Pourquoi et comment contrôler les hedge funds ? (4/6)

Les principaux dirigeants de la planète se réunissent à Londres le 2 avril. Pendant une semaine, « La Tribune » explore les enjeux de ce sommet.
 

Qu'est-ce qu'un hedge fund ?

Par nature, il n'existe pas de définition légale. Le hedge fund est en effet construit pour se situer en dehors du champ de la réglementation. C'est donc un fonds de placement privé et organisé de façon à disposer du maximum de liberté dans sa gestion. À l'origine, les hedge funds reposaient sur un modèle de couverture (hedge), combinant des ventes à découvert de titres jugés surévalués et des positions longues sur des titres jugés sous-évalués. Aujourd'hui, ils recouvrent une très grande diversité de stratégie d'investissement, jouant sur des écarts de taux d'intérêts ou de parités, pariant sur des conjonctures macroéconomiques, misant sur le capital-investissement. C'est pourquoi les professionnels préfèrent parler de gestion alternative, par opposition à la gestion réglementée. Mais la logique reste la même : profiter des anomalies de marché pour doper les rendements. En outre, environ 70 % des hedge funds ont recours à l'endettement (effet de levier), dans des proportions variables, de deux à dix fois les fonds propres. L'industrie, essentiellement basée aux États-Unis et dans les centres off shore, concentrée au sommet mais fragmentée à la base ? les 100 premiers fonds mobilisent 80 % des encours ?, a connu une croissance exponentielle pour atteindre, avant la crise, un encours estimé de 1.900 milliards de dollars, contre à peine... 40 milliards en 1990.

Pourquoi les hedge fund font-ils peur ?

La chute, en 1998, du hedge fund LTCM, considéré comme le nec plus ultra de la profession, a été le catalyseur à la fois des peurs et des réflexions sur le contrôle des hedge funds et la stabilité des marchés. Ce fonds était, il est vrai, un cas extrême : géré par des scientifiques, il présentait plus de 1.000 milliards de dollars d'engagements hors bilan pour seulement 4,8 milliards de fonds propres. Du jamais vu ! La faillite d'Amaranth en 2006 ? 5 milliards de dollars envolés en moins d'une semaine ? allait encore alimenter la suspicion. Du coup, les hedge funds sont régulièrement accusés, surtout en Europe, d'amplifier, voire de déclencher, les bulles financières, de provoquer l'extrême volatilité des cours, de contribuer à l'opacité des marchés. Pour leur défense, les hedge funds estiment au contraire qu'ils amortissent les chocs en assurant la liquidité des marchés, autrement dit en se portant acquéreurs d'actifs dont plus personne ne veut (ou l'inverse), ou de risques que plus personne ne veut assumer.

Quel rôle ont-ils joué dans la crise ?

Jusqu'à la fin de l'année 2007, la thèse dominante (surtout aux États-Unis) est que les hedge funds ne sont en rien responsables de la crise et qu'ils ne portent aucun risque systémique. Mais leur rôle dans l'effondrement de certains marchés, comme celui des obligations municipales, a été progressivement mis en lumière. Et leur responsabilité supposée dans l'accélération de la faillite de la banque Bear Stearns a commencé à convaincre les autorités américaines d'une nécessaire régulation, même « light », sous la houlette de la Fed. En Europe, les hedge funds ont toujours été dans le collimateur des politiques, comme symbole « des marchés fous », et ne peuvent donc pas, à tort ou à raison, échapper à une réforme globale des marchés.

Quelles sont les pistes de réforme ?

Les propositions les plus radicales sont venues de là où personne ne les attendait, autrement dit des États-Unis. Sans attendre le G20, Timothy Geithner, secrétaire au Trésor, a dévoilé son plan de régulation financière, qui prévoit, pour la première fois, la mise sous le contrôle d'un superviseur non seulement des hedge funds, mais également des fonds d'investissement et des marchés dérivés. Un virage à 180 degrés. Le plan prévoit également un renforcement des fonds propres des hedge funds pour limiter leur effet de levier, et leur enregistrement obligatoire, à partir d'un certain seuil. La France propose une approche différente : elle souhaite limiter les prêts bancaires aux hedge funds en renforçant les exigences de fonds propres des banques sur cette clientèle. Bruxelles entend, de son côté, proposer, en avril, une directive pour contraindre les fonds à davantage de transparence vis-à-vis du régulateur sur leurs activités et positions, avec à la clé une interdiction pour les investisseurs européens d'investir dans les fonds récalcitrants. Parallèlement, des discusions plus techniques sur le fonctionnement des marchés (ventes à découvert, chambre de compensation pour les dérivés) pourraient réduire leur marge de manoeuvre. Mais c'est surtout l'aversion au risque et l'argent plus rare qui risquent de sonner sinon le déclin, du moins la fin de l'âge d'or des hedge funds.

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