Le défaut grec, solution au "paradoxe de Zénon"

Les blocages politiques face aux créanciers internationaux et une situation économique de plus en plus dégradée pourrait contraindre la Grèce à faire défaut sur sa dette en mars. Longtemps tabou, l'idée fait son chemin chez les responsables européens.
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 Il en est du problème de la Grèce comme du paradoxe de Zénon d'Elée. Le nom de ce philosophe grec présocratique (480-420) est resté dans l'histoire grâce à son célèbre paradoxe d'Achille et la tortue. Le premier veut rattraper la seconde qui se trouve en un point A, mais quand Achille aura atteint ce point A, la tortue qui s'est déplacée aura atteint un point B qu'Achille devra donc atteindre, et ainsi de suite. Achille se rapprochera de plus en plus de la tortue mais sans jamais l'atteindre.

"Proche" d'un accord

Le paradoxe convient parfaitement à la république hellénique. Depuis 2010, le gouvernement grec applique ses plans d'austérité sans jamais atteindre ses objectifs de réduction de déficit public, annonce un programme de privatisations qui reste largement en deçà, et, last but not least, des réformes qui restent lettre morte en large partie. En outre, depuis des semaines, le Premier ministre Lucas Papademos annonce être "proche" d'un accord avec ses créanciers privés, censé permettre d'effacer 100 milliards sur les quelque 350 milliards d'euros de la dette souveraine, mais sans conclure. S'il reste encore quelques jours, puisque ce plan d'échanges d'obligations "volontaire" est prévu le 13 février, il dépend aussi d'une entente entre Athènes et les institutions internationales et de l'acquiescement des partis politiques grecs.

Abaissement du salaire minimun de 25%

Or du côté des créanciers institutionnels ((Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI)), les positions semblent figées. Ils souhaitent en effet que l'ensemble de la classe politique grecque approuve les mesures demandées visant à réduire le déficit public de 1,5 point : abaissement du salaire minimum de 25%, la suppression des 13e et 14e mois de salaires, la suppression rapide de 150.000 postes dans la fonction publique., ambitieuse réforme fiscale, et réforme de la justice.

Or, en face, l'union nationale n'est que de façade. La coalition regroupée autour de Lucas Papademos - un technocrate ex-patron de la Banque centrale grecque -, qui va de l'extrême droite, le parti Laos, aux socialistes du Pasok en passant par les conservateurs de la Nouvelle Démocratie, n'est pas sur la même longueur d'onde quant à l'application de nouvelles mesures d'austérité visant à réduire de 1,5 point le déficit public. Derrière ces atermoiements, il y a l'enjeu des élections législatives d'avril sur fond de récession économique qui s'accentue avec un PIB qui devrait se contracter cette année autant qu'en 2011 (- 6,1%).

14,4 milliards d'euros à rembourser en mars

Mais il y a aussi une urgence pour Athènes, doublement importante : boucler un accord qui lui permettrait d'obtenir une deuxième aide de 130 milliards d'euros (certains experts l'évaluent désormais à 145 milliards d'euros, la situation des finances grecques se dégradant au fil des semaines.) mais aussi se voir verser une tranche vitale de la première aide pour faire face à des échéances de remboursement de 14,4 milliards d'euros avant le 20 mars, de 8,1 milliards d'euros en mai et 7,8 milliards d'euros en août.

En cas de blocage, l'ensemble des paradoxes grecs pourraient donc être résolu sous la forme d'un défaut du pays sur sa dette, comme vient de l'évoquer le président de l'Eurogroupe, le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker. Ce dernier lève ainsi le tabou imposé par le couple franco-allemand pour éviter tout risque de contagion de la crise d'Athènes aux autres capitales de l'Europe du sud.

Un puits sans fond

Car jamais depuis le début de la crise grecque en octobre 2009, le défaut a été aussi tangible, tant les milliards d'euros prêtés à la Grèce - 110 milliards d'euros pour le premier plan - n'ont pas permis pour le moment un redressement de la situation du pays. "Du côté européen, il est clair que la Grèce est devenue un puits sans fond. Donner plus d'argent sans avoir un total contrôle du pays est un gaspillage d'argent", souligne Bruno Cavalier, économiste chez Oddo Securities.

Les autorités européennes sont donc en train d'acter un tel scénario, pariant sur un "défaut ordonné" de la Grèce, voire à sa sortie, temporaire, de la zone euro, mettant au compte des dirigeants grecs l'échec du redressement du pays. "Dans de nombreux pays de la zone, notamment en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas, la sortie de la Grèce se justifie comme une "punition" pour avoir falsifié les données de finances publiques lui permettant de se qualifier à l'UEM et pour n'avoir pas, depuis lors, cherché à respecter les règles du jeu communautaire", estime Bruno Cavalier.

Commentaires 28
à écrit le 18/03/2012 à 7:14
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Les pseudo plans de sauvetage de la Grèce ont engraissé les banquiers privés qui ont extorqués aux grecs des taux de 7 à 14% sur l'argent donné par les citoyens européens. Vive la Dette Geld Macht Freï Pour qui les bonus welcome hello parachutes dor...

à écrit le 15/02/2012 à 10:53
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Le simple citoyen que je suis ne peut que redouter qu'un jour la France soit dans la même situation. Les dirigeants français n'ont pas été très rigoureux dans leur gestion et dans le respect des critères de Maastrich.

à écrit le 08/02/2012 à 13:36
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Cela se précise enfin ! Cela fait des mois et des mois que la Grèce aurait dû faire défaut. Cela nous aurait évité de lui verser des Milliards pour rien. Nos élus sont vraiment irresponsables.

