Surveillance électronique : "les opérateurs privés ont violé la loi... des recours sont possibles"

Le programme PRISM mis en place par les renseignements américains pour espionner les contenus privés des membres des réseaux sociaux a suscité une forte émotion dans le monde entier. Pour Frédéric Saffroy, avocat spécialisé dans les questions d'intelligence économique au cabinet Alérion, il y a manifestement une violation des libertés fondamentales, et les entreprises privées qui ont participé à ce programme pourraient rendre des comptes à la justice. En revanche, il estime que l'Etat américain devrait rester à l'abri des poursuites.
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En tant qu'avocat spécialiste des données personnelles, quelle vision portez-vous sur le scandale d'espionnage qui a éclaté aux Etats-Unis après les révélations d'un ancien membre des services de renseignements américain?

Les interceptions existent dans tous les pays du monde, y compris en France. Mais, elles sont habituellement mises en ?uvre dans des circonstances exceptionnelles, comme une opération anti-terroriste bien ciblée, ou un conflit. Ce qui peut apparaitre choquant dans cette affaire, c'est que des opérateurs et des FAI se prêtent à de telles pratiques, de manière systématique et continue. En France, cela n'est normalement possible que sous contrôle du juge, pour un objet et une finalité précises. Les Américains ont un rapport très particulier avec le droit, quasi religieux. Ils se préoccupent donc toujours de l'encadrement légal de ces opérations, quelle que soit leur validité (on se souvient des notes sur la licéité des « interrogatoires vigoureux »), d'où ce tribunal secret qui aurait exigé de Verizon d'obtempérer avec la NSA. Mais compte tenu de la tradition et de la jurisprudence américaines, notamment le Bill of Rights, je suis dubitatif sur le fait que la Cour suprême valide l'existence d'un tel tribunal.

Est-il envisageable pour un citoyen européen d'engager une procédure judiciaire?

Les interceptions opérées par un Etat existent depuis l'invention du courrier. C'est le fait du Prince. En revanche, des recours contre les entreprises privées qui laissent un libre accès permanent à des informations privées, sans véritable contrôle judiciaire et sans informer les utilisateurs est envisageable. Il y a indéniablement une violation sur la finalité du traitement des données personnelles des utilisateurs, ou en tout cas sur leur niveau d'information. Il y a sans doute également une violation du droit d'accès et de rectification des utilisateurs, puisque par exemple la modification ou la suppression de données sur un réseau social ne conduit pas pour autant à la même suppression dans les serveurs de la NSA qui stockent ces informations.

Il y a donc des moyens réels de poursuites...

La difficulté est toutefois l'applicabilité de la loi Informatique et Libertés. C'est un sujet récurrent et les entreprises américaines de l'Internet adoptent ici un argument similaire à celui sur les questions de fiscalité. Elles estiment qu'en l'absence de structures de traitement sur le territoire français, elles ne sont pas soumises à sa législation. D'après elles, le traitement étant localisé sur le sol américain, elles ne sont soumises qu'aux lois américaines. Plusieurs décisions judiciaires ont toutefois trouvé un moyen pour répondre à cet argument. Elles ont estimé que le traitement de données commence dès sa collecte, soit au niveau de l'ordinateur d'un utilisateur. Si celui-ci est situé en France, alors, la société devrait être soumise aux lois françaises.

Que peut faire l'Europe?

La Commission européenne est la courroie la plus efficace. Elle avait déjà arraché un accord avec les Américains sur la transmission de données de passagers aériens (les fameux PNR), ou encore sur SWIFT, le système de règlements interbancaire. C'est vrai que cela s'annonce long et compliqué. Les Américains sont hostiles à tout ce qui entrave la collecte et l'utilisation des données personnelles. Ce sera d'autant plus difficile pour la Commission, que les entreprises américaines de l'Internet ont engagé un important lobbying contre son projet de réforme de la directive de 1995 qui harmonise les règles en matière de protection des données personnelles au niveau européen. Bruxelles souhaite en effet renforcer leur protection, élément clé d'une liberté fondamentale.

 

Commentaires 18
à écrit le 13/06/2013 à 16:15
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Pour pouvoir débuter une procédure, il faut prouver que nos données on bien été "captées" j'imagine. Comment obtenir cette preuve? Auprès de Google, etc...? La France fait la même chose elle ne dépense pas 15 milliards pour.

