La voix des eurosceptiques est de moins en moins ignorée

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  396  mots
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Les contempteurs de la première heure voient leurs pronostics étayés par la crise actuelle.

Les Européens sont des gens ouverts. Il y a quelques mois, quand le Conseil européen du risque systémique, le nouvel organe de surveillance macroéconomique rattaché à la Banque centrale européenne, a dû compléter le tour de table de son conseil scientifique, il s'agissait de trouver un remplaçant à l'économiste allemand Stefan Gerlach, parti pour devenir vice-gouverneur de la banque centrale d'Irlande. Exemple d'ouverture, le Conseil est allé chercher Charles Calomiris.

Cet économiste américain présente pourtant la particularité d'annoncer avec une grande constance - depuis plus de dix ans - « l'effondrement imminent de l'union monétaire », pour reprendre le titre d'un article publié en 1999 par le « Cato Journal », publication du Cato Institute, un « think tank » américain de tendance libertarienne. Celui qui pariait, il y a douze ans, sur une monétisation massive de la dette et une chute de la valeur de l'euro face au dollar annonçait « l'euro est mort » pour cette année et prévoyait la sortie des pays du Sud de la zone euro. On aimerait savoir de quelle sorte de conseils il gratifie en ce moment les autorités monétaires et financières européennes.

« On va tous finir dans un trou noir »

Il n'est pas le seul à se montrer sceptique. Auteur de « la Fin de l'euro », Christian Saint-Étienne fait lui aussi preuve d'une remarquable constance dans sa critique, sans toutefois manifester l'ignorance de son confrère américain pour le jeu politique européen. Le renforcement de la discipline budgétaire, au centre des propositions discutées au sommet de cette semaine, « ne suffira pas », dit-il. « Il suffit de comparer aux États-Unis pour comprendre ce qui manque : nous n'avons dans ces propositions ni gouvernement fédéral, ni budget fédéral, ni coordination fiscale et sociale », constate-t-il. Pire : « si tout le monde fait » ce qui est proposé, à savoir un assainissement budgétaire brutal et coordonné, « on va tous finir dans un trou noir ». Le problème de la zone euro est que personne n'est en charge d'une politique de la demande.

L'ancien patron des patrons allemands, Hans-Olaf Henkel, et le Néerlandais Frits Bolkestein, ancien commissaire européen aux Services, plaident, eux, pour la création d'une zone monétaire du nord de l'Europe autour d'un « neuro » à réinventer. Leur voix est marginale mais elle n'est plus ignorée.