Spécial élections italiennes : «Nous vivons une crise sans équivalent depuis la guerre »

Une grande majorité des chefs d'entreprise italiens, principalement des PME, sont en colère. Ils dénoncent la bureaucratie tatillonne, l'alourdissement de la fiscalité et la diculté à trouver des crédits. Reportage auprès de ceux qui restent encore le fer de lance de l'économie de la Péninsule.
Ultime meeting de Mario Monti, à Florence. Les grands partis politiques tenaient vendredi leurs dernières réunions publiques avant les élections législatives italiennes de dimanche et lundi, qui pourraient ouvrir une nouvelle période d'instabilité.

«Ne le dites pas, mais la crise est si grave que je conseille aux entrepreneurs de ne pas payer la location des machines et de privilégier le paiement des salaires des ouvriers. » Ce président de la Chambre de commerce d'une grande ville industrielle regarde les chiffres de la croissance et l'augmentation rapide du chômage, avant d'expliquer : « Les sociétés de leasing ont déjà plein de machines sur les bras et cela leur coûterait trop cher de venir en démonter d'autres et de les entreposer dans un hangar. Il vaut mieux ne pas les payer plutôt que d'être obligé de licencier du personnel qualifié. Mais ce petit jeu ne pourra pas durer longtemps. On peut encore tenir six mois, mais si la demande ne repart pas, ce sera la catastrophe. »La plupart des entrepreneurs italiens vivent désormais dans l'urgence. Depuis le début de l'année, cinq entrepreneurs du nord du pays se sont suicidés. « Nous vivons une crise sans équivalent depuis la guerre », s'alarme le constructeur Paolo Buzzetti. « Le secteur est en train de mettre la clé sous la porte. Les entreprises ne licencient pas seulement les ouvriers, mais aussi les secrétaires et même les ingénieurs. » Depuis le début de la crise, le BTP a ainsi perdu plus de 500000 emplois. « Personne n'a jamais affronté une crise de cette ampleur », confirme Maurizio Torreggiani, président de la section de Modène de la Confédération nationale des artisans. Pendant des années, ce territoire qui s'étend jusqu'à la ville de Ferrare et représente 2% du PIB italien, a accumulé les performances économiques grâce au développement de pôles industriels dans le textile, la céramique, l'agroalimentaire et la mécanique. « Il y a peu, le taux de chômage ne dépassait pas les 3%. Aujourd'hui, il est au-dessus de 8% », s'inquiète Maurizio Torreggiani.

Les remèdes trop sévères de Mario Monti

La cure d'austérité du gouvernement de techniciens de Mario Monti a permis de redresser les comptes publics et de calmer les marchés. Mais au prix d'une récession qui contraint nombre d'entreprises à réduire la voilure, à licencier, voire à fermer. D'autant que la pression fiscale demeure l'une des plus élevées du monde. En Italie, le taux de prélèvement global sur les sociétés atteint 68,3%, dont 22,9% d'impôts sur les sociétés et 43,4% de charges sociales. La réintroduction d'un impôt foncier très lourd à la fin de 2012 a fini par affaiblir la consommation des ménages. « Les impôts sur les habitations s'élèvent au total à 44 milliards d'euros, est-ce normal? », s'indigne Paolo Buzzetti. « Pour verser un salaire mensuel de 1500 euros à un ouvrier, il faut verser en brut 4200 euros », résume-t-il.
De manière générale, chez les petits patronaux, on reconnaît que l'assainissement des comptes est nécessaire mais on estime que la cure du « Professore » est trop drastique. « La situation a empiré avec la recherche de l'équilibre budgétaire, c'est une politique complètement erronée. C'est le témoin de l'idiotie des choix politiques effectués jusqu'ici », conclut Paolo Buzzetti. À demi-mot, certains entrepreneurs lâchent aussi que la lutte contre l'évasion fiscale, en période de crise, a aggravé la situation : « Les gens qui ont de l'argent ne le dépensent pas car ils craignent de se retrouver avec les inspecteurs du fisc sur le dos », confie Paolo Buzzetti. En 2012, l'agence de recouvrement des impôts Equitalia a régulièrement été prise à partie par des artisans et des commerçants, qui ne parvenaient plus à régler les impôts réclamés par l'État. En mars dernier, devant le siège d'Equitalia à Bologne, Giuseppe C., un petit entrepreneur, s'est installé dans sa voiture et s'est immolé par le feu.

