Les Abenomics enlisés, l'horizon s'assombrit pour le Japon

Faute de relance du nucléaire civil, d'une hausse des salaires conséquente et de réformes visant à attirer les investisseurs, les Abenomics semblent n'avoir que des conséquences négatives sur le Japon.
Les exportations ont déçu les analystes en ne progressant que de 9% en février. A ce rythme la progression des exportations ne suffira pas à compenser la hausse prochaine de la taxe sur la consommation de 5 à 8% qui doit entrer en vigueur le mois prochain. (Photo : Reuters)

Les mois passent et la situation inquiète de plus en plus au Japon, qui a enregistré en février son vingtième déficit commercial consécutif. La balance commerciale du pays a en effet affiché un solde négatif de 800 milliards de yens (5,6 milliards d'euros), le mois dernier. C'est un petit peu plus qu'à la même période en 2013, année d'un record historique. Celui-ci est amplifié par la baisse du yen qui certes relance les exportations mais renchérit aussi le coût des importations.

Les exportations à la peine

Le coût de ces dernières a en effet progressé de 9% à 6.600 milliards de yens (46 milliards d'euros) sous l'effet d'une hausse des importations de gaz naturel liquéfié, des produits électroniques en provenance de Chine et des automobiles en provenance d'Allemagne, notamment.

En revanche, les exportations ont progressé tant en volume qu'en valeur. Même si la progression est plus nette en valeur (+9,8%) qu'en volume (+5,4%). Celles-ci ont profité d'une bonne tenue des ventes d'automobiles, de matières plastiques et de produits raffinés à l'étranger. Ce qui ne leur a toutefois pas permis d'atteindre les 12,4% attendus par les économistes interrogés par Reuters.

Le problème, c'est qu'à ce rythme la progression des exportations ne suffira pas à compenser la hausse prochaine de la taxe sur la consommation de 5 à 8% qui doit entrer en vigueur le mois prochain, expliquent certains analystes. Hausse qui devrait de fait peser sur la consommation et réduire la contribution de la demande intérieure à la croissance de l'archipel.

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Un enjeu crucial pour l'archipel

En clair, les analystes s'inquiètent autant de la faiblesse relative des exportations que d'une chute prochaine de la demande intérieure, faisant craindre de mauvaises perspectives pour la croissance. Dans l'ensemble, le bilan des Abenomics, ce plan de relance en trois phases (monétaire, par la dépense publique et réformes structurelles) mis en place par le Premier ministre Shinzo Abe il y a un an, paraît inquiétant.

D'autant plus que les déficits commerciaux records endurés par l'économie du pays pèsent de plus en plus sur la balance de ses paiements courants, qui totalise l'ensemble des flux positifs et négatifs avec l'étranger.

Les forts excédents courants engrangés par le Japon lorsqu'il était encore une puissance exportatrice lui permettaient en effet de faire financer sa colossale dette publique par ses résidents. La fonte de l'excédent courant fait craindre une exposition létale aux marchés à moyen terme. Un mouvement qui s'accélère depuis que le Japon est obligé d'importer des hydrocarbures renchéries par un yen faible suite à la catastrophe de Fukushima et l'arrêt des centrales nucléaires.

Tout va bien, dis la BoJ... en attendant la suite

La banque centrale japonaise (BoJ), responsable de la chute du yen, se veut toutefois rassurante. Lors d'un discours à Tokyo, son gouverneur, Haruhiko Kuroda, s'est dit confiant, expliquant que l'économie japonaise devrait continuer de croître à un niveau supérieur à son potentiel même après la hausse de la taxe sur la consommation. Il a par ailleurs estimé que la reprise de l'économie du pays, empêtrée dans quinze ans de déflation, était sur les bons rails, en dépit de la faiblesse des exportations. Et que les services viendraient à la rescousse de la croissance.

Le Japon peut par ailleurs se rassurer en constatant l'explosion de son excédent commercial avec l'Asie de 72% et le maintien d'un solde positif avec les États-Unis, gourmands en engins de construction. Certains analystes pensent même que le déficit commercial aurait atteint son pic. Mais une croissance plus faible que prévu aux États-Unis et les inquiétudes qui pèsent sur la Chine et l'Asie du Sud-Est viennent noircir le tableau.

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Par ailleurs, de nombreuses questions internes restent ouvertes. Comme, par exemple, celle de savoir ce qu'il en est des réformes promises par Shinzo Abe pour relancer la compétitivité des entreprises, censée permettre au déficit commercial de se résorber, et attirer les investisseurs. Le Premier ministre japonais avait aussi promis une hausse conséquente des salaires pour relancer la consommation. Certes, quelques grands groupes comme Toyota et Panasonic ont promis des augmentations à leurs employés japonais, mais pas de quoi compenser la hausse de la taxe sur la consommation. Enfin, la réouverture des centrales nucléaires voulue par Shinzo Abe ne semble pas encore se profiler. En somme, pour le moment, le Japon tient le coup. Pour la suite, le doute reste entier.

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Commentaires 3
à écrit le 19/03/2014 à 16:44
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Quelle surprise, et pourtant c'est ce que souhaitent beaucoup de nos économistes irresponsables, par exemple ceux qui préconisent, à longueur de tribunes, la sortie de l'Euro et la dévaluation compétitive pour résoudre tous nos problèmes. Et revenir ...

le 19/03/2014 à 20:25
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Il y a un juste milieu et le Japon est très particulier.... L'euro allemand n'est pas une solution.

le 20/03/2014 à 6:24
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Que c'est cocasse : rester dans l'euro, c'est crever à petits feux, sortir de l'euro c'est faire tourner la planche à billets pour finir dans la banqueroute. Vous n'avez pas comme l'impression qu'il y a un léger souci dans votre postulat de base ?

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