Stiglitz contre Kessler sur le welfare state : le dialogue impossible

Le PDG de Scor, théoricien du libéralisme, peut-il trouver le moindre terrain d'entente avec le très keynésien prix Nobel d'économie?
Ivan Best
Denis Kessler, PDG de Scor, et Joseph Stiglitz prix Nobel d'économie

 Avant d'être patron d'entreprise (il est PDG du réassureur Scor), Denis Kessler est un théoricien, farouche défenseur du libéralisme économique. Prix Nobel d'économie, l'américain Joseph Stiglitz doute au contraire, de plus en plus, des bienfaits du marché. Leur rencontre, voulue par Toulouse School of Economics, qui organise cette semaine, son deuxième « Tiger Forum » a donné lieu à un échange poli mais acharné sur le thème de l'avenir du « welfare state ».

Entre le thuriféraire du marché et le défenseur de l'intervention publique, les positions sont irréconciliables.

33% du PIB, c'est trop!

« Nous n'avons plus les moyens de nous payer un tel système de protection sociale, cela nous désavantage par rapport au reste du monde » assène Denis Kessler. « 33% du PIB, c'est beaucoup trop ! ». Un tel poids « génère de la dette publique supplémentaire et nous désavantage, nous européens, par rapport au reste du monde. Il faudrait trouver une couverture optimale ».

Ce à quoi Joe Stiglitz, qui souligne la fonction stabilisante ; en cas de crise, de la protection sociale -on l'a vu en 2009- rétorque que ce chiffrage de 33% du PIB n'a pas grande signification. Car aux Etats-Unis, par exemple, l'Etat a délégué au privé de nombreuses fonctions d'assurance (santé, retraites), et, si ce n'est pas compris dans les dépenses publiques, cela coûte tout aussi cher. «Il n'y a pas de différence de coût » estime Stiglitz.  En outre, aux Etats-Unis, pour une dépenses au moins équivalente « on obtient en retour moins de sécurité (sociale), moins de santé », estime le prix Nobel.

Un filet de sécurité qui permet de prendre des risques

Il affirme que le filet de sécurité apporté par la sécu (ou son équivalent dans les autres pays européens) permet aux individus de prendre des risques, alors que pour Denis Kessler, au contraire, il empêche l'initiative, et freine la croissance.

Outre le poids de l'Etat social, Denis Kessler, dénonce le «fouillis dans nom» dans son organisation. Il voudrait clarifier les choses entre, d'un côté, la fonction d'assurance, et de l'autre, celle de redistribution. Aujourd'hui, dénonce-t-il, les deux sont constamment entremêlés : on couvre des risques, relevant du domaine de l'assurance (santé, retraite), en redistribuant au passage le revenu entre individus.

« Faux problème » lui répond Stiglitz. « Aucun assureur ne fait de discrimination entre hommes et femmes, or on sait bien que ces deux catégories ne présentent pas le même risque, il y a donc bien redistribution entre les deux. Et cela est partout accepté ». Autrement dit, il y a toujours redistribution.

« La solution, c'est l'assurance publique » conclut Stiglitz, car les assureurs privés ne sont qu'à la recherche d'un profit accru, au détriment du bien être public.

Ivan Best
Commentaires 8
à écrit le 04/06/2014 à 23:20
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Le poids de la SS dans le PIB n’a en réalité pas grande signification car la SS est essentiellement constituée de transferts. Il se trouve que pour la retraite, la France se caractérise par une prééminence du régime public obligatoire par répartition...

le 06/06/2014 à 21:06
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Le PIB lui-même n'a aucun sens. C'est l'addition de carottes et de navets. Aujourd'hui, dans les pays anglo-saxons, on voit même la prostitution et le trafic de drogue être intégrés dans le calcul du PIB.

à écrit le 04/06/2014 à 22:47
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Un assureur privé contre la sécurité sociale (donc une assurance publique) ? Comme c'est étrange . Non mais il faut arrêter de déconner ! C'est sûr que de voir lui échapper les dizaines, les centaines de milliards de chiffre d'affaire potentiels du s...

à écrit le 04/06/2014 à 17:56
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Contrairement à Stiglitz, Kessler a les mains dedans, et il doit faire tourner une boite. A ce sujet, il a parfaitement opéré le retournement de SCOR, ce dont les actionnaires le remercient. Il est donc 100 fois plus crédible qu'un théoricien foire...

le 04/06/2014 à 18:47
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Je ne vois pas trop en quoi gérer correctement une seule entreprise serait un gage de bonne gestion pour l'économie de tout un pays. Et il ne s'agit pas seulement d'une question d'échelle, je vous laisse imaginer quel serait l'état de l'économie si ...

le 04/06/2014 à 19:44
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cher ami, Kessler sait faire tourner une boite, c'est certain.... en tant que super salarié...et avec des moyens no limite, même si la scor a eu de vraie difficultés... mais pas pas certain qu'il sache faire tourner une pizzeria..... deuxième poin...

le 04/06/2014 à 19:50
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Sur que M. KESSLER gère bien son entreprise les actions de 18 e sont passees a 25e belle performance !!! en qq annees.

le 04/06/2014 à 20:49
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