La garantie de l'état ne suffit plus aux banques

La situation est d'autant plus ubuesque que l'État qui réclame le versement des taxes ne paie pas, lui, ses fournisseurs qui n'ont très souvent même plus accès au cré-dit. Les banques ont en effet fermé le robinet des prêts. « J'ai décroché un contrat pour produire une fic-tion pour la Rai [la télévision publique italienne, ndlr] mais la banque qui me connaît depuis des années refuse de m'accorder un crédit pour faire démarrer le tournage », s'indigne cette dirigeante d'une petite société de production qui compte pourtant une dizaine de films à son actif. « Ils nous étranglent », s'exclame-t-elle, dans l'attente d'obtenir un prêt à 7% d'un autre institut de crédit. Les cas similaires sont légion. Même les garanties de l'État ne suffisent plus. « Le dernier gouvernement Berlusconi avait approuvé une loi pour aider les jeunes à emprunter de l'argent pour acheter un logement. L'État se portait garant pour obtenir des prêts. Mais presque tous les couples qui se sont présentés au guichet se sont vus refuser les crédits », fulmine l'agent immobilier Paolo Righi.
« Ce qui tue le pays, c'est la multiplicité et la complexité des règlements », juge Marco Achili, patron d'une petite société milanaise de photovoltaïque. « Chaque organisme administratif a sa propre interprétation d'une même procédure et réclame d'autres documents et justificatifs que ceux que l'on a pu vous demander auparavant. C'est sans fin », se lamente-t-il. À tel point que certains entrepreneurs envisagent sérieusement de délocaliser. D'autres n'hésitent plus à dire qu'ils voteront les 24 et 25 février pour le mouvement populiste « 5 étoiles » de l'humoriste Beppe Grillo qui propose d'envoyer balader tout le système. Il y a quelques jours à Trévise, dans cette très industrielle région du nord-est, une délégation de petits patrons et d'artisans est venue rencontrer le tribun. Emmenés par Massimo Colomban, fondateur du groupe de construction Permasteelisa, ils ont expliqué : « Nous ne croyons plus les partis traditionnels. Nous ne parvenons plus à payer les impôts et les fournisseurs. » Et d'ajouter à l'adresse de Beppe Grillo : « Soit tu fais la révolution, soit nous descendrons dans la rue avec les fourches à la main. »Dans ce contexte dramatique et tendu, rendu encore plus difficile par une succession de scandales mêlant la politique et des grands groupes comme Finmeccanica et la banque Monte Paschi di Siena, quelques sociétés dynamiques, innovantes et compétitives parviennent néanmoins à tirer leur épingle du jeu et à relancer les exportations italiennes. Le groupe alimentaire de Trévise Pasta Zara (qui exporte 92% de sa production) vient par exemple d'annoncer 60 millions d'euros d'investissements d'ici à 2018 et l'embauche d'une cinquantaine de personnes. Quant aux dirigeants de Ferrari, emblème de la technologie et du design italiens, ils viennent d'annoncer, pour 2012, le meilleur résultat historique de la marque avec un chiffre d'affaires de 2,43 milliards d'euros, en hausse de 8%...

Commentaires 34
à écrit le 28/02/2013 à 10:05
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Cela vaut aussi pour l'Italie, ce papier est de février 2012, lisez bien la fin du texte. Zone euro : "nous vivons une tentative de coup d'Etat larvé" A 69 ans, Charles Gave a créé plusieurs sociétés financières dont la dernière, GaveKal, basée à ...

à écrit le 28/02/2013 à 9:56
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BILDERBERG cela me dis quelques chose, ce gouvernement occulte créer par l'OTAN, avec dernièrement, mais cela change chaque année ! Il dirigent donnent des feuilles de route pour le plus grands bonheur des peuples, pardon de leur portefeuille. Josef...

à écrit le 28/02/2013 à 9:27
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Mario MONTI, Nommé commissaire européen au Marché intérieur en 1995, puis commissaire européen à la Concurrence cinq ans plus tard, il retourne au monde universitaire à la fin de son mandat, en 2004, puis devient, en 2005, consultant pour GOLDMAN SAC...

à écrit le 25/02/2013 à 3:57
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Y a pas que l'Italie: en France aussi on en a marre de la technocracie de Bruxelles et de la sauce socialiste... Les PME et TPE en ont marre d'etre pris pour des vaches a lait... A bas l'Europe, vive les nations, vive notre monnaie souveraine, vive l...

le 25/02/2013 à 10:16
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Un cri du coeur qui fait du bien. Merci ! De plus en plus d'eurosceptiques rejoignent les troupes. Y'a que comme ça qu'on pourra sortir de cette "destruction européenne" que les peuples ne veulent pas.

le 25/02/2013 à 10:23
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Et vive la dévaluation, vive le Franc monnaie de singe comme autrefois, vive la fuite des capitaux vers le $ et le DM, et donc vive le contrôle des changes, vive l'inflation à deux chiffres incontrôlée et incontrôlable, vive les emprunts de la France...

le 25/02/2013 à 11:07
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Et vive la propagande europeiste sans aucune argumentation en face. Ceci-dit on a l'habitude. Vous avez raison depuis 20 ans, l'UE c'est la liberté, la croissance économique et moins de dettes. Lamentable.

à écrit le 24/02/2013 à 16:50
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La preuve que l'expérience ne sert à RIEN, ne sert pas aux hommes......Triste et dramatique!

à écrit le 24/02/2013 à 11:44
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....les dirigeants de Ferrari viennent d'annoncer pour 2012 le meilleur résultat historique dela marque avec un chiffre d'affaires de "2, 43 milliards d'euros, "en hausse de 8% !".....Ben tout baigne de ce coté là, non?...

le 24/02/2013 à 13:15
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Au niveau mondial, le nombre de "très riches" explose. C'est la classe moyenne des pays développés qui est laminée. Et ce n'est que le début.

le 24/02/2013 à 13:54
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ben, justement, c'est ça qui cloche et que nous devrions ne pas laisser passer, mais personne ne bouge! dans ce cas, comme vous le dites si bien " et ce n'est que le début ", c'est clair et surtout plus que triste !