à écrit le 13/06/2013 à 14:37
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Cette affaire est d'une gravité exceptionnelle. Et par l'absence de débats qu'elle suscite ici aussi bien chez nos politiques que dans le médias, l'on voit bien à cet instant qu'en France, il n'y a plus que des marionnettes, sans courage, totalement ...

le 13/06/2013 à 21:23
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Ce délire paranoîaque n'a pas lieu d'être. Techniquement prism n'est absolument pas invasif car l'Internet est transparent. Autrement Hadopi n'aurait jamais existé. Mais rien n'empêche les internautes de se cacher et certains réseaux cryptés le perme...

à écrit le 13/06/2013 à 13:44
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Conclusion: mettez en le moins possible sur la toile, ne racontez pas n'importe quoi lors de vos communications téléphoniques, et pour la confidentialité, préférez des entreiens en plein air, dans des endroits vaste où les micros ne pourront pas capt...

le 13/06/2013 à 16:49
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@carpatrick: tu as parfaitement raison, mais tu auras aussi remarqué qu'on te demande ton numéro de téléphone pour soit-disant sécuriser tes emails, qu'on te demande de te connecter à Facebook, Twitter, etc., pour accéder à un service. Ils sont en tr...

à écrit le 13/06/2013 à 12:43
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Ce monsieur oublie JUSTE de se poser la bonne question, soit : Pourquoi un état a-t'il BESOIN d'espionner le peuple qu'il est SENCE "servir"...??? Comme d'hab', la faute retombe sur les fusibles, soit, les entreprises qui agissent sur ORDRE de l'état...

à écrit le 13/06/2013 à 12:37
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Les algotihmes de recherche sont capables de faire instantanément le "lien" entre des pages publiées sur l'Internet est les mots clés de l'utilisateur. Les mêmes technologies sont capables d'évaluer les liens entre tous les utilisateurs et objets d'...

à écrit le 13/06/2013 à 11:41
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La question de l'utilisation des données se pose depuis que les données et les moyens de les traiter existent. En France et en Europe, une protection (suffisante ou pas, c'est à discuter) existe, mais aux états unis, les lois récentes sur le terroris...

à écrit le 13/06/2013 à 11:40
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Et quel est le recours contre la LOPSI 2?

à écrit le 13/06/2013 à 11:07
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Pas exactement le même sujet mais extrêmement proche et tout aussi important. Il n'y a pas de fatalité technique à la goinfrerie actuelle d'informations personnelles sur les "profils utilisateurs", ni utilisation de vrais noms plus ou moins imposée, ...

à écrit le 13/06/2013 à 9:46
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Externaliser des fonctions régaliennes auprès de sociétés privées, ce qu'a fait allègrement l'administration Bush pour enrichir toute une clique affairiste, ne peut que se terminer en catastrophe. Et pour cause : la maximisation du profit remplace l'...

le 13/06/2013 à 10:10
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Externaliser des fonctions régaliennes auprès de sociétés privées,vous ne croyez pas si bien dire,le système carcéral est un bon exemple de privatisation,résultat la population carcérale au états unis représente 25% de la population carcérale mondial...

le 13/06/2013 à 11:00
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S'il y a quelqu'un qui est compétent pour parler du fric, c'est Georges Soros. Lisez ses livres : il est sans pitié avec le système. Et ne le mettez pas toujours dans ce poncif de l'homme qui a fait chuter la livre : c'est très journaliste français, ...

le 13/06/2013 à 11:19
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Et que pensez vous de la surpopulation des prisons française et des conditions moyenâgeuses qui y règnent, ainsi que des nombreuses condamnations de l'Europe et d?Amnistie Internationale. Et pourtant c'est l'état qui s'en occupent. Par ailleurs s'occ...

le 13/06/2013 à 12:28
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Lila, qui engueulez-vous ? Kirk ou moi ?

le 13/06/2013 à 22:33
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Pas de problème, les prisons sont pleines de gens peu recommandables et 75 % ne sont pas d'origine communautaire, et c'est encore trop beau pour eux

à écrit le 13/06/2013 à 9:04
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Existe-t-il un conrôle efficace (et auditable) par Google pour eviter que cette société vende des informations personnelles à des organisation maffieuses et autre individue mal intentionnés ?

le 13/06/2013 à 11:24
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NON ! c'est la foire d'empoigne dans le domaine de l'information !

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