Zone euro : tout va très bien, monsieur le président...

Par Romaric Godin  |   |  677  mots
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Nicolas Sarkozy affirme qu'il n'y a plus de risque d'implosion de la zone euro. A voir.

Nicolas Sarkozy en est persuadé, il l?a proclamé sur RTL ce vendredi : « il n?y a plus de risque d?implosion de l?euro. » L?Europe serait donc «convalescente». Il suffit donc d?éviter une rechute et, pour cela, il faut élire Nicolas Sarkozy. Le but est évidemment à la fois de vanter son bilan et de prévenir qu'il ne faut pas entraîner une rechute en ne l'élisant pas. Mais de tels propos, qui ne sont pas sans rappeler le fameux "la crise est finie" proclamée voici quelques semaines, méritent sans doute que l'on les analysent de près. Car, comme le président sortant aimait jadis à le rappeler, « les mots ont un sens ».

Pas de risque d?implosion générale et subite

L?implosion de l?euro est un phénomène qui peut s?entendre de plusieurs façons. Ce peut être un phénomène soudain et complet qui amènerait subitement les pays  à tous abandonner l?euro pour revenir à leurs monnaies nationales. Il supposerait que tous les pays ensemble jugent à un même moment que la gestion de la zone euro est devenue impossible. Cette perspective est, en effet, peu d?actualité. Les 17 affichent en effet tous une volonté ferme de poursuivre l?Union économique et monétaire. Mais n?en a-t-il jamais été autrement ? Il n?a jamais été question, même au plus fort de la crise de la dette, de recourir à une telle extrémité. Le risque a en effet disparu, faute d'avoir jamais existé.

Risque d?effilochage

Le vrai risque d?implosion est un risque « partiel ». Il suppose que des pays membres de la zone soient contraints de la quitter, entraînant un effet domino qui déliterait progressivement l?Union économique et monétaire. Pourquoi un pays quitterait-il la zone euro ? Parce que le poids de sa dette deviendrait insupportable et que, pour survivre, la seule alternative serait d?avoir recours à la dévaluation externe rapide et à l?inflation. Ou bien parce qu?un pays payeur estimerait ne plus pouvoir payer et donc contraindrait un ou plusieurs pays membres à avoir recours à cette dévaluation par l?introduction d?une nouvelle monnaie.

Menaces persistantes

De ce point de vue, le risque a-t-il disparu ? La solvabilité des Etats de la zone euro s?améliorent-ils, comme le suggère le terme de « convalescence » utilisé par le président français ? Ce n?est pas l?avis des marchés. Certes, les adjudications réalisées cette semaine ont prouvé qu?il n?y avait pas de menace directe sur la solvabilité. Mais la situation ne s?améliore pas. L?évolution récente des taux et des CDS, les assurances contre le défaut (qu?il faut cependant manier avec précaution compte tenu de leur liquidité), montre au contraire que les acteurs de marché s?inquiètent de plus en plus.

L?Italie, après l?Espagne, a repoussé son objectif de réduction du déficit public. Chacun reconnaît que la Grèce devra faire appel à une troisième aide. Sans compter que l?éventuel chaos politique qui pourrait émerger des élections helléniques le 6 mai prochain menace tout l?édifice péniblement construit pour maintenir le pays dans la zone euro. Les opérations de refinancement à long terme de la BCE, le LTRO, ont clairement montré leurs limites. Les banques espagnoles ou italiennes qui ont racheté des bons d?Etat avec une partie de ces fonds se retrouvent fragilisées et mettent en péril, en retour, les Etats qui devraient venir les aider. Le FESF et le MES sont clairement sous dimensionnés pour faire face à une panique de grande ampleur. Et à Berlin, on fait savoir que l?on ne mettra plus un euro pour sauver la zone euro. Jamais peut-être le risque n?a été aussi concret, car les portes de sortie et les marges de man?uvres sont de plus en plus réduites. Mais à part ça, monsieur le Président, tout va très bien?