à écrit le 24/02/2013 à 11:13
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La politique monétaire de la BCE est en cause pour de nombreux pays (dont la France) !

à écrit le 24/02/2013 à 11:00
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pareil pour la France : M A R R E de fonctionnaires inutiles et parfaitement couteux : bientôt on descendra dans la rue !!!!!!!!!

à écrit le 24/02/2013 à 8:46
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Une societe de production qui ne peut produire une fiction pour la TV, une societe de panneaux photovoltaïques travaillant dans un secteur sinistré...effectivement, personne en Europe n'a les moyens de continuer à balancer de l'argent par les fenêtre...

à écrit le 24/02/2013 à 7:59
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la poltique italienne et son système d' imposition sur la va ne permet pas au facteur social de se developper au maximum même en periode d' election, celà peut developper des peurs chez les voisins europenns

à écrit le 24/02/2013 à 6:49
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Les riches s'appauvrissent ? C'est un sketch de votre prochain spectacle ?

à écrit le 24/02/2013 à 0:30
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A paulo : C'est fait, en rabotant votre retraite.

à écrit le 24/02/2013 à 0:04
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bureaucratie,fiscalité,reglementation,clientélisme Comme quoi faut jamais desesperer ,ya toujours pire ailleurs si Monti y est pas arrivé les autres c est pas la peine d y penser. L italie comme la France on chacun leur boulet trainé depuis plus d un...

à écrit le 23/02/2013 à 23:49
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Certains sont persuadés que cette crise mondiale est provoquée en vue de l'établissement du Nouvel Ordre Mondial. David Rockfeller avait dit : " Nous sommes à la veille d'une transformation globale. Tout ce dont nous avons besoin est la bonne crise ...

le 24/02/2013 à 9:05
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faut croire que oui! un vaste complot, sinon comment "expliquer" que nous nous appauvrissions de plus en plus, et que d'autres s'enrichissent de +en + sur notre dos?? les affairistes mettent à mal, alors qu'il y a de l'argent les pays, les peuples en...

le 25/02/2013 à 10:20
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Ce n'est pas un complot c'est une triste réalité dont la génèse a démarré y'a des dizaines d'années. Aujourd'hui tout s'accelère (UE et marché transatlantique qui arrive en 2015) et il faut absolument qu'un maximum de personnes en prenne conscience e...

à écrit le 23/02/2013 à 17:33
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Vive l'EU qui met à mal tous les peuples! Bravo !! une belle c..nerie !

à écrit le 23/02/2013 à 14:46
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Assez amusant car les banques sont nées en Italie en 1492... Et ce sont les Hollandais qui ont inventé la spéculation des tulipes.

le 24/02/2013 à 0:01
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c etait le royaume de venise, pas l italie ;)

à écrit le 23/02/2013 à 13:51
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En lisant le sous titre "les patrons de PME sont en colère contre la bureaucratie", j'ai cru qu'il s'agissait de la France ! Heureusement, il n'en est rien. Ou pas encore...

à écrit le 23/02/2013 à 13:24
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Petit rappel : le fameux Monti, encensé par l'UMPS française, a ajouté 600 milliards d'euros de dettes à l'Italie en moins de deux ans. Seul Sarko a fait pire et Hollande est en voie de battre largement ce triste record.

le 23/02/2013 à 17:38
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C'est faux pas 600 milliards ---

le 23/02/2013 à 19:14
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C'est parfaitement exact au contraire, ils ont été octroyés par le biais du FMI en novembre 2011 et tirés jusqu'en 2012 : http://archives.tdg.ch/actu/economie/fmi-preparerait-pret-600-milliards-euros-italie-2011-11-28

à écrit le 23/02/2013 à 12:17
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Ferrari, Porsche, Rolls-Royce, le monde va-t-il pouvoir à continuer de tourner en ne produisant que des biens d'exception pour les 10% les plus riches de la population mondiale?

le 23/02/2013 à 14:07
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Pas les 10 pour cent ,ce serait trop beau , mais plutôt les 1 voire 0,1

le 23/02/2013 à 16:58
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@Fab C'est plus grave que je ne pensais alors...A quand et comment la fin de l'histoire?

le 23/02/2013 à 16:58
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@Fab C'est plus grave que je ne pensais alors...A quand et comment la fin de l'histoire?

le 23/02/2013 à 17:39
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@JB38 : au lieu de vous focaliser sur comment appauvrir les plus riches, pourquoi ne pas réfléchir sur comment améliorer les revenus des moins riches ?

le 25/02/2013 à 11:25
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@Paulo, vous vous trompez de combat : ce n'est pas leurs revenus, mais leur qualité de vie qu'il faut augmenter ... Si tu augmentes leurs revenus et qu'ils se mettent à manger au Mc Do et consorts, autant ne rien faire.

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