La petite blague qui a fâché l'Algérie contre la France

Par latribune.fr  |   |  786  mots
Le 13 décembre, François Hollande avait déclaré sur le ton de la plaisanterie que Manuel Valls, était rentré d'Algérie "sain et sauf". "C'est déjà beaucoup".
Une boutade du président de la République lundi soir devant le Crif sur Manuel Valls, "rentré sain et sauf d'Algérie", a provoqué un incident diplomatique entre les deux pays. Devant l'ampleur de la polémique, François Hollande a du exprimer dans la soirée de dimanche ses "regrets" par voie de communiqué. Ce lundi matin, l'Algérie dit en avoir pris connaissance "avec satisfaction".
On ne badine pas avec le sujet de la sécurité en Algérie, ni avec la susceptibilité d'un pays qui a depuis de longues années de relations compliquées avec la France. François Hollande vient de se le faire rappeler à ses dépens, ayant allumé une polémique avec l'Algérie à cause d'une petite blague dont le président français a le secret.
 
Nous sommes lundi 13 décembre au soir. Lors du 70e anniversaire du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), François Hollande sur le ton de la plaisanterie déclare que Manuel Valls, est rentré d'Algérie "sain et sauf". "C'est déjà beaucoup", ajoute-t-il. Le ministre de l'Intérieur venait d'accompagner le même jour le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à Alger pour le premier séminaire intergouvernemental franco-algérien.

La presse algérienne s'enflamme

Cinq jours plus tard, à l'occasion d'une conférence de presse, le ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a fait savoir qu'il appréciait peu l'humour du président. "Un incident regrettable", selon ses termes. "Il est clair qu'il s'agit d'une moins-value par rapport à l'esprit qui enveloppe nos relations et à la réalité de ce que les délégations françaises, et même autres, peuvent constater de la situation sécuritaire en Algérie", a-t-il déclaré à Alger aux côtés de son homologue chinois, Wang Yi.
 
La déclaration intervient après que plusieurs sites Internet de journaux algériens aient relayé la polémique. La presse algérienne a vivement critiqué la déclaration de M. Hollande. Samedi encore, elle faisait la Une des journaux arabophones El-Khabar, Echorouk et Ennahar. "Hollande se moque de l'Algérie devant les juifs", pouvait-on lire en première page. Et tant sur les sites d'information en ligne que sur les réseaux sociaux, nombre de lecteurs algériens se sont déchaînés contre le président français, pourtant jusqu'à présent très populaire dans le pays.
Samedi, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH, gouvernementale), Farouk Ksentini, a appelé M. Hollande à présenter des excuses pour ses propos "provocateurs à l'encontre de l'Algérie". Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste), Abderezzak Mokri, a appelé les autorités algériennes à réagir à ces propos qui constituent, a-t-il dit, "une atteinte flagrante à l'Algérie".
 
L'affaire serait risible si elle n'entachait pas une visite plutôt réussie. "Nous avions terminé l'année 2012 sur le succès éclatant de la visite d'Etat de François Hollande en Algérie. L'année 2013 n'est pas encore terminée, nous ne souhaitons pas la terminer sur une mauvaise note, et nous souhaitons donc que nous puissions trouver dans les jours qui nous séparent de la fin de l'année un moyen de tourner la page de cet incident regrettable", a conclu le ministre algérien des affaires étrangères.

"Une polémique sans fondement" selon l'Elysée

Dimanche dans la soirée, François Hollande a exprimé "ses sincères regrets pour l'interprétation qui est faite de ses propos" sur l'Algérie et "en fera directement part" au président algérien Abdelaziz Bouteflika. Selon un communiqué de l'Elysée publié le soir du 22 décembre, "les quelques mots prononcés lundi par le président de la République dans le cadre du 70ème anniversaire du CRIF, concernant un déplacement de Manuel Valls en Algérie, font l'objet d'une polémique sans fondement. Chacun connaît les sentiments d'amitié que François Hollande porte à l'Algérie et le grand respect qu'il a pour son peuple, comme l'ont prouvé la visite d'État qu'il a effectuée en décembre dernier et les discours qu'il a prononcés", poursuit la présidence de la République.
 
Cette réaction, survenue une dizaine de jours après la prononciation des propos malheureux a porté ses fruits: l'Algérie, par le biais de son ministre des Affaires étrangères, a dit avoir pris connaissance de ce communiqué "avec satisfaction". Ouf. L'évocation des perspectives de partenariat d'exception entre l'Algérie et la France par les Présidents des deux pays demeurent possible. Celles-ci doivent justement faire l'objet "d'échanges à l'occasion de la communication téléphonique que le président de la République Abdelaziz Bouteflika, recevra de son homologue français le président François Hollande", a indiqué à l'agence officielle APS le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani. Bientôt oubliée donc, cette "atteinte flagrante à l'Algérie", comme l'avaient qualifié des personnalités connues dans ce pays.