Les économies développées sont-elles devenues des chaînes de Ponzi ?

Par Nabil Bourassi  |   |  640  mots
Copyright Reuters
Un rapport du Boston Consulting Group a comparé les économies des pays de l'OCDE à la chaîne de Ponzi, du nom de cet escroc italien qui a inspiré Bernard Madoff arrêté en 2008. L'impasse sur le poids de la dette ne peut plus être permise d'après ce rapport.

« L'économie des pays développés, c'est un peu comme la chaîne de Ponzi, une vaste escroquerie ! », c'est ainsi que nous pourrions résumer un récent rapport du Boston Consulting Group (BCG) sur la crise des pays développés. Bien entendu, le discours est plus policé, mais l'analyse est sans concession. Le titre de ce document est d'ailleurs assassin : Fin de l'ère de la finance à la Ponzi. Il se réfère ainsi à Charles Ponzi, cet escroc d'origine italienne qui avait floué dans les années 1920 des milliers d'épargnants de Boston en leur promettant des taux de rendements exceptionnels et qu'il rémunérait avec l'argent récolté chez d'autres épargnants. Il y a quelques années, un certain Bernard Madoff avait construit la même arnaque sur des sommes astronomiques.

La doctrine Keynésienne dévoyée

Quel rapport avec les économies développées ? D'après cette étude, les gouvernements de quelques grands pays (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Italie...) ont mis en ?uvre des politiques économiques fondées sur l'endettement. Jusque là rien d'étonnant, la théorie de l'économie d'endettement développée par la doctrine keynésienne, permet de stimuler la croissance en période de récession. Sauf que, d'après le rapport de BCG, cette politique d'endettement a perdu tout pouvoir de stimulation de la croissance. Du coup, les dettes contractées ne sont plus gagées sur les surplus de revenus qu'elles étaient censées engrangées, mais sur les revenus des générations futures... Sauf qu'un jour, les épargnants d'aujourd'hui ne pourront pas rembourser ceux d'hier. C'est là où réside la faille qui a fait tomber Charles Ponzi ou Bernard Madoff.

Toutes les caractéristiques de la chaîne de Ponzi sont réunies. Les Etats s'endettent pour payer les dépenses de fonctionnement et non celles liées à des investissements qui ont pourtant un effet multiplicateur plus important. Ce qui a deux conséquences. D'abord, les Etats s'endettent sans rien inscrire dans la colonne actif de leur bilan. Ensuite, chaque dollar emprunté n'induit quasiment plus de surplus de croissance. Pis ! Les Etats s'endettent pour rembourser les seuls intérêts de la dette.

L'effet multiplicateur quasiment neutralisé

Les chiffres sont éloquents. La dette cumulée (Etat, entreprises, ménages) des pays de l'OCDE est passée de 160% du PIB en 1980 à 321% en 2010. Par ailleurs, les effets vertueux du multiplicateur de croissance semblent avoir été en grande partie neutralisés. En 1960, un dollar investi créait 59 cents de PIB supplémentaire, il n'en engendre plus que 18 cents aujourd'hui.

Cette situation était devenue intenable pour les économies développées. Le premier symptôme de ce syndrome devait se manifester sans surprise par une crise monétaire. En Europe, la monnaie unique doit sa relative bonne tenue par la présence d'économies puissantes comme l'Allemagne ou la France qui continuent à afficher une colonne « actif » conséquente dans leur bilan. Autrement, les pays dits du Sud auraient été contraints, au mieux, de dévaluer massivement leur monnaie, avec les conséquences que l'on connait pour les petits épargnants ou le pouvoir d'achat, au pire de se déclarer en banqueroute.

L'impasse sur la dette n'est plus permise

Pour le Boston Consulting Group, la croissance de la dette est donc devenue le problème numéro un des économies développées. Et les solutions préconisées sont connues : Etat moins dépensier, baisser le poids de la dette, anticiper une crise démographique, investir dans l'éducation, les infrastructures...

Cette situation est largement connue des marchés et économistes. En cela, le BCG ne dit rien d'original mais l'illustre en recourant à l'exemple dramatique d'un escroc célèbre. Une façon de souligner l'avenir funeste qui attend ces économies si elles ne réagissent pas...