Une certaine idée de l'Europe monétaire est déjà morte

Par Robert Jules  |   |  473  mots
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Même si la BCE prêtait sans limites, la crise de la zone euro ne serait pas terminée. Car les marchés attendent une réponse politique stable traduisant l'efficience d'une zone monétaire commune.

Face au risque de plus en plus élevé d'un éclatement de la zone euro, les voix les plus diverses se multiplient en faveur d'une intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE). Qu'elle annonce acheter à l'infini les dettes des pays en difficulté, et la crise sera sinon colmatée du moins définitivement circonscrite. Même Peter Bofinger, l'un des cinq sages chargés de conseiller le gouvernement allemand sur l'économie, l'a reconnu dimanche : « Si la BCE n'agit pas, s'il n'y a pas d'eurobonds, nous pourrions connaître un réel désastre sur les marchés financiers, une récession dans toute l'Europe et des faillites de banques », a-t-il lancé sur la chaîne de télévision irlandaise, RTE.

L'Allemagne s'y refuse encore, au nom de l'aléa moral : selon Berlin, si l'on aide les pays qui n'ont rien fait pour maîtriser la dérive de leur déficit public, ils retomberont dans leurs travers dispendieux une fois le danger éloigné. L'Allemagne y est d'autant plus réticente que, bénéficiant de taux d'emprunt faibles, elle en serait la première perdante, car sa garantie serait mise en jeu pour l'ensemble des pays.

Le même argument vaut pour les eurobonds, Berlin répugne à une mutualisation où elle a plus à perdre qu'à gagner. L'Allemagne fait valoir que ces solutions ne font que retarder la résolution du problème. Elle rappelle que l'institution de Francfort, loin d'être enfermée dans sa tour d'ivoire, agit déjà : elle rachète la dette des pays en crise pour éviter le pire et assure massivement la liquidité des banques.

Prenant acte de l'échec du fonctionnement de la zone euro, Angela Merkel veut, à travers une modification des traités, refondre un pacte de stabilité réellement contraignant, avec un transfert de souveraineté budgétaire au niveau européen. En plaçant la barre aussi haut - en fait au niveau où elle est prête à payer -, l'Allemagne pose aux autres pays ses conditions pour poursuivre le projet d'une Europe politique. Car, contrairement à la rhétorique anti-marchés financiers, la crise de la zone euro est d'abord politique. Depuis le début de la crise grecque en 2009, les investisseurs attendent que le projet qui leur a été vendu sous le nom de zone euro et d'actifs peu risqués fasse la preuve de sa réalité dans l'épreuve. Or la succession de sommets européens a surtout montré jusqu'ici l'incapacité qu'à chaque pays à dépasser son seul intérêt national. Et sur ce point, l'Allemagne n'est pas en reste. C'est lorsque Angela Merkel a indiqué que les investisseurs devraient prendre leurs pertes sur la dette grecque - en attendant les autres -, que les marchés financiers ont fait le constat qu'une certaine zone euro était morte.