8,51% du PIB au lieu de 6%. Le décalage entre le déficit prévu et celui que l'Espagne a réellement enregistré en 2011 est considérable. Les chiffres annoncés lundi par le gouvernement du Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy sont pires que prévu, notamment à cause des communautés autonomes qui ne sont pas parvenues à réduire leur déséquilibre de leurs comptes. Le gouvernement devra faire de nouveaux sacrifices s'il veut parvenir à un objecif de déficit de 4,4% du PIB comme convenu avec l'Union européenne (UE). L'ajustement de 15 milliards d'euros annoncé le 31 décembre dernier, via coupes des dépenses et hausses d'impôts (dont celui sur le revenu), s'avère en effet insuffisant pour tenir cet engagement. L'effort supplémentaire à fournir serait de 30 milliards d'euros pour respecter les limites fixées par l'UE. L'exécutif souhaite d'ailleurs que Bruxelles ajuste les objectifs aux nouvelles prévisions économiques qui pointent une contraction du PIB espagnol de 1% en 2012, pour éviter à l'Espagne la prise de mesures créant un cercle vicieux à la grecque au moment où la croissance de l'économie est plombée par cinq millions de chômeurs et une consommation interne en berne. Selon l'économiste Joaquin Maudos, il serait souhaitable de garder l'objectif de 3% de déficit mais non pas à l'horizon 2013 mais à 2015.
Les Communautés autonomes ont enregistré un déséquilibre de leurs comptes de 2,94%, comme en 2010, face aux 1,3% prévus. Pourquoi sont-elles incapables de redresser leur bilan ?
La chute des recettes a été brutale en 2011, conséquence de la baisse de l'activité économique, ce qui ralentit la réduction des dépenses. Par ailleurs, une grande partie des budgets est destinée à financer la santé publique et l'éducation (compétences des régions, ndlr), des postes où les économies sont difficiles à faire.
Le gouvernement souhaite une révision des objectifs de déficit pour 2012. Peut-t-il renoncer à atteindre les 3% prévus en 2013 ?
L'écart entre le déficit de 8,51% et l'objectif de 4,4% en 2012 est énorme. L'éliminer supposerait une baisse des dépenses et une hausse d'impôts dont l'impact serait excessif en pleine récession. Il serait plus raisonnable de maintenir l'objectif final de 3%, mais en augmentant les délais pour y parvenir. Sans doute, un recul de deux dans serait-il suffisant. C'est la stratégie à suivre si l'Espagne n'est pas la seule à en bénéficier. Il faut qu'elle profite du fait que plusieurs pays européens aient récemment réclamé par écrit la mise en place de politiques favorisant la croissance et un peu moins d'austérité.
Le plafond de dépenses sera présenté vendredi et le projet de budget 2012 à la fin du mois de mars. De quels leviers le gouvernement dispose-t-il pour parvenir à réduire le déséquilibre des comptes ?
Compte tenu des coupes dans les dépenses déjà appliquées, la marge en la matière est étroite, même si on peut encore en améliorer l'efficience. Comme une part importante du déficit est structurelle, la marge de man?uvre réside surtout dans les impôts. Et le levier fiscal le plus efficace reste la TVA...
Mais le gouvernement a dit qu'il ne comptait pas augmenter la TVA...
Il l'a dit avant de connaître les chiffres réels du déficit. Si l'objectif de 4,4% de déficit est maintenu, il n'y aura pas d'autre choix que d'augmenter les impôts, et le premier candidat est la TVA.
Peut-on attendre de nouvelles privatisations, très présentes dans l'idéologie du Parti Populaire, bien que Rajoy ait renoncé à celle de la Loterie Nationale proposée par son prédécesseur ?
Tout dépend de la conjoncture sur les marchés. Le gouvernement sortant avait suspendu la privatisation des aéroports et de la Loterie parce que les prix impliquaient de brader ces entités. Cette conjoncture n'a pas changé. Je ne crois donc pas que l'on assiste à des privatisations à court terme.
Est-on en train d'assister à un scénario à la grecque avec un gouvernement incapable de tenir ses objectifs et une population qui commence à protester contre les coupes et les réformes?
Créer des parallèles entre la Grèce et l'Espagne est une grave erreur car l'endettement de l'économie grecque est beaucoup plus important. En Espagne, le ratio dette publique/PIB n'atteint pas 70% et la baisse du PIB prévue est beaucoup plus modeste qu'en Grèce. De plus, les réponses apportées dernièrement par le gouvernement en place vont dans la bonne direction. Les réformes structurelles (du marché du travail, de la stabilité financière, et du secteur financier, ndlr) sont indispensables pour parvenir à une croissance stable à l'avenir. Il est certes vrai qu'il faudra faire plus de sacrifices pour regagner la confiance des investisseurs, mais ces efforts n'ont rien à voir avec les coupes réalisées en Grèce.