Turquie : les négociations d'adhésion avancent à très petits pas

Par EurActiv.fr pour latribune.fr  |   |  871  mots
La Turquie intégrera-t-elle un jour l'UE ? Depuis que la Commission européenne a donné son feu vert au lancement du processus en 2004, les Etats membres soufflent le chaud et le froid sur ce sujet. Les récentes déclarations du président américain, Barack Obama, relancent la polémique. EurActiv.fr fait le point sur l'état des négociations.

L?adhésion de la Turquie à l?UE est l?affaire des Européens, a fait comprendre en substance le président français, Nicolas Sarkozy, dimanche 6 avril, en réponse aux déclarations de Barack Obama (EurActiv.fr 6/04/2009).

Depuis 2007, la France affiche son opposition politique à l?intégration turque. Lors de sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy avait clairement notifié son intention de bloquer le processus d?intégration. Ses régulières déclarations sur l?identité asiatique de la Turquie, puis le vote des parlementaires français sur la reconnaissance du génocide arménien, ainsi que l'opposition à titre personnel de la chancelière Angela Merkel, ont conduit l?opinion turque à peu à peu désespérer d?intégrer l?UE.

Depuis octobre 2005, date du début des négociations d?adhésion avec Ankara, dix chapitres de négociations sur 35 ont été ouverts : sciences, politique industrielle, statistiques, contrôle financier, réseaux transeuropéens, santé, droit des sociétés, propriété intellectuelle, libre circulation des capitaux, société de l?information. Seul celui concernant les sciences a pour l?instant été refermé. "Nous en sommes encore au début du processus, explique Dorothée Schmid, chercheur à l?Institut français des relations internationales (Ifri). On n?en est pas encore au stade où l'on ne peut pas revenir en arrière".

L?ouverture des chapitres de négociations n?est pas inscrite dans une échéance, explique Didier Billion, directeur adjoint de l?Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) : "c?est quand la Commission européenne estime que les objectifs sont atteints", qu?ils sont clos.

La France bloque cinq autres chapitres : politique monétaire, politique régionale, agriculture, dispositions budgétaires, questions institutionnelles, en raison des différents politiques avec Ankara.

Au Quai d?Orsay, on veut pourtant voir dans l?ouverture de deux derniers chapitres sous présidence française de l?UE une avancée positive qui démentirait une opposition définitive de la France sur l?adhésion de la Turquie à l?UE.

Selon Dorothée Schmid, les présidences tchèque et suédoise pourraient ouvrir de nouveaux chapitres comme l'éducation et la culture, ou la taxation. Mais si la question chypriote n'est pas réglée, le processus "restera verrouillé", ajoute-t-elle.

Pour adhérer à l'Union, un pays doit en effet reconnaître tous ses membres. "Tant qu?Ankara n?acceptera pas d?élargir son traité d?union douanière à Chypre, on n?arrivera pas à gérer la Turquie de façon moins conflictuelle", ajoute quant à lui Didier Billion.

Les navires et avions chypriotes ne sont aujourd?hui pas autorisés à pénétrer sur le territoire turc. Dernier incident en date, raconte Dorothée Schmid, la Turquie accuse Chypre de mener des prospections pétrolières sur son plateau continental et a récemment arraisonné un navire norvégien travaillant pour le compte de Nicosie. Depuis l?incident, Chypre brandit la menace d?un veto contre la candidature turque et a bloqué l?ouverture du chapitre énergétique.

L'UE perd de son intérêt auprès des Turcs

Quid de l?avancée des réformes, préalable nécessaire à l?adhésion à l?UE ? La Turquie a déjà mis en ?uvre trois grands dossiers. "Un programme national de réformes pour les années 2008-2012 a été présenté, élaboré en consultation avec les acteurs socio-économiques et la société civile", rappelle Dorothée Schmid. Le parlement turc a également adopté une loi pour intégrer l'acquis communautaire.

La nomination, le 9 janvier dernier, d?un proche du Premier ministre Erdo?an au poste de négociateur en chef pour l?adhésion, Egemen Ba???, a été bien accueillie à Bruxelles. Cependant, note Dorothée Schmid, "Ba??? n?a pas une connaissance des dossiers européens nécessaire" pour traiter au mieux avec la Commission européenne.

Interrogés à quatre ans d?intervalle, en 2004 et 2008, sur l?intérêt que représente pour eux l?UE, les Turcs montrent également leur "amertume" sur l?état des négociations, précise Didier Billion. En 2006, 52% de la population estimait que l?intégration européenne était une bonne chose, contre 42% à l?automne 2008. Concernant les opportunités qu?offre l?UE, la richesse économique, la libre-circulation des personnes, la sécurité sociale, la paix ou la démocratie, les Turcs s?estiment moins intéressés qu?en 2004.

"Les Turcs ont du mal à avaler les couleuvres européennes"

"La Turquie a en outre l?impression que l?Union européenne tend à créer de nouvelles conditions d?entrée, moins techniques et plus politiques", note-t-on à EurActiv Turquie. De son côté, Didier Billion interpelle les Européens sur leur méfiance à l?égard d'Ankara: "il faut se décontracter, [l?élargissement à la Turquie] ce n?est pas le nouveau siège de Vienne", ironise-t-il, en faisant référence à l?occupation de la capitale autrichienne par les Ottomans en 1683.

Mais comme le rappelle Dorothée Schmid, "la construction européenne n?a été facile pour personne. Les Turcs doivent arrêter de se dire qu?on leur met des bâtons dans les roues."

 

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