Skouriès, la montagne d'or qui révolte les "Indignés" grecs

En Chalcidique, au nord-est de la Grèce, un groupe canadien souhaite rouvrir une mine d'or. Enjeu : la production, à Skouriès, de 12 tonnes d'or par an. Mais si la plupart des habitants de la proche ville côtière de Stratoni se frottent les mains, les défenseurs de la nature, eux, ne décolèrent pas. Et ne désarment pas, malgré la crise que l'on sait.
Mine de Skouriès.

«En 2016, la Grèce pourra devenir le premier producteur d'or de l'Union européenne, dépassant la Finlande(1) », jubile Kostas Georgantzis. Derrière ses lunettes fines, le représentant de l'entreprise minière Eldorado Gold a les yeux qui scintillent. « 400.000 onces d'or par an (environ 12 tonnes), s'ébahit-il, c'est ce que nous produirons si la Cour suprême grecque nous autorise à opérer sur la montagne de Skouriès. La haute juridiction doit en e? et statuer « très prochainement » sur la légalité des études environnementales soumises par l'entreprise. Mais ce qui pourrait être un feu vert pour Eldorado Gold sera à l'inverse un horrible couperet pour de nombreux défenseurs de la montagne de Skouriès.

180 hectares d'arbres seraiant abattus

Malgré la récession qui sévit depuis six ans en Grèce, Eldorado Gold fait des affaires. Le groupe canadien a beaucoup investi via sa filiale Hellas Gold depuis 2008, jetant son dévolu sur la Chalcidique, au nord-est, déjà réputée dans l'Antiquité pour son potentiel aurifère.
Dans la ville côtière de Stratoni, où siège l'entreprise, Kostas Georgantzis admire le nouvel empire montagneux depuis la fenêtre de son bureau : après avoir obtenu les permis pour la montagne de Perama en 2008, Eldorado Gold a obtenu en 2011 les permis pour les sites d'Olympiadas (plomb, zinc, argent, or), de Stratoniki (plomb, zinc, argent) et surtout Skouriès (or, cuivre). Un ensemble appelé les « mines de Kassandra ». La compagnie emploie désormais quelque 1.100 salariés, « dont 99% de Grecs », souligne Eduardo Moura, vice-PDG d'Hellas Gold. « Nous sommes l'une des rares sociétés à recruter en ces temps difficiles, assure-t-il. Nous investirons près d'un milliard de dollars en Grèce durant les cinq prochaines années. » Insatiable, Eldorado Gold lorgne aujourd'hui sur trois nouveaux domaines de la région : Piavitsa, Fisoka, Tsikara.
Des routes sinueuses et boisées mènent au site d'Olympiadas. Au sommet de la montagne, la végétation se fait plus rare pour laisser place à un imposant bâtiment industriel. À l'intérieur d'immenses cuves installées par Hellas Gold, une mixture grise bouillonne bruyamment. Alentour, les arbres, abattus, ont laissé la place à une plaine grisâtre. « Le processus de flottation et l'exploration nécessitent l'abattage des arbres, admet Kostas Georgantzis, mais nous nettoierons le chantier et replanterons la végétation. » Pour des centaines d'habitants et d'écologistes qui ont déposé des recours devant la justice, ce complexe minier ternira bientôt la colline verdoyante de Skouriès. Eldorado Gold souhaite y creuser des mines à ciel ouvert et opérer dès 2014. Pendant environ trente ans, la compagnie veut tester sur « la montagne d'Aristote » un nouveau processus d'extraction : le « Flash smelting » (fusion flash). Depuis l'obtention d'un permis, Eldorado Gold a lancé son chantier. Cent quatre-vingts hectares d'arbres devront être abattus, soit « 0,09°% de la forêt de Chalcidique. », tempère la société.

La crainte de la perte d'emplois touristiques

Ierissos, village de 3.000 âmes, à quelques kilomètres de là, est devenu le fief de la contestation. Des banderoles « Non à Eldorado Gold » flottent dans les ruelles. Un slogan que martèle Tanassis Kromidas. Pour ce résidant, ces activités vont nuire à la région qui vit du tourisme, de l'agriculture « et produit 10% du miel européen. » Au final, « ce sera plus d'emplois sacrifiés que créés, assure ce Grec. La pollution sera équivalente à celle d'une ville comme Thessalonique [une agglomération d'un million d'habitants, ndlr].?»Même son de cloche au comité des associations de Stagira-Akanthos (autre municipalité de Chalcidique) où l'on est très inquiet?: «?La méthode de fusion flash n'a jamais été utilisée dans le monde. Selon l'université de Thessalonique et la Chambre technique de Grèce du Nord, il est très probable que cela conduira à l'utilisation de grandes quantités de cyanure.?» D'après ce comité, « Hellas Gold n'a pas donné une justification scientifique suffisante pour cette méthode. »Kostas Georgantzis balaye ces arguments : « Nous avons des études, ces gens n'ont pas de preuves que ce que nous faisons est dangereux. » Les détracteurs arguent toutefois qu'en 2003, TVX Gold, compagnie canadienne opérant à Olympiadas, avait déjà dû cesser ses activités. Le Conseil d'État grec avait alors reconnu « un danger pour l'environnement.?» Une décision au goût de défaite pour Kostas Georgantzis. « Les travailleurs ont fui vers Thessalonique... Aujourd'hui ils reviennent nous supplier pour du travail! » Fin 2003, avant de tomber dans l'escarcelle d'Eldorado Gold, Hellas Gold avait en effet repris le domaine de TVX pour un euro symbolique. « Nous avons investi 11?millions d'euros pour payer les salariés, les fournisseurs... avant même de relancer la demande de permis », précise Kostas Georgantzis. La crise est désormais devenue un argument favorable aux « promines ». « Peu importe la situation économique difficile, tranchent les opposants de Stagira-Akanthos. Ces décisions affectent non seulement nos vies, mais aussi celles des générations à venir. » Déterminés, ces « Indignés » grecs enchaînent les actions. Le 12 janvier dernier, ils étaient 1.500 à défiler à Athènes. Certains manifestants portaient des t-shirts avec le slogan « SOS Chalcidique », d'autres des combinaisons blanches antitoxiques. « Si la Cour suprême statue contre nous, nous porterons la question auprès des tribunaux européens. », proclament-ils. Et ils assurent qu'ils ne lâcheront pas « leur » montagne. Même pour tout l'or du monde.

Commentaires 4
à écrit le 09/02/2013 à 17:39
Signaler
Les Grecs ne veulent pas d'une mine d'or malgré leurs dette colossale et les Français ne veulent pas du gaz de schiste mais se plaignent de payer le gaz oil à 1,50?! tous pareils

à écrit le 09/02/2013 à 5:35
Signaler
un reportage TV sur une mine d'or en GRECE signalait de le maire d'une commune ayant autorisé cette exploitation avait en contre partie réclamé des emplois pour des membres de sa famille. Il s'agissait d'un ancien ministre.

à écrit le 08/02/2013 à 15:30
Signaler
12 tonnes d'or/an... Soit 500 millions d'euros de Chiffre d'affaires, et sans doute la moitié en résultat.. Pas de quoi rembourser la dette...

à écrit le 08/02/2013 à 13:30
Signaler
Logique... La Grèce est une Afrique qui s'ignore.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.