Les attentes des patrons français

Sollicités par le « think tank » l'Institut de l'Entreprise, six personnalités du monde des affaires ont répondu à la question suivante : « qu'attendez-vous du prochain G20 à Londres ? ». Extraits.

Daniel Bouton, président du conseil d'administration de la Société Générale.

« Les plans de relance de type keynésien auront une efficacité mais limitée ; leur coordination dans le temps et leur volume concourraient au retour de la confiance et il faut avant tout que la confiance revienne. Quels que soient les résultats, le G20 aura de l'importance tant qu'il démontrera la volonté d'agir ensemble, d'écarter toute tentation protectionniste, de porter assistance aux pays moins riches victimes de la récession. La récession peut se transformer en dépression si ces conditions ne sont pas remplies. Les règles relatives au fonctionnement demain des marchés financiers et des banques sont très importantes pour éviter le renouvellement d'une crise de ce type, mais n'auront pas d'effet pour la sortie de la crise. Les mesures d'encadrement des activités financières non ou mal régulées (hedge funds et paradis fiscaux) sont peut-être opportunes mais n'ont pas de relation avec la crise. »

Michel Pébereau, président du conseil d'administration de BNP Paribas

« Le premier objectif du G20 d'avril est à mon avis de restaurer la confiance : c'est le préalable essentiel pour relancer l'économie mondiale comme pour remettre en ordre de marche le système financier international [...]. La construction du cadre réglementaire de l'après-crise est nécessaire pour éviter la création de nouveaux comportements à risque. Le G20 est la bonne enceinte pour cela, car toute réglementation efficace, et juste d'un point de vue concurrentiel, devra être harmonisée au plan international. Le rapport de Larosière fournit un jeu de recommandations très complet qui devrait être adopté très rapidement par l'Union européenne. En outre, les normes ou pratiques qui induisent des comportements à risque ou des effets procycliques devraient être modifiées, de façon homogène au niveau international : des normes comptables plus réalistes et fondées sur une approche économique plutôt que sur l'utilisation systématique de la valeur de marché seront nécessaires ; le comité de Bâle devrait réfléchir à la façon de limiter les effets procycliques de Bâle 2 ; les schémas de rémunération variable pour les activités de marché devraient être adaptés pour ne pas favoriser des comportements trop court-termistes. »

Bertrand Collomb, président d'honneur de Lafarge.

« La crise financière a maintenant entraîné une crise économique majeure. On ne pourra pas en sortir tant qu'un certain fonctionnement normal du système financier ne sera pas en vue, ou qu'une certaine confiance sur le chemin suivi ne sera pas restaurée [...]. L'enjeu le plus important pour l'avenir est la capacité que le G20 montrera d'instaurer une gouvernance mondiale plus efficace, capable de faire face aux questions de la mondialisation ; le G20 de Washington avait établi une liste très ambitieuse et complète de questions à traiter. Enregistrer quatre mois plus tard des progrès concrets et précis sur certains points, ainsi que des positions communes pour traiter le reste, établirait la crédibilité du processus. Et c'est un enjeu important, puisque la sortie de crise sera largement une question de confiance retrouvée. Un échec du G20, ou le sentiment d'un échec, pourrait en sens inverse annoncer une désagrégation du dispositif, avec le spectre du protectionnisme, dont on a vu le résultat dans les années 1930. »

Clara Gaymard, présidente Europe Nord-Ouest de General Electric.

« Tous les points sont importants et plus on arrivera à une approche commune, mieux cela sera. Mais il y a un préalable : connaître et identifier les pertes financières et qui doit les payer. La pérennité de crise est liée en grande partie au fait que l'incertitude pèse sur les acteurs. Cela passe par plus de transparence, de responsabilité, et une séparation claire des actifs sains et des actifs toxiques permettant aux acteurs économiques de jouer pleinement leur rôle dans une confiance restaurée. À cet égard, l'exemple français dans la gestion du Crédit Lyonnais est une solution très intéressante. Coordonner les objectifs des plans de relance serait aussi très utile. Mais il faut être pragmatique et accepter les réalités locales. Enfin, la priorité donnée aux nouvelles technologies et à l'innovation, notamment dans l'environnement, est la condition clé d'un retour à une croissance pérenne. »

Maurice Lévy, président-directeur général de Publicis.

« Tout est bien entendu prioritaire dans les périodes actuelles. Mais certaines priorités sont plus prioritaires que d'autres. La faiblesse de la consommation, notamment dans l'automobile, l'électronique et le meuble, tient pour partie aux difficultés de crédit. Il importe donc en priorité de rétablir le fonctionnement fluide du crédit. Cela passe par des solutions pour le « sauvetage » des banques. Je pense que des efforts considérables ont été réalisés et que la situation est moins critique qu'elle fut il y a encore quelques semaines. Mais ce n'est pas assez pour que les banques puissent détendre le crédit, qui à lui seul représente une bonne partie de la croissance perdue. Ensuite, il me semble qu'une bonne coordination ? au moins à l'échelle européenne ? est indispensable pour permettre aux sommes consacrées à la relance de s'investir de façon productive dans les économies et de générer des emplois. Viennent ensuite des aspects fondamentaux mais qui nécessitent beaucoup de négociations et de temps : le cadre de réglementation et le commerce mondial. Pour le FMI, il me semble que les accords sont déjà bien avancés et que l'institution va recevoir plus de fonds et va pouvoir fonctionner de façon plus rapide et venir plus facilement en aide aux pays en difficulté. »

Jean Peyrelevade, ancien pdg du Crédit Lyonnais.

« Deux points me paraissent décisifs. Premièrement, le redémarrage du système bancaire américain, qui n'a plus de fonds propres. Je suis sceptique quant à l'efficacité du plan Geithner. L'objectif n'est pas de créer des structures hybrides de rachat d'actifs toxiques. L'objectif est de recréer des « good banks ». À confondre l'objectif et les moyens, on manque la cible. En bref, l'économie américaine ne repartira pas tant que l'État n'aura pas recapitalisé massivement et directement le système bancaire. Deuxièmement, les bonnes idées ne suffisent pas pour fabriquer une nouvelle régulation. Il faut les mettre en oeuvre. Or, c'est une tâche compliquée, même si les principes sont simples. On n'avancera pas tant que le G20 n'aura pas explicitement confié à un organisme spécialisé (Fonds monétaire international ou Banque des règlements internationaux) le soin de proposer l'architecture d'une nouvelle régulation financière mondiale. »

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