Europe : à chacun sa règle d'or

Par Romaric Godin  |   |  609  mots
La Tribune Infographie
Les réformes institutionnelles attendues les 8 et 9 décembre seront décisives pour les notations souveraines de la zone euro. Mais chacun a sa propre conception de la "règle d'or". Revue de détail.

Mardi matin, la réponse des membres du gouvernement français à l'abaissement de la perspective des notes de Standard & Poor's des pays membres de la zone euro était rôdée : l'agence ne connaissait pas encore l'accord entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel pour la réforme des Traités de lundi lorsqu'elle a produit sa note. Dès lors, aucune raison de s'alarmer. « Le compromis franco-allemand est la réponse aux interrogations de S&P », a ainsi voulu rassurer le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Dès lors, le scénario idéal serait le suivant : le 9 décembre, l'adoption du projet franco-allemand de réforme des Traités au moins par les 17 conduit à assurer l'agence de notation que l'Europe a apporté une réponse « effective et crédible ». Elle déciderait, du coup, de maintenir les notes de tous les pays de la zone euro. Ce mardi, Moritz Krämer, un des responsables de S&P, a affirmé que l'accord de ce lundi était « prometteur ». Ce scénario idyllique semble donc possible. À condition que ce qui sortira des sommets de jeudi et vendredi soient à la hauteur.

Mardi, Reuters a dévoilé les grandes lignes de ce que pourrait proposer Herman van Rompuy aux chefs d'États et de gouvernements dès jeudi. Ce projet propose un « pacte budgétaire » pour avancer vers une « véritable union économique » par deux voies : des « coopérations renforcées » pour intégrer davantage les politiques budgétaires et sociales des pays membres et l'avancée par étape vers des « euro-obligations ». Une proposition étonnante quand on sait que lundi Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont exclu toute idée de « mutualisation des risques » et d'obligations communes à la zone euro. Par ailleurs, Herman van Rompuy propose le mécanisme européen de stabilité (MES), dont Paris et Berlin veulent avancer la date de naissance à 2012. Il disposerait d'une licence bancaire pour se refinancer auprès de la BCE. Une option longtemps évoquée pour le FESF et rejetée par Berlin. Le projet du président du conseil diffère donc sensiblement de l'accord trouvé lundi à Paris par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel qui insiste peu sur la solidarité et beaucoup sur le durcissement des conditions budgétaires. Il faudra donc trouver un point de consensus. À la lumière des sommets précédents, Moritz Krämer se montre donc plutôt « prudent » avant de connaître les « détails ».

Ce qui semble acquis, c'est bien l'inscription dans les constitutions nationales de « règles d'or » budgétaires. Mais sera-ce suffisant pour convaincre les agences de notation ? Car on sera encore loin d'un véritable « partage budgétaire », puisque le contrôle des comptes nationaux ne sera soumis qu'à des cadres nationaux. Pas question de placer les dérapages nationaux sous la menace directe de la Cour de Justice européenne. Quant aux « sanctions automatiques », auront-elles un effet dissuasif? Faire payer une amende pour sa mauvaise gestion à une personne surendettée n'est pas le moyen le plus efficace pour la corriger.

D'autant qu'une porte de sortie est conservée puisque une « majorité qualifiée » pourra stopper cette automaticité. Bref, comme le souligne Moritz Krämer, « il reste encore beaucoup de travail à faire ». D'autant que si trouver un accord à 27 n'est plus une condition sine qua non pour Paris et Berlin, il n'est pas certain que la ratification des 17 de la zone euro soit aisée. Le modèle allemand d'un consensus autour de la « règle d'or » n'est guère transposable. Même dans la paisible Autriche, l'opposition a bloqué lundi la réforme constitutionnelle qui visait à son adoption.