L'Allemagne entre inquiétude et ouverture

Par Romaric Godin, à Francfort  |   |  697  mots
Guido Westerwelle, ministre allemand des affaires étrangères. Copyright AFP
Outre-Rhin, l'inquiétude domine les éditoriaux de la presse après la victoire de François Hollande et la CDU, le parti d'Angela Merkel, déjà menaçante. Mais le ministre des Affaires étrangères se montre conciliant.

Le parti de la chancelière allemande, la CDU, n?a guère attendu pour défier François Hollande. A peine le nom du nouveau président de la République française connu, un porte-parole des conservateurs allemands, Andreas Schockenhoff, a enjoint le nouvel élu à « clarifier sa position sur la modification du traité budgétaire européen ». Et de mettre en garde le futur locataire de l?Elysée : « tout le monde veut une croissance durable en Europe, mais ceci ne doit pas se faire aux dépens de la politique de stabilité et de la discipline budgétaire, sinon il y aura de nouveaux accès de nervosité sur les marchés ». « La France doit ratifier vite le traité budgétaire », a-t-il conclu. Preuve supplémentaire de la mauvaise humeur qui doit régner à la chancellerie ce dimanche soir.

La gauche se réjouit

Pour autant, le ministre fédéral des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, ancien leader libéral, a dimanche soir ouvert une porte au nouvel élu. Tout en affirmant que le traité budgétaire était « décidé et devait être ratifié», il a affirmé vouloir travailler « étroitement avec Paris » à un « pacte de croissance ». Mais le même ministre a dans une interview à la Frankfurter Allegemeine Zeitung à paraître lundi insister sur sa méthode pour parvenir à la croissance : des réformes structurelles. Pas sûr que le nouvel élu français l?entende ainsi. Outre-Rhin, la victoire de la gauche française a clairement partagé les deux camps politiques. Le leader des Verts, Jürgen Trittin, y a vu une « défaite d?Angela Merkel », tandis que Sigmar Gabriel, le président du SPD social-démocrate, parlait d?un « vent nouveau en Europe ».

Les inquiétudes des éditorialistes

Du côté des éditorialistes de la presse allemande, c?est l?inquiétude qui dominait. François Hollande fait clairement peur, par exemple, au Rheinische Post de Düsseldorf qui consacre un long article aux conséquences de l?alternance en France. « Sur le banc des accusés du nouveau président, il y a la politique de consolidation budgétaire d?Angela Merkel », souligne-t-il. Pour lui, François Hollande, « veut, comme la gauche grecque, de la croissance avec plus de dépenses de l?Etat » quand il faudrait plus de flexibilité du marché du travail et un recul de l?endettement public. « François Hollande n?est pas le genre de personne à suivre un autre programme que celui qu?il a proposé dans la campagne », regrette-t-il avant de prophétiser : « l?Europe se trouve devant des temps difficiles ».

D?autres quotidiens, comme l?Offenburger Tageblatt ou le Westfalen Blatt de Bielefeld, avouent leurs « inquiétudes » devant le nouvel élu. La Frankfurter Allgemeine Zeitung, elle, prévient que François Hollande n?aura pas d?état de grâce » et qu?il sera très important pour lui de tenir ses promesses sur le traité européen. Et beaucoup, outre-Rhin, comme l?éditorialiste de la Nürnberger Zeitung de Nuremberg, prévoient qu?il « faudra du temps pour construire une relation de confiance » entre Paris et Berlin.

Espoirs

Il y a cependant des voix dissonantes qui espèrent un renouveau de la relation franco-allemande. Le Reutlinger General Anzeiger rappelle que le prédécesseur socialiste de François Hollande, François Mitterrand, avait fini par abandonner sa « politique de gauche ». Plus critique envers Angela Merkel le Donaukurier d?Ingolstadt se demande si, en exigeant une politique de croissance, le nouveau président français ne va pas « éviter Angela Merkel et l?Europe de se fourrer dans une impasse ». Et de rappeler que l?exemple grec montre où mène la colère des citoyens. De son côté, le Financial Times Deutschland analyse le danger pour la chancelière : François Hollande va défier son « pouvoir en Europe ». Mais la Märkische Oderzeitung de Francfort-sur-l?Oder, remarque que « le nouveau président français ne s?établira pas comme un adversaire de la chancelière au niveau européen. Il sait que l?enjeu est trop important et on a, sur les deux rives du Rhin, conscience de cela ».