenses et plus on devra aller vers l'austérité. La politique de l'autruche actuelle est criminelle? Il ne faut pas réduire la croissance des dépenses à 1% en volume mais à 0% en euros courant. Quand...

le 16/05/2012 à 6:49
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certes on peut dégraisser l'emploi public.mais si c'est pour créer plus d'emplois de traders ou de consultants en communication ou de footballers pro on ne va rien améliorer.donc tes théories libérales ne valent pas un cloule mal est bien plus profon...

le 16/05/2012 à 10:24
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D'accord . Nationalisons le foot ball

le 16/05/2012 à 11:08
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@liberal : On ne peut pas "décider" d'embaucher dans le privé. Les politiciens ont des marges de man?uvre dans le public (et peuvent donc supprimer des emplois publics), mais ils n'ont aucun moyen de forcer ou d'inciter fortement les entreprises priv...

le 16/05/2012 à 11:23
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Pour autant, il ne faut rester les bras croisés. Il faut 1) Cesser de remplacer les fonctionnaires qui partent à la restraite, 2) Utiliser les NTIC pour compenser la surcharge de travail sur les fonctionnaires qui restent, 3) Simplifier les règles ...

à écrit le 15/05/2012 à 15:27
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Pas d'inquiétude : vous serez mort avant le capitalisme ; alors faisons avec et enrichissons-nous (épître aux traders par K... ; psaume 3)

à écrit le 15/05/2012 à 10:26
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Ce qui n'est pas dit dans cet article, c'est que le probleme de l'explosion de la dette et des problemes de l'europe est principalement lie au sauvetage du secteur prive par le secteur publique: nationalisation ou sauvetage des banques suite a la cri...

le 15/05/2012 à 10:46
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et voilà le cliché socialiste qui ressort. La France a prété 8 milliards à ses banques en 2009 qui ont tout remboursé en 2010. La dette française est de 1716 milliards d'euros, avec un budget non équilibré depuis 1974. Et il y a encore des gens ...

le 15/05/2012 à 11:58
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john,j'ai peur que ça soit jo qui ait raison sur ce coup.je te rappelle que sans l'etat français,nos champions bancaires seraient deja mourus depuis longtemps!

le 15/05/2012 à 14:44
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Et oui, c'est bien jo qui a raison et John galt qui a tort. La France n'avait pas besoin de prêter à ses banques en creusant sont déficit à des taux exorbitants. A peine quelques mois plus tard, la BCE prête aux banque à un taux ridicule de 1%, et le...

le 15/05/2012 à 15:31
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@Mectroid et autres Hé les gars le prets fait aux banques francaises à rapporté 2.7 milliards d interets à l état il a donc été profitable pour nous petits contribuables et pour continuer de faire l avocat du diable les banques françaises non jamais...

le 15/05/2012 à 15:55
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je te rappelle que jusqu'au dernier moment,dexia était une banque qui faisait des bénéfices et versait d'importants salaires et bonus a ses dirigeants.l'important c'etait que les gens normaux(un peu comme toi) le croient le plus longtemps possible.je...

le 15/05/2012 à 16:00
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@Mordrakheen De votre réponse, je déduis que 1) vous ne comprenez pas le principe des intérêts sur un emprunt, que 2) vous n'avez jamais travaillé dans une banque et que 3) vous n'avez jamais suivi de cours d'économie ...

le 16/05/2012 à 11:06
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@mecafroid - Je pense comme vous que faire des commentaires avec un tel niveau d'incompétence est consternant .

à écrit le 15/05/2012 à 9:02
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L'austérité doit être orientée sur l'Etat, pas sur les Français : baisse massive des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires. Nous sommes déjà trop taxés.

le 15/05/2012 à 9:46
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OK crise? quelle crise et pour qui? foot, F1, tennis, golf, et même en espagne avec 25% de chomage? voir tout ce déballage de fric! on nous annonce le retour de la F1 en france et baisse des remboursements et autres! pas d'argent oui mais par pour to...

le 15/05/2012 à 12:01
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tu as mille fois raison.j'ai toujours été étonné de voire les clubs de foot et de basket grecs continuer a embaucher a prix d'or ceux dont nous ne voulions meme plus en france.le cinéma hexagonal subventionné se porte tellement bien que n'importe que...

à écrit le 15/05/2012 à 8:40
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Diminuer les dépenses, c'est d'abord réduire le nombre de fonctionnaires, mais c'est aussi et surtout réduire le nombre de voix dans les élections : 1 fonctionnaire plus toute sa famille qui vote (en général du même coté)= pas mal de voix exprimées q...

le 15/05/2012 à 12:03
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diminuer les depenses c'est supprimer les aides aux entreprises(un quart du budget)aux clubs sportifs pro et au cinéma

le 15/05/2012 à 12:10
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Je ne suis pas complètement en désaccord avec l'idée d'un gouvernement de techniciens plutôt que de politiques même si leur mode de détermination parait hasardeux démocratiquement parlant. Par contre, vous êtes en train d'expliquer que les membre de ...

le 15/05/2012 à 12:10
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Je ne suis pas complètement en désaccord avec l'idée d'un gouvernement de techniciens plutôt que de politiques même si leur mode de détermination parait hasardeux démocratiquement parlant. Par contre, vous êtes en train d'expliquer que les membre de ...

