Les émergents investissent de plus en plus dans les pays occidentaux

Par Romain Renier  |   |  562  mots
La Navigation Tower de Qatargas, symbole de la puissance nouvelle des entreprises des pays émergents - Copyright Reuters
Selon un rapport du cabinet d'études Price Waterhouse Cooper (PWC), le flux des investissements des pays émergents dans les économies développées tend à augmenter mais ce n'est pas réciproque. Explications.

 Les entreprises des pays émergents s'imposent de plus en plus comme des grands acteurs de l'économie mondiale. C'est la tendance qui ressort d'une étude réalisée par Price Waterhouse Cooper (PWC). Entre 2008 et 2012, l'étude qui repose sur l'analyse des fusions-acquisitions entre d'un côté les BRIC et les pays du Golfe et de l'autre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Australie, le Japon et le Canada, relève que 161 milliards de dollars ont été investis par les émergents dans ces économies matures, contre 151 milliards de dollars en sens inverse.

« On constate que les transactions issues d'investissements en provenance des émergents vers les pays matures augmentent à la fois en volume et en valeur », note Nicolas Granier, avocat associé spécialiste des fusions acquisitions avec les émergents chez Landwell et associés. « Il y a un penchant des entreprises chinoises à regarder de plus en plus à l'étranger. La Chine est ainsi devenue le premier investisseur en Allemagne », selon le spécialiste.

Une tendance qui reflète les effets de la mondialisation

Selon l'étude de PWC, cette tendance s'explique par les nouveaux objectifs des sociétés, publiques et privées, des émergents. Devenues des championnes régionales, ces entreprises vont désormais chercher des nouveaux leviers de croissance dans les économies matures, c'est-à-dire là où se trouvent le pouvoir d'achat et le savoir-faire encore parfois manquants dans les pays émergents.

Pour les entreprises émergentes qui souhaitent s'implanter sur un marché européen, par exemple, l'acquisition permet de mettre la main sur un réseau de distribution établi. Acquérir une part de capital dans une entreprise disposant d'un portefeuille de brevet important permet aussi d'avoir un ?il sur des technologies et savoir-faire qui nécessiteraient autrement plusieurs années de recherche et développement. En somme, en acquérant des sociétés dans les pays matures, les entreprises des pays émergents étudiés par PWC cherchent à accélérer leur développement à l'international et jouer d'égal à égal avec les entreprises occidentales.

« C'est le reflet de la modification du centre de gravité à laquelle nous assistons », commente Nicolas Granier. Les émergents comptaient déjà des acteurs puissants au niveau local. Ayant fini par atteindre la taille critique, ils se sont logiquement lancé à l'international. « Cette étude ne dit pas que ce sont les pays matures qui ont reculé, mais montre simplement une montée des émergents », précise le spécialiste. « Ce que ne montre pas cette étude, c'est la forte augmentation sur la même période des rapports émergents vers émergents », ajoute-t-il, précisant qu'ils sont particulièrement importants entre l'Inde et l'Afrique ou le Maroc et le Brésil par exemple.

Peu importe la couleur, « tous les acteurs deviennent globaux »

La France est la grande absente de cette étude de PWC. Selon Nicolas Granier, cela vient du fait que la tendance ne se matérialise pas encore de manière significative dans l'Hexagone. Même si « cela commence un peu avec la Chine et de manière plus visible avec le Qatar », tempère-t-il.

Pour l'avocat, cette étude montre que « tous les acteurs, émergents ou émergés, deviennent globaux », si bien que peu importe, selon lui la nationalité officielle des sociétés. « Une entreprise française dans laquelle une société qatarie a investi est-elle encore une société française ?», conclut-il sous la forme d'une question.