"Les capitaux étrangers ne devraient pas retrouver le chemin de la Russie de sitôt"

Par Propos recueillis par Ania Nussbaum  |   |  417  mots
Adam Slater, analyste chez Oxford Economics, estime que la Russie pourrait entrer en récession. (Photo : Adam Slater)
Environ 70 milliards de dollars sont sortis de la Russie au cours des trois premiers mois de l'année. Cette fuite des capitaux est attribuée aux mauvais fondamentaux du pays ainsi qu'à la menace de sanctions exercée par les Occidentaux.

Les investisseurs étrangers fuient la Russie. Le ministre de l'économie Andrei Klepach l'a annoncé lundi: entre 65 et 70 milliards de dollars sont sortis de Russie au cours des deux premiers mois de l'année 2014. Plus que le montant total sorti du pays l'année dernière, soit 63 milliards de dollars. Pour l'économiste Adam Slater, ce mouvement est dû à la crise ukrainienne. Il pourrait bien plonger la Russie dans la récession.

Quels sont les secteurs les plus touchés par la fuite des capitaux hors de Russie ?

Adam Slater. Nous n'avons pas de chiffres détaillés, mais on peut aisément deviner qui sont les plus touchés. L'industrie de la finance, qui repose historiquement sur des fonds étrangers, est la plus affectée. Les banques russes ont donc beaucoup à perdre et auront de plus en plus de difficultés à réaliser leurs opérations dans le futur.

De manière générale, tous les secteurs qui ont attiré les investissements étrangers sont concernés, comme l'industrie manufacturière, dont presque la moitié des capitaux proviennent de l'étranger. Le secteur des services est également visé, notamment les services financiers et aux entreprises.

La fuite des capitaux s'est accélérée brutalement depuis le début de l'année. Les investisseurs pourraient-ils faire leur retour tout aussi rapidement ?

En principe, oui. Mais en pratique, les capitaux ne devraient pas regagner la Russie de sitôt - voire pas du tout. Cette retraite est clairement liée à la crise qui secoue l'Ukraine et qui fait apparaître la Russie comme un pays de moins en moins accueillant aux yeux des investisseurs. Les tensions internationales et les menaces de sanctions s'ajoutent à un contexte économique déjà morose, avec un investissement privé au ralenti et une croissance molle.

Quelles conséquences pour la Russie à moyen terme ?

L'économie russe a déjà souffert. La banque centrale russe est intervenue sur le marché des devises pour préserver la valeur du rouble. Ses réserves de devises déclinent. Début mars, elle a augmenté son taux intérêt directeur de 1,5%, ce qui mine la demande intérieure.

Si la fuite se poursuit, la Russie pourrait être forcée d'instaurer un contrôle sur les capitaux, ce qui la rendrait encore moins attractive pour les investisseurs. En clair, la Russie a tout à perdre en cas d'escalade dans le conflit et a intérêt à tout faire pour apaiser les tensions. Au risque d'entrer en récession.