à écrit le 07/02/2012 à 14:50
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Franchement ne plus rembourser ses dettes va être dorénavant la règle. Quel bien mauvais exemple d'un pays qui présente un Pib de 2,5% au sein de l'Europe et que la troïka n'a pas su/pu mettre au pas! Les tergiversations du couple SarkelMerko de somm...

à écrit le 07/02/2012 à 11:21
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Quelle perte de temps et d'argent, due à l'incompétence et l'illettrisme de Merkozy. Depuis juillet dernier chacun sait que vouloir "sauver" la Grèce c'est comme vouloir remplir le tonneau des Danaïdes. Une perte de temps. Finissons-en et bye-bye la ...

le 07/02/2012 à 12:43
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Bonne réplique Achille : La mythologie grecque est décidément riche en métaphores ;-) A mon avis les dirigeants européens ont acheté du temps (au prix fort) pour que le système bancaire européen se construise un pare-feu. Aujourd'hui ils n'ont plus ...

le 15/02/2012 à 11:55
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Analyse pertinent on a gagne du temps...Par contre être président en temps de crise (comparable a celle de 1929) relève de l?équilibriste donc j'attend de voir le nouveau président. On se rendra compte très vite qu'avec Nico c?était la politique du m...

à écrit le 07/02/2012 à 10:20
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L'Eurogroupe joue un peu facilement à Ponce Pilate: tout le monde connaissait la situation grecque au moment de son admission (ce pays a été historiquement la moitié du temps en défaut) et ses remèdes ont aggravé la situation. De même la position ve...

à écrit le 07/02/2012 à 10:17
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c'est extraordinaire !! la plupart des citoyens ont compris depuis 2 ans que les grecs ne paieront jamais et les "autorités" ne se réveillent que maintenant. Il va être grand temps de changer tout le personnel politique, ils sont vraiment trop nuls. ...

à écrit le 07/02/2012 à 10:05
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L'idée d'un défaut sur dette d'un gouvernement est EXCELLENTE car elle permet de dire aux financiers 'arrétons d'écumer de l'argent sur le dos de ceux qui ajoutent de la valeur', MAIS il faut prévoir des aménagements pour les fonds de pensions et aut...

à écrit le 07/02/2012 à 9:02
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Oui, c?est fort probable en tenant compte que hahaped le dit aussi.

à écrit le 07/02/2012 à 8:17
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" sa sortie, temporaire, de la zone euro", c'est a dire sa sortie definitive, car je doute qu'ils puissent rembourser leurs dettes apres une devaluation de 50%, et je doute qu'on ait envie de leur faire beneficier a nouveau des fonds structurels, alo...

à écrit le 07/02/2012 à 6:04
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ca veut dire quoi "last but not least"

le 07/02/2012 à 7:00
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Le dernier et pas le moindre

à écrit le 07/02/2012 à 6:03
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pourquoi de l'anglais dans un article en francais ?

le 07/02/2012 à 14:12
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Citation du Roi Lear de Shakespeare, ce n'est plus de l'anglais mais de la littérature ^^

à écrit le 06/02/2012 à 23:10
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Ulysse ! Ulysse ! A qui a tu emprunté ? A Personne !!!

le 07/02/2012 à 0:56
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Ulysse ! tu es bien un as triple A !

à écrit le 06/02/2012 à 22:44
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Effectivement, le meilleur moyen de rembourser sa dette est de la faire payer par les autres (et nous sommes, comme beaucoup d'autres, des spécialistes en France en la matière).

le 07/02/2012 à 8:18
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sauf que pour la france les allemands ne veulent pas payer

le 07/02/2012 à 10:29
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et que la dette réelle de l'Allemagne est astronomique. Il y a quelques semaines, un hebdomadaire économique allemand avait estimé la somme de la dette et des engagements de l'état allemand à environ 7000 milliards d'euros. Depuis, cette info a dispa...

le 07/02/2012 à 10:31
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extrait du Handelsblatt : Depuis son arrivée au pouvoir en 2005, Angela Merkel, "a créé autant de nouvelles dettes que tous les chanceliers des quatre dernières décennies réunis", remarque l'économiste en chef du quotidien économique. "Ces 7 000 mill...

à écrit le 06/02/2012 à 20:27
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On l'a dit et répété (nous les internautes) depuis plus 1 voir 2 ans, les grecs n'ont pas l'intention de rembourser quoi que ce soit, donc c'est pas 100 milliards le montant du hold up, ils veulent au moins tripler la mise et le pire c'est qu'ils cro...

à écrit le 06/02/2012 à 18:41
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On commence dans l'ordre, un puis un puis un... et on fini dans le désordre ; moi d'abord, moi d'abord... Défaut grec puis sortie de l'Euro et les marchés vont regarder le prochain quitte à l'aider un peu et ainsi de suite. Les politiques grecs doive...

le 06/02/2012 à 19:26
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Et le prochain risque d'être le Portugal. L'Europe allemande est entrain de mourir !

le 06/02/2012 à 19:26
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defaut grec mais pas de sortie de l euro : il faudrait alors une nouvelle monnaie, le dollar peut etre

le 06/02/2012 à 20:57
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Le temps est compté pour les grecs, mais on le sait ils ne resteront pas dans l'euro.. et pour moi ce n'est que le début. Politique des pays trops différents, on ne peut pas s'unir si on a pas balayé chez soit.La monnaie doit rester mais chaque pays ...

le 07/02/2012 à 6:29
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Oui, un peu comme en Syrie, en Russie, en Lybie, au Sénégal, laissons les dictateurs faire n'importe quoi... ;o)

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