Japon : fort de sa victoire électorale, le faucon Shinzo Abe va pouvoir montrer son vrai visage

Grâce à son succès aux sénatoriales, Shinzo Abe est conforté à la tête du Japon pour les trois prochaines années. Délivré de la pression électorale, il devrait laisser libre court à sa politique très agressive, tant en matière économique que diplomatique.
Le Premier ministre Shinzo Abe a remporté une confortable victoire aux élections sénatoriales

C'est un faucon que les Japonais ont conforté ce dimanche à la tête de leur pays à l'occasion des élections sénatoriales. Fort de la victoire du Parti libéral démocrate (PLD) qu'il préside, allié au Nouveau Komeito (centre), qui lui permet d'obtenir la majorité absolue à la chambre haute avec au total un minimum de 130 sièges, soit 8 sièges de plus que la majorité absolue, le Premier ministre Shinzo Abe se retrouve libéré du risque électoral pour trois ans. Il aura pleine latitude pour aller au bout de ses idées, dont on a eu un aperçu au cours des premiers mois de son mandat entamé en décembre.

Pour rappel, le virulent Premier ministre conservateur avait fait une arrivée fracassante à la tête du pays en décembre dernier avec ses Abenomics, un programme de relance massif à base de dépense publique colossale mais aussi en mettant à genoux la banque centrale de son pays (BoJ) en nommant à sa tête un fidèle chargé de mettre fin à 15 ans de déflation via une politique monétaire ultra accommodante inédite au Japon. Son slogan, "Japan is back", devrait désormais prendre tout son sens, au risque d'en effrayer certains.

Après la relance, les Japonais vont subir des réformes douloureuses

Sur le plan économique, Shinzo Abe n'a pour l'heure mis en place que la partie la plus populaire de son programme, à savoir la relance. Il n'a de cesse, par ailleurs, de clamer que la reprise entraperçue ces derniers mois en est le fruit alors que les économistes sont plus prudents à ce sujet. Elle a au moins eu le mérite d'alimenter un excédent courant qui ne fait que se réduire depuis plusieurs années grâce au retour sur les investissements réalisés à l'étranger. En revanche, s'agissant des exportations et de la demande intérieure, qu'il compte relancer, les effets se font encore attendre.

Mais il ne compte pas s'arrêter là. Car la troisième flèche de son programme de croissance, dont une version édulcorée avait été présentée au mois de juin, contient des réformes impopulaires qu'il s'est bien gardé d'évoquer à voix haute en cette période préélectorale. En premier lieu, Shinzo Abe devrait notamment casser un droit du travail jugé trop protecteur par les entrepreneurs du pays pour plus de flexibilité.

Un changement complet de paradigme qui risque d'être douloureux pour les Japonais pour qui le lien à l'entreprise relève presque du sacré. L'homme au programme dit des "Trois flèches" ambitionne par ailleurs de libéraliser des pans entiers d'une économie jugée impénétrable par les investisseurs étrangers qu'il cherche coûte que coûte à attirer en terre nippone. Problème, l'abaissement des barrières qui protégeaient jusque là les entrepreneurs du pays risquent de ne pas être à leur goût.

Malgré les craintes des Japonais, le nucléaire redémarrera tôt ou tard

Autre sujet qui risque de coûter en popularité à Shinzo Abe : la stratégie en matière d'énergie. Clairement pro-nucléaire, il avait reporté la remise en route des 48 réacteurs encore à l'arrêt, sur les 50 que compte le pays, depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011. Il faut dire que malgré son impopularité, cette remise en route est vitale pour l'économie de l'archipel. Malgré ce qu'en dit l'épouse même du Premier ministre, qui s'était publiquement opposée à son mari sur le sujet.

Car pour faire face à des besoins en énergie qui n'ont pas changé, les électriciens du pays ont du redémarrer les centrales au fuel, au gaz et au charbon. Des énergies fossiles qu'ils sont obligés d'importer, renchérissant une facture énergétique devenue telle que le Japon, habitué aux excédents commerciaux depuis des décennies se retrouve depuis deux ans en déficit commercial chronique. Ce qui n'est pas sans danger pour les finances publiques du pays.

En effet, l'immense dette japonaise  (250% du PIB), un record mondial, est financée par des investisseurs japonais grâce aux excédents courants nourris traditionnellement par les exportations. Or, le retournement de la balance commerciale ces deux dernières années est venu accélérer un mouvement de fonte de l'excédent courant déjà régulier depuis quelques années. En fait, pour l'heure, l'excédent courant ne résiste que grâce à l'afflux de liquidités en provenance de la BoJ sur les marchés qui ont permis aux investisseurs japonais de réaliser des plus values importantes à l'étranger, amplifiées par la baisse continue du yen par rapport au dollar et à l'euro. Mais l'addition risque d'être fort salée le jour où le Japon ne sera plus épargnant net.

