Pourquoi le succès de l'offre d'échange grec ne sonne pas la fin de la crise

Par Romaric Godin  |   |  820  mots
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L'offre d'échange a été un succès mais les raisons de s'inquiéter ne disparaissent pas pour autant. L'agence de notation Fitch a d'ailleurs annoncé, ce vendredi, l'abaissement de la note grecque et le placement temporaire du pays en "défaut partiel"

Athènes est-elle tirée d'affaire ? On en est encore loin. Certes, le montant du stock de dette grecque est considérablement réduit et l'épée de Damoclès des remboursements des échéances disparaît. D'autant que le Fonds européen de stabilité financière versera 54,5 milliards d'euros au budget grec. Pour un temps, donc, on devrait en finir avec les coups de chaud trimestriels qui émaillent l'actualité européenne depuis deux ans. Mais pour un temps seulement. Car le déficit public grec, lui, ne va pas se résorber comme par magie.

Le scénario du FMI

Selon le scénario du FMI, le déficit primaire d'Athènes, en dehors du paiement des intérêts de la dette, devrait se situer à 1 % du PIB cette année. Dès 2013, le pays pourrait être en mesure de dégager un excédent primaire qui devra se situer à 4,5 % du PIB de 2015 à 2020. A partir de 2014, le ratio de la dette nette sur le PIB devrait commencer à reculer pour avoisiner les 129 % en 2020. Mais ce scénario, déjà considéré comme inquiétant par les dirigeants européens, apparaît cependant très optimiste. Il est basé en effet sur une baisse des dépenses publiques de 7 milliards d'euros d'ici à 2014, soit 17 % du total, sur une stabilité des recettes et sur un produit des privatisations de 50 milliards d'euros au total.

Le risque croissance

Mais plusieurs économistes doutent de la crédibilité de ce scénario qui repose sur une croissance moyenne du PIB à partir de 2015 de 4 % par an. Déjà pour 2011, la prévision d'une croissance de 1,1 % de la Troïka relève du fantasme. Le PIB grec devrait se contracter de 5 %. En supposant que la dépense publique soit réduite aussi brusquement que le prévoit le plan européen, on voit mal comment la croissance pourrait revenir rapidement en Grèce. Or, sans croissance, tous les efforts de consolidation budgétaire seront vains : les recettes continuant à reculer, on voit mal comment le déficit primaire pourrait se transformer rapidement en excédent. Encore moins comment il pourrait atteindre 4,5 % du PIB. Les experts de RBS, qui tablent ainsi plutôt sur une croissance annuelle de 2,5 % à partir de 2015, prévoient ainsi que le ratio dette sur PIB en 2020 serait alors de 160 %, soit... son niveau actuel. L'Europe n'aurait alors, selon eux, pas d'autre choix que de lancer un troisième plan de soutien. Mais les Etats membres de la zone euro accepteront-ils alors de mettre à nouveau la main à la poche ? Le risque de faillite grec n'aura donc pas disparu à long terme.

Le risque politique

A plus court terme, la question politique sera cruciale. Les Européens souhaiteraient ajourner les élections législatives anticipées prévues en avril prochain. Les derniers sondages ne sont en effet pas sans les effrayer : les trois partis à la gauche du PASOK social-démocrate totaliseraient en effet 39 % des intentions de vote, soit autant que les deux grands partis, la Nouvelle Démocratie et le PASOK. Avec une extrême gauche si forte, le risque d'une remise en cause du plan de route est élevé. On les voit mal accepter le maintien d'un tel excédent primaire sans souhaiter augmenter la dépense publique. Le pari des dirigeants européens est que si l'on attend l'échéance normale de 2015, la situation du pays sera suffisamment redressée pour affaiblir les partis contestataires. Mais la rue grecque acceptera-t-elle d'attendre jusque là alors que le gouvernement Papademos devait être provisoire et que les élections anticipées ont déjà été repoussées de février à avril ? Le risque d'une explosion sociale incontrôlée n'est pas moins grand que celui de la faillite désordonnée.

Le risque MES

Reste enfin le problème du pare-feu. En juillet, le Mécanisme européen de stabilité (MES) prendra le relais du FESF. Que lui restera-t-il en caisse ? Selon les calculs de RBS, l'aide à Athènes coûtera entre 124 et 141 milliards d'euros au FESF. Si on table sur une participation du FMI de 13 milliards d'euros, ce qui n'est pas acquis, il restera alors au FESF une capacité d'endettement de 219,9 milliards d'euros. Un chiffre absolument insuffisant pour contrer une attaque sur l'Espagne ou l'Italie. Autrement dit, la confiance dans la zone euro ne sera pas rétablie auprès des investisseurs. La solution pourrait être de combiner les forces du FESF et du MES. La balle est dans le camp de l'Allemagne. Le gouvernement Merkel l'a évoqué, mais sa majorité parlementaire fait preuve d'une forte résistance. Or, la politique européenne se fait aujourd'hui en grande partie au Bundestag. Ce facteur d'incertitude va continuer à empoisonner la zone euro, malgré le succès de l'offre d'échange grecque.

En conclusion, si les marchés se focalisent sur cette offre d'échange à court terme, son succès n'est donc nullement une amorce de la fin de la crise européenne.