En Birmanie, le spectre d'une flambée de la corruption et des conflits fonciers

Alors que dans le nord du pays, la grogne et la violence suscitées par un projet chinois de mine de cuivre vont crescendo, l'afflux massif d'investissements suscite des inquiétudes sur l'ampleur des pots de vin et la corruption.
Aung San Suu Kyi s'est rendue vendredi dans la ville de Monywa, dans le nord du pays. L'opposante birmane fait la médiation entre une compagnie chinoise accusée de corruption et d'accaparement de terres et la population. Copyright Reuters

Le fléau est connu. De la Chine au Vietnam, en passant par le Cambodge ou l'Indonésie, les conflits fonciers sont devenus une conséquence  inhérente au développement économique. La Birmanie ne fait pas exception. Depuis plusieurs mois, un projet chinois pour une mine de cuivre essuie les foudres de la population locale. Sur place, villageois, étudiants et moines exigent l'abandon de ce projet situé près de la ville de Monywa, dans le nord du pays. Lors de premiers rassemblements en septembre, ils avaient affirmé à l'AFP que 3.200 hectares leurs avaient été confisqués. Le tout sans consultation, et parfois sans compensation.

De plus, le site - géré par une société mixte formée par le groupe chinois Wanbao et la société militaire Myanmar Economic Holdings - est régulièrement la cible d'accusations de corruption par la presse locale. Face à l'inertie du gouvernement, la fronde s'amplifie. En guise de protestation, les opposants ont bâti des campements de fortune à proximité du site. Hier, une énième manifestation s'est achevée dans la violence. Selon des militants, la répression par les forces de l'ordre aurait fait a minima une vingtaine de blessés. De quoi pousser l'opposante Aung San Suu Kyi, la "Dame de Rangoon" comme ses partisans l'appellent affectueusement, à se rendre sur place pour tenter une médiation.

Violences, pertes de vies humaines et de moyens de subsistance

De fait, l'inquiétude va crescendo concernant une multiplication de ces conflits fonciers en Birmanie. Depuis la libération d'Aung San Suu Kyi le 14 novembre 2010, suivie de sa victoire aux élections partielle du mois d'avril, le pays ne figure plus sur la liste noire des gouvernements occidentaux. Depuis, l'exécutif birman multiplie les incitations pour attirer les investisseurs étrangers, comme en témoigne la révision d'une loi à cet effet début novembre. Résultat, les fonds affluent, et dans leur sillage le spectre d'une multiplication des pots-de-vin et des accaparements de terres.

Total ou encore Visa... nombreuses sont les entreprises à jouer des coudes pour profiter du fort potentiel de développement de ce pays de 54 millions d'âmes. Il faut dire que des infrastructures aux réseaux de télécommunications, en passant par le secteur bancaire, tout reste effectivement à construire. Sachant que le pays jouit de ressources naturelles abondantes (minerais et gaz naturel), comme d'un fort potentiel touristique. Autre signe de l'engouement actuel pour ce nouvel eldorado, la Banque mondiale a débloqué le 2 novembre un don de 80 millions de dollars pour épauler les réformes du régime.

Les conflits éclatent au grand jour

Fin mars, Burma Environmental Working Group (BEWG), une coalition d'organisations birmanes, s'est alarmée des problèmes liés à cet afflux d'investissements. "Les intérêts des investisseurs peuvent interférer directement avec le processus de paix, souligne-t-elle dans un communiqué au ton glacial. Les projets implantés dans les zones de conflits  ont augmenté les violences, les pertes de vies humaines et les pertes des moyens de subsistance des populations." Pour ce groupement d'organisations, seul un meilleur respect des droits de l'homme couplé, à une vraie politique de transparence permettra au pays de se développer sans accroc.

La balle est donc dans le camp du gouvernement. D'autant qu'il n'est pas dupe : les conflits fonciers impliquant des entreprises existent depuis longtemps en Birmanie. Une conséquence de la volonté de l'exécutif de favoriser les investissements (notamment dans les mines). Mais jusqu'alors, ces conflits ne trouvaient pas écho hors des frontières du pays qui vivait replié sur lui-même. Désormais, ils éclatent au grand jour.

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