à écrit le 15/05/2012 à 6:37
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il est donc parfaitement clair qu'il faut réduire les dépenses.il est également parfaitement clair que la surimposition ne sera pas le bon choix.

le 15/05/2012 à 7:54
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Bah oui tiens, détruisons ce qui reste du service publique qui fonctionne depuis la révolution, pour sauver le capitalisme sauvage. Quel bonne idée, quel avancé!

le 15/05/2012 à 8:45
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Non, il ne faut pas détruire ! Il faut réformer ! Et c'est la la nuance ! Le capitalisme n'est pas nécessaireemnt sauvage ! Maintenant, je pense que selon vous tout ce qui n'est pas communisme, socialisme, et nécessairement sauvage ! D'autre part...

le 15/05/2012 à 9:22
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@ yurf : le service public qui fonctionne depuis la révolution ??? il vous faut ouvrir un livre d'histoire ... et pour avoir de tels services publics où le public est au service des fonctionnaires, il est bien temps de les détruire afin d'avoir d...

le 15/05/2012 à 9:31
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Il faut surtout moderniser la fonction publique et accélérer la dématérialisation de tout ce qui concerne l'administration destinée aux entreprises et aux particuliers. Il faut augmenter la productivité moyenne au sein de la fonction publique : ex :...

le 15/05/2012 à 12:04
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@yurf,j'adore ton expression "ce qu'il rese du service public"comme si le nombre total de fonctionaires n'augmentait pas tous les ans!

à écrit le 15/05/2012 à 2:34
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Depenser depenser depenser ! Pour taxer taxer taxer .......les entreprises, les entrepreneurs, les innovateurs et createurs d'entreprises. On y arrivera pas

le 15/05/2012 à 8:49
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Vous avez raison ! Hélas, les énarques sont formatés pour taxer et dépenser ! De toute maniere, les créanciers mettrons un STOP tot ou tard !

à écrit le 14/05/2012 à 23:50
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Ça fait mille an que "l?état" emprunte pour construire. Ça fait 30 ans qu'on a une dette. 30 ans c'est a peu près quand Giscard a décidé que plutôt que d'emprunter à 0% à une banque nationale, il fallait finalement emprunter entre 3 et 6% a des banqu...

à écrit le 14/05/2012 à 22:28
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L'austerite on ne connait pas trop en France...Dommage, il faudrait pourtant eponger les dettes et se serrer la ceinture jusqu'a fin 2012, retructurer le systeme de gestion partout ou c'est possible et ensuite relancer l'economie.Excatement comme le...

le 15/05/2012 à 7:55
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ou arrêter de payer des intérêts aux banques privés ! Pourquoi voulez vous financer notre perte en alimentant les bulles spéculatives contre les états, avec nos impôts ? Ca vous parait pas plus censé ? vous qui avez l'air pragmatique...

le 15/05/2012 à 10:00
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savez vous quel est le % de notre dette détenue par les banques privées ? négligeable par rapport à ce qu'il y a dans les assurances-vie des français... même en empruntant à 0 on serait dans le rouge. il y a un moment ou il faut couper dans les dép...

à écrit le 14/05/2012 à 21:07
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"" de telles réformes structurelles, qui visent à réduire le rôle et la part de l'Etat dans l'économie, nécessitent également qu'elles soient ambitieuses et s'inscrivent dans le moyen et long terme pour produire les effets significatifs."" ------ e...

à écrit le 14/05/2012 à 20:07
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Oui soyons clair. L'austérité concerne jusqu'à présent l'Europe du Sud qui s'administre de vrais remèdes de cheval, presque mortels pour les économies des pays concernés. Concernant la France, il est indécent de parler d'austérité. Les petites hausse...

à écrit le 14/05/2012 à 19:41
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Cette anglaise est sans nul doute fort synpathique ! Cependant, son paneau et ses idées sans doute d'extreme gauche (étoile rouge) ne changeront pas les réalités simples ! En europe, les citoyens et les etats vivent au dessus de leurs moyens ! Evi...

à écrit le 14/05/2012 à 19:37
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tant que la france n'aura pas réformé de fond en comble le fonctionnement de ses collectivités locales, rien ne changera. Il est aberrant de voir sur chaque rive du Rhin de vastes communes en RFA et une kyrielle de petites communes sans compter les c...

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