La volonté d'influence en Asie du Sud-est risque de réveiller les instincts belliqueux de Shinzo Abe

Conscient que sa politique de baisse du yen pour favoriser les exportations a des limites, Shinzo Abe a une autre flèche à son arc, qu'il pointe vers les pays d'Asie du Sud-est. En très forte croissance, la région compte des opportunités d'investissements pour les entreprises japonaises fort utiles pour nourrir tant que faire ce peut l'excédent courant du pays. Le problème, c'est que Tokyo n'est pas seule à convoiter ce gisement de croissance. Pékin et Washington sont aussi sur les rangs.

Or, en tensions constantes avec la Chine, le Japon est doté d'une constitution pacifique qui lui avait été imposée par les Etats-Unis en 1947 en échange d'une tutelle militaire. Constitution pacifique sur laquelle Shinzo Abe, il ne s'en cache pas, aimerait pouvoir revenir. Son but étant de gagner en autonomie pour mieux faire valoir ses intérêts dans la région. Car de ce point de vue là, Washington n'est plus d'une grande aide pour Tokyo.

De fait, c'est désormais la Chine qui finance la dette publique américaine avec son excédent courant réalisé grâce aux exportations. Et les exportations japonaises vers son allié militaire et commercial ne cessent de s'affaiblir. Les Etats-Unis, commercialement liés à la Chine depuis Nixon, ont donc tout intérêt à ménager leurs rapports avec la deuxième économie mondiale tant que celle ci ne menace pas leurs propres intérêts.

Cette volonté de peser dans la région, et les tensions historiques avec le voisin chinois, matérialisées par les conflits territoriaux en mer de Chine, devraient révéler la part la plus agressive du chef du gouvernement japonais. Voire un caractère ouvertement belliqueux. Connu pour son nationalisme, c'est le visage d'un guerrier, au sens économique et militaire, que Shinzo Abe devrait montrer au monde maintenant qu'il a été conforté à la tête du pays pour les trois prochaines années.

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Commentaires 13
à écrit le 09/08/2013 à 0:33
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Le Japon qui autorise de nouveau son drapeau imperial au passe douloureux (que dirait on si l'Allemagne ressortait son drapeau nazi) et souhaite revoir sa constitution pacifiste d'apres guerre.. Le vrai visage n'est pas tres joli joli...

à écrit le 22/07/2013 à 17:53
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Bref pour faire court , les Japoniais ont des sushis à se faire entre l'explosion de la dette (sûr) ou celle (pas sûr) d'une nouvelle centrale atomique ! Enfin du moment où l'on considère que la vie est courte et belle comme un cerisier irradié ...

à écrit le 22/07/2013 à 11:22
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Avec un taux de participation a 27%, je ne sais pas si l'on peut parler de majorite democratique. Les japonais se moquent de la politique car ils savent que le pouvoir est dans les entreprises. Tout est fait pour qu'elles developpent, qu'elles embauc...

à écrit le 22/07/2013 à 9:40
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Mr le journaliste, êtes vous sûr qu'Abe est un fau(x)con? C'est plutôt une colombe d'un point de vue monétaire. Le Japon a un immense problème de dette et quelle solution est apportée??? PLUS DE DETTES!!! Hahaha :-) c'est brillant

le 22/07/2013 à 10:19
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Ils s'en moquent car tout le monde impriment des billets à tour de bras sachant que le premier qui aura des soucis aura perdu ..... Mais dans le cas du japon ; ils jouent gagnant.. et c'est moins sûr pour le chinois .. Les européens ce n'est même pl...

à écrit le 22/07/2013 à 9:12
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information très intéressantes , enfin du vrai sur le plan énergétique , ah les énergies fossiles qui se substituent au nucléaire , la compétitivité qui s'en trouve affecté , l'économie japonaise est bien mal en point , en plus des tensions territori...

à écrit le 22/07/2013 à 5:07
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Je l'aime bien ce monsieur.

à écrit le 21/07/2013 à 20:52
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Ca sera intéressant de voir se qui se passe au Japon, ils on une longueur d'avance sur nous au niveau endettement et contamination nucléaire. Vu que l'on sera probablement confronté aux même type de problèmes ça permettra de se faire une idée sur se ...

le 22/07/2013 à 10:23
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De toute façon ne croyez pas que les japonais choisissent quoi que ce soit (comme par chez nous d'ailleurs) Et concernant la compétitivité ; elle est juste en ce moment sur l'impression de billets de banques..Quant à ce mot : compétitivité ..dites p...

à écrit le 21/07/2013 à 15:59
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Merci de corriger le titre

le 21/07/2013 à 16:09
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Je peux pas tout faire !!!

le 21/07/2013 à 20:22
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@Serge .... de Kendal (le vrai) ... quel est le problème avec le titre ?

le 22/07/2013 à 10:26
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Élections sénatoriales ... et non électorale..Ce ne sont pas vraziment les mêmes qui décident.....Ben au final ce titre est nul ou manipulateur!

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