
1 225 postes épargnés
Né il y a 69 ans dans les montagnes de Kabylie, Issad Redrab semble avoir appliqué à la lettre la devise qui lui a été attribuée "voir grand, commencer petit et aller vite".
Du cours Pigier au conglomérat
Il entame des études de comptabilité d'abord au cours Pigier de Thionville (Moselle) où son père était marchand ambulant, puis les poursuit un lycée jésuite à Metz. Il y est d'ailleurs le seul avec un protestant "à ne pas aller à la messe". Puis il démarre sa vie d'entrepreneur à la fin des années 1960, dans une Algérie qui se relève de la colonisation et tente une collectivisation de type soviétique, en créant un cabinet d'expertise comptable. Il constitue le noyau de son "empire" à partir d'une TPE (Très petite entreprise) de construction métallique lancée en 1971 avec quatre salariés.
Aujourd'hui Cevital est le premier groupe privé du pays qui se classe par le chiffre d'affaires juste derrière le géant pétrolier public Sonatrach, leader en Afrique. Son conglomérat, présent dans les secteurs aussi diversifiés que l'électronique, l'agro-alimentaire, la sidérurgie, le verre, l'électroménager, le BTP ou la distribution, a réalisé en 2012 un chiffre d'affaires de 3,5 milliards de dollars, contre seulement 50 millions 10 ans auparavant.
Son dirigeant travaillerait jusqu'à 14 heures par jour dans ses bureaux de la banlieue d'Alger. Père de famille, ses cinq enfants (quatre garçons et une fille) ont tous rejoint le groupe.
"L'humain est et sera toujours un capital précieux"
Début 2013, il inaugure l'université Cevital, avec un partenaire canadien, pour "répondre aux besoins en formation de cadres à haut potentiel".
"Au-delà des ressources financières qui s'empruntent, de la technologie qui s'achète, l'humain est et sera toujours le capital précieux et primordial qui se projette dans la durée", plaide Issad Rebrab.
Résilience
"Mes seuls échecs sont dus au terrorisme" affirme celui qui est décrit comme courtois mais ferme. Il a perdu sa plus grande usine en 1994, détruite par les groupes armés en représailles à la ligne éditoriale anti-intégriste de son journal: le quotidien francophone Liberté. L'usine réalisait alors un bénéfice annuel de 30 millions de dollars.
L'épreuve a failli être fatale mais Issad Rebrab a rebondi trois ans plus tard, dans l'agroalimentaire en créant Cevital. Le contexte était favorable dans un pays avec peu de concurrence : les entreprises publiques étaient à l'agonie et les investisseurs étrangers boudaient l'Algérie en raison de l'insécurité.
Le premier Algérien à entrer au classement Forbes des milliardaires
Le quotidien algérien El Watan saluait en février dernier dans un article son "courage d'aller à la recherche d'opportunités d'affaires à l'étranger". Il serait parmi "les rares hommes d'affaires algériens à œuvrer pour l'élargissement de ses activités au delà de l'Algérie [...] et a compris que le transfert de technologies et de savoir-faire peut aussi se faire via des acquisitions d'entreprises". Pour preuve de ces activités trans-méditerranée : le sauvetage en 2013 du fabriquant français en faillite des portes et fenêtres en PVC, Oxxo.
Toujours selon le journal algérois, sa "réputation à l'étranger ne fait que s'agrandir". En témoigne "l'intérêt affiché par les Français à son égard". Issad Rebrab a en effet été reçu le 17 février dernier par François Hollande. Il faisait partie des 34 investisseurs internationaux conviés à l'Elysée, parmi les patrons de Volvo, Nestlé ou encore Bosch. Le quotidien algérien Liberté notant avec fierté qu'il était, à cette occasion, le seul homme d'affaires africain parmi les invités.
D'aucuns voient également le pinacle de sa réussite à travers son entrée au classement du magazine Forbes des milliardaires. Une "consécration" pour l'industriel obtenue en novembre 2013 qui le classe 8e au rang des plus importantes fortunes africaines, avec 3,2 milliards de dollars. Le magazine américain décrit par ailleurs ce succès comme "inhabituel dans un pays aux politiques difficiles pour les entrepreneurs". Issad Rebrab avait commenté à ce sujet dans les médias français qu'en Algérie "les grands patrons étaient acceptés, mais pas encouragés".
En désaccord avec l'actuel - et futur ? - président Abdelaziz Bouteflika
Une question d'autant plus épineuse à la veille des élections présidentielles en Algérie, où le président Abdelaziz Bouteflika se présente pour un 4e mandat. Un scrutin couru d'avance selon la plupart des observateurs. Ce qui ne va pas dans le sens d'Issad Rebrab.
En 2004, il a claqué la porte du Forum des Chefs d'entreprises (FCE), la principale organisation patronale du pays, qui avait apporté son soutien à un deuxième mandat du président âgé aujourd'hui de 77 ans. En juin 2013, il a accusé Bouteflika, sur les ondes d'une radio algérienne, d'entraver ses projets industriels.
Une allégation corroborée par le blocage de son projet d'une ville industrielle à Cap Djinet, sur le littoral est d'Alger. Il n'a pas eu le feu vert des autorités pour initier cet investissement de 20 milliards de dollars dans la pétrochimie, la construction automobile, la sidérurgie et l'aluminium. "Le gouvernement a regardé cela comme un rêve d'illuminé mégalomane" écrit son biographe Taïeb Hafsi.
Sujets les + commentés