Le maillon faible de la zone euro : Italie ou Espagne ?

Par Robert Jules  |   |  742  mots
Mariano Rajoy, Premier ministre espagnol/Copyright Reuters
L'Italie et l'Espagne ont vu leurs taux respectifs se tendre sur le marché obligataire. Signe que le risque de contagion de la crise dans la zone euro plane toujours, surtout sur l'Espagne, qui politiquement et financièrement reste la plus exposée.

A la fin du mois de mars, le Premier ministre italien, Mario Monti, s?était publiquement inquiété de l?état des finances publiques espagnoles. S?il saluait les efforts en matière de réformes structurelles, il pointait le risque réel de dérive du déficit public. "Il ne faudrait pas grand-chose pour provoquer une nouvelle contagion qui nous concernerait", avait alors souligné l?ancien commissaire européen.

Le gouvernement de Mariano Rajoy, il est vrai, après avoir tergiversé, a indiqué qu?il ne pourrait pas atteindre l?objectif de 4,4% de déficit public cette année, en raison de la dérive de celui de 2011, qui, prévu à 6%, a dépassé les 8%. Devant ce pari impossible, Bruxelles a concédé à Madrid pour cette année un objectif de 5,3%, dont les marchés doutent qu?ils puisse être d?ailleurs atteint.

Nécessaire solidarité de la zone euro

Aussi Mariano Rajoy n?a-t-il pas répondu aux propos peu amènes de son homologue italien ? lequel a, par la suite, affirmé qu?il avait été mal compris -, insistant davantage sur la nécessaire solidarité des membres de le la zone euro face à la crise. Pour autant, ces remarques de Rome anticipaient les difficultés qu?a rencontrées la semaine dernière Madrid pour placer quelque 2,6 milliards d?euros de bons du trésor auprès des investisseurs, l?écart entre les taux espagnol et allemand à 10 ans s?établissant à leur plus haut niveau depuis 4 mois. Ce mardi, il en a été de même, les taux espagnols mais aussi italiens, mais aussi français, ont atteint de nouveaux seuils inédits depuis des mois. Le spectre d?une contagion à l?ensemble de la zone euro reste donc plus que jamais d?actualité, et ce pour deux raisons.

Les facilités de prêts accordées par la BCE

La première est la prochaine fin des facilités de prêts à un taux de 1% de 1.000 milliards d?euros - le fameux LTRO (Longer-term refinancing operation) - accordés par la Banque centrale européenne (BCE) aux banques européennes durant le premier trimestre. Ces facilités devaient favoriser les crédits accordés aux entreprises et aux particuliers, c'est-à-dire à l?économie réelle. En réalité, elles ont permis aux banques européennes d'acheter des obligations d'Etat des pays comme l'Espagne ou l'talie et ainsi de réduire les taux payés par ces Etats. Mais la semaine dernière, le président de la BCE, Mario Draghi, a d?ailleurs rappelé que « les deux LTRO sont une fenêtre d?opportunité pour les gouvernements pour engager une consolidation budgétaire et des réformes structurelles », tout en ajoutant que « les gouvernements nationaux doivent assurer pleinement leur responsabilités ». Autrement dit, il s'agissait d'offrir aux Etats un peu de calme pour accélérer la consolidation. Ce moment est sur le point de s'achever.

La deuxième raison est que l?Espagne et l?Italie doivent encore lever beaucoup d'argent pour honorer des engagements au deuxième trimestre. La première doit rembourser 44,3 milliards d?euros et la deuxième doit trouver 87,8 milliards d?euros, selon les calculs de l?agence Bloomberg. En outre, si l?Espagne a déjà levé 44% de ses besoins pour 2012, l?Italie n?en est qu?à 28%.

Le risque politique

Enfin, il y a la perception politique. Si le Premier ministre italien, avec son profil de technocrate, a pu faire l?unanimité sur sa politique de changements et de rigueur, même la délicate réforme du marché du travail est en bonne marche, il n?en est pas de même pour le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Les tergiversations depuis plusieurs semaines, au motif de remporter les élections en Andalousie, et qui au final lui échappe, ainsi que les annonces intempestives ont fait naître le doute sur la capacité des conservateurs a véritablement redresser la situation. On a a vu l'illustration par la façon dont les marchés financiers ont répondu - en envoyant les taux à dix ans espagnols à 6% ce mardi -  à l?annonce lundi de 10 milliards d?euros de coupes supplémentaires qui viennent s?ajouter aux 27 milliards d?euros déjà prévus. En effet, les secteurs concernés, l?éducation et la santé, sont en large part gérées par les régions, qui restent le point faible de l?Espagne.