Chômage, récession, rigueur : l'Espagne sous l'eau -au moins- jusqu'en 2013

Sanctionnée jeudi par Standard & Poor's puis par les marchés -la Bourse de Madrid chutait à l'ouverture ce vendredi-, l'Espagne compte près d'un actif sur quatre au chômage. Plongée dans la récession, asphyxiée par une rigueur drastique, le pays doit courber l'échine au minimum jusqu'en 2013 selon les experts.
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Faire le dos rond et attendre des jours meilleurs : l'Espagne n'a pas vraiment le choix. Sanctionnée jeudi par l'agence de notation Standard & Poor's, le pays a dévoilé ce vendredi des chiffres du chômage assourdissants : au premier trimestre, quasiment un actif sur quatre (24,4%) était sans emploi, un record parmi tous les pays industrialisés, et un plus haut depuis la création de cet indice, en 1996. Au total, ce sont 5,64 millions d'Espagnols qui ne travaillent pas ou plus.

La quatrième économie de la zone euro est dans une situation économique critique, résumée par le journal Expansion sur un ton dramatique : "De Londres à New York, en passant par Paris, Berlin, Bruxelles et Rome, dans toutes les places économiques du monde occidental, les analystes sont d'accord sur une chose: l'Espagne donne beaucoup d'inquiétudes et peu d'espoirs". Vendredi matin, le taux des obligations à 10 ans de l'Espagne bondissait et se rapprochait du seuil des 6%, après la dégradation de la note de solvabilité du pays par S&P.

Entrée officielle en récession pour plusieurs trimestres

Lundi, ce même institut national de la statistique confirmera l'entrée officielle de l'Espagne en récession, deux ans à peine après en être sortie. La Banque d'Espagne table sur un recul du PIB de 0,4% au premier trimestre par rapport au précédent, où il avait baissé de 0,3%. "L'année 2012 va être très faible, en termes de consommation et d'emploi", note Alberto Roldan, analyste de la maison de courtage Inverseguros.

Le ministre du Budget lui-même, Cristobal Montoro, admet que le pays vit "un moment d'extrême fragilité", prévoyant un PIB amputé de 1,7% en 2012, dont les deux premiers trimestres négatifs. La Fondation des caisses d'épargne (Funcas), plus pessimiste, attend sept trimestres de baisse de l'activité (en incluant le dernier trimestre 2011), ce qui augure d'une sortie de récession au second semestre 2013. Pour Commerzbank, l'Espagne sera le seul pays en zone euro encore dans le rouge en 2013, prévoyant -0,3%. Natixis prédit -0,5%. "J'ai bien peur que Funcas ait raison", confie Juan José Toribio, professeur à l'IESE Business School de Madrid, et "les plus gros doutes ne concernent pas cette année, pour laquelle je pense que les prévisions du gouvernement sont bien faites, mais plutôt l'an prochain".

Une amélioration pas acquise en 2013

Car 2013 ne sera pas beaucoup plus simple que 2012: il faudra encore continuer avec l'ajustement budgétaire, avec encore les mêmes effets selon les analystes. Madrid veut réduire son déficit de 8,51% du PIB en 2011 à 5,3% en 2012 puis 3% en 2013, mais jeudi, Standard & Poor's a clairement fait savoir qu'elle n'y croyait pas, en dégradant la note du pays de deux crans, à BBB+: elle prévoit 6,2% en 2012 puis 4,8% en 2013. "Dans un environnement de contraction économique, et contrairement à nos prévisions précédentes, nous pensons que la trajectoire des finances publiques de l'Espagne va probablement se détériorer", a estimé l'agence. Le gouvernement a cependant approuvé le plan de stabilité ce vendredi, a annoncé Soraya Saenz de Santamaria du cabinet du Premier ministre.

Surtout, attention au "cercle vicieux", insiste Alberto Roldan: "Chaque euro que vous économisez est un euro qui ne va pas à la croissance". L'économiste en chef de HSBC, Stephen King, est du même avis. "La situation en Espagne est en train de se muer en situation à la grecque: la récession est tellement profonde que quand vous faites un pas en avant vers l'austérité, cela vous amène deux pas en arrière".

Une spirale récessive ?

"Le grand risque, c'est de tomber dans une spirale récessive", note Jesus Castillo, spécialiste de l'Europe du Sud chez Natixis. "On a atteint les limites des politiques d'austérité menées à travers l'Europe: l'austérité à tout-va, comme on est en train de l'imposer en Espagne, en Italie, en Grèce, au Portugal, se traduit au final par moins de consommation, donc moins de TVA, plus de chômage, donc moins d'impôt sur le revenu", dit-il, tablant sur un chômage espagnol à 24,8% en 2013.

Il faudrait y ajouter d'"autres mesures qui, d'une certaine manière, accompagnent la croissance économique ou, du moins, adoucissent la récession", relève Jesus Castillo. Mais celles-ci "doivent être prises hors d'Espagne, par la BCE elle-même, avec une politique monétaire expansive", par exemple via un nouveau prêt avantageux aux banques ou en baissant son taux directeur. "Il faudrait certainement un assouplissement des objectifs de réduction de déficit", ajoute Jesus Castillo, et "cela suppose, pour les pays en difficultés et qui ont du mal à se financer sur les marchés, une vraie politique (européenne) de soutien et d'aide au financement de leurs besoins".

Commentaires 2
à écrit le 06/06/2012 à 20:38
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ceux qui pouvaient sont partis..ils ont compris que comme les diplomés des autres pays, ils allaient etre tondus par la génération des babyboomers qui s'est auto-voté un statut de pacha (retraite, prestation sociale etc)....tout en laissant aux autre...

à écrit le 06/06/2012 à 18:40
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La courbe de l'endettement a une dérivée fortement positive, pourtant il semble la dette ne monte pas jusqu'au ciel. Question: pourquoi ne faites-vous rien de vos diplômés?

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